Entretien avec Zarca, à propos de son ouvrage Paname Underground, prix de Flore 2017
Paname Underground est votre dernier livre, après Le Boss de Boulogne paru en 2014, Phi Prob paru en 2015 et P`tit monstre paru début 2017. Qu`est-ce qui vous pousse à continuer d`écrire ? Qu`est-ce qui vous inspire pour trouver de nouveaux thèmes ?
Je continue à écrire, tout simplement parce que j`en éprouve le besoin. J`écris depuis tout gamin, je n`ai jamais arrêté, je suis simplement dans la continuité de ce que j`ai toujours fait. Les thèmes abordés dans mes livres dépendent de mon obsession du moment. Ça a été le bois de Boulogne, Bangkok, les enfants tueurs et les coins chauds de Paname, le prochain sera la came.
Paname Underground marque aussi le retour à quelque chose de plus personnel, moins dans la fiction, comme ce fut peut-être déjà le cas pour le Boss de Boulogne. Qu`est-ce qui a pu motiver cette décision ?
Le Boss de Boulogne, nan, c`était une pure fiction, dans un endroit certes que je connaissais bien, mais une fiction quand même. Paname est ma seule autofiction. Pour Paname je me suis dit, quitte à porter l`étiquette de "Mec de l`Underground", autant m`en servir. En me faisant narrateur et personnage principal de cette histoire, je pouvais jouer davantage sur le côté fiction/réel.
Vous décrivez dans votre livre un Paris de la rue, un Paris nocturne, un Paris du bitume et des bas-fonds. Est-ce que tout ce qui est raconté ressort de votre vécu ou avez-vous gardé une certaine part de fiction dans votre récit ?
Non, bien sûr, il y a les deux. Je parle de ce que je connais, mais j`invente aussi. Je suis romancier, pourtant ceux qui connaissent bien ces milieux underground savent que je ne raconte pas de conneries.
La langue utilisée dans votre livre est aussi celle de la rue d`aujourd`hui. Qu`est-ce qui vous a donné envie de donner une telle oralité à vos livres ? Certains auteurs en particulier ?
Je ne crois pas avoir été influencé dans ce sens-là par des auteurs, encore que, c`est compliqué à savoir. Cette façon d`écrire me parait instinctive, elle m`est venue spontanément lors de l`écriture de mon premier roman le Boss de Boulogne. Je réfléchis sans doute mon texte à l`oral, comme si je racontais l`histoire à un pote, avant de la transposer à l`écrit.
Votre livre a été récompensé par le prix de Flore (à égalité avec L`invention des corps de Pierre Ducrozet). Comment avez-vous vécu cette reconnaissance ?
Très bien, pour une fois qu`on me file un prix et un verre gratos pendant un an, je ne peux être que ravi, sans compter que j`ai la reconnaissance de la rive gauche où je ne traine jamais les pieds.
Est-ce une difficulté supplémentaire pour continuer à écrire avec cette attente qui pèse désormais sur vous ?
C`est vrai que ça peut mettre la pression mais j`essaye d`accepter le fait que la vie de romancier est fluctuante. Là, on me kiffe bien, puis on va sans doute un jour me dire que mon travail a baissé en qualité, pour me dire ensuite que c`est cool, et ainsi de suite. Je crois qu`il faut que je m`habitue à ça.
Zarca et ses lectures
Quel est le livre qui vous a donné envie d`écrire ?
Sans doute un livre de la collection "J`aime Lire", appuyé un peu plus tard par les "Chair de poule".
Quel est l`auteur qui vous a donné envie d`arrêter d`écrire (par ses qualités exceptionnelles...) ?
Aucun, je ne crois pas aux dieux, ni aux maitres.
Quelle est votre première grande découverte littéraire ?
Sans doute Flash ou le grand voyage de Charles Duchaussois. Un pote m`avait filé ce bouquin, c`était générationnel.
Quel est le livre que vous avez relu le plus souvent ?
Pimp d`Iceberg Slim.
Quel est le livre que vous avez honte de ne pas avoir lu ?
Retour à Brooklyn de Hubert Selby Jr.
Quelle est la perle méconnue que vous souhaiteriez faire découvrir à nos lecteurs ?
Spartacus de Romain Ternaux.
Quel est le classique de la littérature dont vous trouvez la réputation surfaite ?
Sur la route de Kerouac.
Avez-vous une citation fétiche issue de la littérature ?
Cogito Ergo Sum. Nan, franchement j`en sais rien, je ne suis pas fétichiste.
Et en ce moment que lisez-vous ?
