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EAN : 9782246386315
416 pages
Grasset (23/08/1989)
4.13/5   65 notes
Résumé :
Serge est un juif français de cinquante ans, marié à une Autrichienne protestante d'une vingtaine d'années et ils vivent en Amérique, zigzaguant entre trois langues, deux continents et ses deux filles à lui... D'emblée, le livre se brise en deux. Dans la première moitié, le journal même de l'auteur qui est sa version fin de siècle de "la Nausée", où il explore sa solitude. Dans l'autre moitié, sa femme fait irruption. Se déplie alors le roman conjugal. Doubrovsky ra... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (11) Voir plus Ajouter une critique
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L'autofiction est un concept inventé, mine de rien, par Serge Doubrovsky pour définir sur une quatrième de couverture l'un de ses livres ("Fils" paru en 1977).
L'autofiction fait se superposer et se confondre l'écrivain, le narrateur et le personnage. 
"Le Livre brisé" est une autofiction.
"Le Livre brisé" n'est pas seulement une autofiction.
"Le Livre brisé" est un livre où l'on a toutes les raisons de penser (puisque c'est le narrateur qui nous le dit) que l'un des personnages (ce même narrateur) met en mots et met à mort un autre personnage (sa femme Ilse).
Un livre nourri de trous de mémoires, d'absences, d'espoirs réduits au néant et transformant en poème une femme qui était vivante en début de son écriture.
Un livre monstrueux, déchirant, ravageant, qui te porte jusqu'au bout du gouffre.
Un livre-tombeau.
Un livre qui a fait un certain scandale en 1989 et qui pose, comme aucun autre peut-être, les pires questions : 
L'écriture ou la vie ?
Jusqu'où il faut persister à écrire ?
A quel prix ?
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En quelques mots, en quelques phrases, sans emphase, Serge Doubrovsky m'a emportée, transportée. Portée par son texte, je me suis laissé prendre. Sans préliminaire, sans préambule, je me suis laissé entrainer dans sa bulle. Bulles de savon, ça explose. Savais pas que cela me ferait ça, comme ça. Avec tous ses jeux de mots, ses nombreux maux, il triturait mon cerveau avec des mots. Démoniaque écrivain qui m'a fascinée. Transporté mon imaginaire. Laissé séduire par son imagination. Imagine le plaisir à chaque page, à chaque phrase. Imagine comme il m'a alpagué pas à pas. Pas la peine de le nier.
Pour tous ses sujets, toutes ses passions, ses thèmes de prédilection, les penseurs, les philosophes, Sartre, le couple, ses femmes, sa femme, la guerre. Guerre le temps de m'y arrêter. Fallait le suivre, tout le temps, dans ses errements, ses réflexions, ses détournements de mots incessants, ces décompositions indécentes. Descentes et remontées. Des sens démontés émerveillent. Des sens qui s'éveillent. L'existence précède l'essence... le sens de la vie. Juste par des mots, le sens et contresens de chaque mot. L'essence de notre amour des lettres. Déchiffre des lettres. Des sourires et du charme. du coeur et de l'âme, j'ai déposé les armes. Pas cherché à résister. Purement irrésistible. Pureté du style, du stylo. Un vrai styliste de la langue. L'oeil et l'esprit. Mais moi j'ai pas la plume, le pinceau ni même de dico sous la main. Mais moi, j'ai pas assez de termes ni d'esprit pour dire combien c'est beau. C'est de l'art. du lourd.
Comme j'ai savouré me plonger dans son monde d'intello, de penseurs. Plongée en apnée. En ape senteur le suivre dans ses pensées. J'pense qu'il me remplit d'intellect, de mots et d'émotion. de raison, déraison et de sensation. Pense qu'il est doué des mots. Il joue avec les langues. Il joue avec la langue. Il manipule les mots comme il jongle avec l'esprit. Pervers, il triture notre cortex. Retord, les mots il les tort et décortique un à un, mot à mot, du tac au tac, comme un tic, comme un toc, tous ses maux, il les dissèque, quel mec. Jamais sec dans ses phrases courtes. Il court toujours, il cherche et se passionne. Passionné, passionnant. Sans concession, il avoue ses imperfections. Sans fard, il poursuit sur ses travers. On le suit vers un ailleurs. On poursuit, on l' poursuit. On en veut encore de sa verve comme une jeune fille happée, harponnée par un beau parleur.
Mais, lui, il nous parle de plus en plus de son histoire avec une autre. Il parle de son amour perdu, de sa jeune femme disparue et là on ne sourit plus on ne respire plus. Passant de phrases courtes en phrases longues sans ponctuation hachées débitées comme on parle on discute on ''débatte'' on halète on suffoque.
Ce roman c'est pas sec. C'est sexy. C'est de la zic. Rock et jazzy. Ça sonne juste, justement. On s'attache comme ça touche. C'est tout chaud. C'est touchant. C'est troublant. Captivant. Bouleversant... Poignant.
De la musique j' vous dis. du jazzy au gospel, des sourires aux larmes en ribambelle. Ça s'emmêle. Ça s'embrume. Comme ma plume.
Ce ton, c'est du rythme. le rythme de sa vie, sa vie de prof, d'auteur, de père, de mari. de New-York à Paris. C'est un hymne d'amoureux fiévreux, malade des mots, malade d'amour, d'amour trépassé. Et de l'esprit éveillé on passe au corps malmené. Ça prend aux tripes ce poème. Ça mouille les yeux comme ça saigne.
Et c'est bien la vie, tout ça, tout ce rythme et ces rimes. Et moi je rame à tenter de m'arrimer à son niveau. Vaux pas grand-chose avec mes jeux de mots faciles que j'répète mais Doubrovsky valait bien que je m'égosille à parler de lui et de ce texte. Et j'en souffre encore de ces dernières pages. Et je me tais, la gorge serrée. Plus de mots. Mise à mal par ce livre brisé. Comme sa vie en éclats.
Et moi j'ai juste tenté de raconter combien j'ai aimé. Mais moi et mes émois tourneboulés (Tais-toi je me tue). C'est tout ce qu'il faut retenir de ce billet. Emoi et le plaisir jouissif de le lire. Et moi et la tristesse tant ressentie à le lire.
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Le livre brisé, prix Médicis 1989.
Ce n'est pas un livre de plaisir, mais celui d'une époustouflante construction, d'un jeu, sans qu'il en soit un, entre construction/destruction, actif/passif, fictif/vrai, chacun jalousant le rôle de l'autre, avec un crescendo de suspense que la quatrième de couverture n'arrive pas à diminuer.
Le fil de la diégèse fait des soubresauts, des bonds grisants qu'à moitié annoncés, en va-et-vient entre le passé et le présent, la bio et la fiction, la dernière en conflit accepté avec la première : "Vieillir offre assez d'inconvénients pour présenter de modestes avantages. J'ai ma recette. Je commence à connaître la cuisine. Une vie passée, quand on la débite en tranches, un peu saignantes, blessures de guerre encore ouvertes, crève-coeur toujours à vif, ballade des amours évaporées. Mais où sont les neiges d'antan ? D'un seul coup, elle se transforme. Elle devient un vrai roman. UN ROMAN VRAI. Ça fait coup double. On chatouille l'imagination. On certifie que l'imaginaire est véritable. Jouissance double : le rêve et la réalité."
Roman écriture, roman introspection, condamnation et raison de vivre.
Trou de mémoire, la mémoire passive subit les souvenirs, ne travaille plus le passé, n'adoucit plus les plaies, elle laisse traîner le noir et l'amertume, difficiles à digérer : la guerre, les juifs, les déportations, la peur.
Le style suit de près en électrochocs : coupé, sec, douloureux, abrasif, essoufflé. "Ecrire ne m'a jamais délivré. Je n'ai jamais été libéré. Les mots ne sont pas des actes. Même imprimés, ce sont des paroles en l'air... A l'époque, je n'avait pas voix au chapitre. Maintenant, j'emplis des chapitres de ma voix. Je vocifère en vain, fureurs inutiles. le passé, on peut le raconter, l'écrire. On ne peut pas le récrire... Pour dormir, il faut avoir la conscience tranquille. Tout le sang que je n'ai pas versé pèse à jamais sur la mienne... Je me replonge dans mes bas-fonds, jusqu'au tréfonds. Désespérément, je sonde, je fouille. Pas un reste, pas une trace. Tout à disparu dans un absolu naufrage. Comme une épave, je suis là, pétrifié, sur le terre-plein de l'Etoile, devant ce désastre. 8 MAI 45 : TROU DE MEMOIRE."
Mélange de souvenirs et d'imaginaire, chacun venant avec sa part de construction et de destruction, et le résultat un fil du rasoir, épreuve à multiples risques, qui n'excluent ni ceux de l'écriture ni ceux de la vie. Serge Doubrovsky possédé par l'écriture, une fièvre qui le consume et le nourrit, c'est sa perte et sa vie.