En ce moment, rien.
Découvrez
Paname Underground de
Zarca aux éditions
Goutte d`Or :

Interview réalisé par Rémy Watremez
Payot - Marque Page - Johann Zarca - Drag
Il existe une phrase de chez nous qui dit : "Ici, si tu t'embrouilles avec une pute, tu t'embrouilles avec tout le bois de Boulogne."
La rabla tourne au bois d'Boubou
Et le crew BDB casse des chebous
Ensemble on bicrave, on bédave, on pillave
Pendant qu'ton daron Reine-Margot se fait bouillave
Qui qu'tu sois : clasher, dealer, Karlouche, Manouche ou dicsa
Pute, mac, tox, trav, trans, skin ou scarla
Teste pas le BDB
Bande de barbares, barbares de Boulogne
Bicraveurs de bédo du bois d'Boulogne.
J’ai rencontré Chicha au service addicto de l’hôpital René-Muret, à Aulnay-Soub’. En vrai, c’est Zyed que j’ai rencontré ce jour-là. Quelque chose m’a tout de suite touché chez ce gars, je ne sais pas, sa tronche de mec qui a dégusté, de type qui s’entête à vivre ou, plutôt, à survivre. De manière générale, j’aime bien les acharnés, qui ne respirent pas le bonheur mais persévèrent, crachent sur la faucheuse, trinquent mais rêvent de dévier leur trajectoire de vie, d’enculer le déterminisme, de sortir de l’impasse, d’arrêter de se détruire, mais ne savent pas comment faire. Les espérants, les résilients, les survivors.
Lui même le dit: "Les Kalashnikovs, pour nous les Afghans, c'est un peu comme vous et le camembert."
Sur ma vie, Booba, c'est l'duc de Boubou, et toi, t'es l'boss de Boulogne !
Assez rapidement, j'ai fait le constat suivant : si je ne bicrave que du shit, sûr que je n'irai pas loin. Le chichon, c'est bon pour les putes de temps à autre et les clients venus s'offrir une soirée underground au bois de Boulogne.

Zyed s’écarte du sentier, se noie dans les abysses du bois de Boulogne. Il s’arrête au pied de son arbre, enfin celui qu’il a décrété sien. Il dépose son sac de sport à terre et, vite, il se désape. Dans son kes, il récupère sa jupe jaune flashy et son débardeur rose bonbec. Il enfile ses fringues et fixe sa perruque brune en carré plongeant sur son crâne rasé. Il chope son sac à main, range son flash, ses clopes, son vieux téléphone et sa maille dedans. Son sac de sport restera toute la nuit au pied de son arbre – personne ne vient jamais là. Zyed troque ses baskets contre des escarpins et il se maquille à l’aveugle, dans l’obscurité du bois. Pas la peine de s’emmerder à faire dans le détail, ses clients le verront mal dans les ténèbres, et puis ils cherchent rarement la grâce et la subtilité auprès de lui. Il s’étale un rouge brillant sur les lèvres, se paillette un peu la ganache, foire le mascara. Et Zyed se transforme en Chicha. Et Chicha regagne le trottoir.
Qu'est ce que tu crois, Kévin ? Que je ne sais pas qui tu es ? Je te connais, tu es mon fils. Je sais c'que tu as dans la tête, Kévin. Tu n'approches plus tes sœurs maintenant ! S'il leur arrive quoi que ce soit, je te tue. Tu as compris, mon lapin ? Je te tue.
Direct, je flanque à l’épave une golden dans la bouche, le fils de pute se rétame sur le sol sablonneux. Sans pitié, je plonge à terre pour le finir en ground and pound, lui balance un steak dans la face, puis deux, puis trois, puis quatre… Dix, onze, douze… Je l’éclate, lui envoie trois coudes et deux coups de plafonds. – T’es mort, enculé ! Je le défonce encore et encore, ne cesse de me défouler sur ce crevard, l’expédie dans le coma. Le corps contracté à balle, le poing droit flingué, je me relève et ajoute un penalty dans la boîte crânienne de ce chien. Je pense à Diana, récupère mon sachet de coke et me le vide dans la bouche. L’Underground c’est moi.
Chicha n’est pas comme certaines femmes de l’allée de la Reine-Marguerite, belles et hormonées, parfois opérées et dont les taros pour une passe peuvent grimper à quarante dolls. Non, Chicha casse les prix en fonction du micheton, accepte beaucoup de choses, à peu près tout. Ses yenclis veulent du sale, du hardcore, du ce-qu’ils-font-pas-chez-eux.