Autofiction, tension dangereuse entre expérience vécue et expérience littéraire, pas seulement pour l'auteur mais également pour le lecteur pris à témoin, et la mémoire fouille l'enjeu de l'écriture qui contre attaque en imposant la culpabilité. Serge et sa femme Ilse, tendresse et mise en poussière par détonation fracassante.
Serge Doubrovsky, magicien des mots, jongleur habile avec les allégories les métaphores et les multiples sens qu'il prête aux verbes et aux noms, et avec l'ironie qu'il rend mordante sans lui enlever la subtilité, sorcier des rythmes qui passent à une simple tournure de plume du ralenti au galop effréné, pour revenir au ralenti, et des images qui se partagent le passé et le présent, et l'imaginaire.
Construction remarquable, réalité et fiction, psychanalyse, regard en soi-même, cri déchirant, littéraire et humain.
Merci à Victoria pour m'avoir fait découvrir cet auteur d'une force de frappe inouïe.
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Dans ce livre Serge Doubrovsky raconte sa vie, au présent : il s'agit d'autofiction (Doubrovsky étant l'inventeur du terme).
Il vient de se marier avec une femme beaucoup plus jeune que lui, Ilse, qui était son étudiante. Celle-ci le met au défi d'écrire sur elle, puisqu'il a déjà écrit sur ses précédentes épouses (Claudia et Rachel) et sur ses filles issues de ses précédents mariages.
L'auteur relève donc le défi. Et l'on assiste médusé au récit sans concession des détails les plus intimes de la vie du couple (ainsi qu'à quelques leçons de Doubrovsky professeur, notamment sur la Nausée de Sartre, les Mots, et des réflexions assez vertigineuses sur l'autobiographie, et sur la Shoah). L'humour est très présent, mais à mesure que l'on avance dans le roman, la tragédie se noue. L'auteur écrit et décrit, comme s'il n'y pouvait rien, la détresse de plus en plus insondable de sa femme, entre son incapacité à trouver un emploi qui lui convienne, les avortements, la fausse couche, le désir d'enfant auquel lui demeure sourd, les disputes, les insultes, les coups même, les scènes de beuverie, l'alcoolisme. La solitude d'Ilse. La veulerie de Doubrovsky. Et le livre se brise. Ilse meurt.
Elle meurt, peut-être, sans doute, à cause du livre en train de s'écrire. Elle meurt pour de vrai, dans la vraie vie, pas seulement dans les pages du livre.
Et le lecteur en sort complètement ébranlé, interdit, balloté comme un caillou dans une mer déchaînée. Un soir de grande marée.
Ilse est morte, le livre est brisé, le lecteur aussi.



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De tous les livres que j'ai lus, incontestablement, le meilleur. Il est de ces livres qui vous scotchent, vous paralysent. Bouleversant.
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critiques presse (1)
Bibliobs
23 août 2022
Dans ce huis clos conjugal, qui fit beaucoup causer dans le bocage littéraire, se reconnaîtront en effet ceux qui, un jour, ont pris leurs cliques et leurs claques pour « sauver leur peau ».
Lire la critique sur le site : Bibliobs
Citations et extraits (10) Voir plus Ajouter une citation
Avec ma femme, mon passé ne passe pas. Mes amours d'antan lui restent dans la gorge. La scène avec la belle a beau dater d'avant sa naissance, elle est jalouse Que j'ai pu en désirer d'autres, en aimer d'autres. Avant elle. Que j'en alimente mon style. Elle est hostile. Mes déballages de tripe et de coeur, farouchement contre.
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Si on avait un crâne en verre, si on pouvait se lire mutuellement dans les pensées, pas un couple qui n'éclaterait au bout d'une heure. (p.51)
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un être qu'on aime, on ne fait pas de tri dedans, c'est à prendre ou à laisser. (p.409)
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DE QUOI. M'obsède, me martèle la tête. Une fois mort, on est mort, qu'est-ce que ça change. Qu'est-ce que ça peut faire. Eh bien , non. JE VEUX SAVOIR. (p.330)
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On peut tout dire du moment que c'est passé. Le présent, voilà le problème, parce qu'il engage l'avenir. (p.50)
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Video de Serge Doubrovsky (5) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Serge Doubrovsky
Un homme de passage de Serge Doubrovsky Marque Page 16-02-2011
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