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Critique de Lamifranz


Une guerre, c'est toujours une fin du monde pour quelqu'un. Souvent même c'est une fin du monde qui se prolonge longtemps après, surtout pour une mère.
"Ana Non" est un portrait de femme inoubliable. La littérature n'en manque pas, pourtant de ces femmes dont la personnalité attire l'attention (en bien ou en mal, d'ailleurs) : de la Maheude ("Germinal" d'Emile Zola) à Pilar ("Pour qui sonne le glas" d'Ernest Hemingway), de Madame Lepic ("Poil de carotte" de Jules Renard) à Folcoche ("Vipère au poing" d'Hervé Bazin), de Pélaguée Nilovna Vlassova ("La Mère" de Maxime Gorki) à Augustine Pagnol ("Le château de ma mère" de Marcel Pagnol), en passant par Mina Kacew ("La Promesse de l'aube" de Romain Gary) ou Louise Judith Cohen ("Le Livre de ma mère" d'Albert Cohen)...
Ana Paucha, essentiellement est une mère. Dans une autre vie elle a été à la fois femme, épouse et mère. Mais la guerre d'Espagne est passée par là. Elle lui a pris son mari et deux de ses fils. La guerre est finie, mais les bourreaux sont toujours là. le troisième fils, le dernier, le petit, est en prison quelque part dans le Nord. Il est tout ce qui lui reste. Maintenant elle n'est plus qu'une vieille mère de soixante-quinze ans. Alors quoi ? On laisse tomber ? Non. Non, et encore non, elle ne va pas leur faire ce plaisir, à eux les bourreaux , les assassins, ni à lui, ce Dieu qui tourne le dos aux pauvres gens. Elle dit non, elle s'appelle Non, Ana Non. Et avant de mourir, elle décide d'aller embrasser son petit, là-haut, dans le Nord, et de lui apporter son gâteau préféré, un pain aux amandes. La route est longue, dure, douloureuse, dangereuse... Elle se trouve une compagne de route, une chienne qui est comme elle vieille et rejetée de partout, et des rencontres de chemin qui la laissent à chaque fois un peu plus seule, un peu plus vieille, un peu plus désemparée, mais pas moins motivée ...
"Ana Non" est l'histoire d'une obstination. Comme Antigone, si on veut, mais encore plus viscéral : Antigone n'était pas mère. Ana Paücha l'a été trois fois. Sa volonté naît dans sa tête, mais aussi de ses tripes. Est-ce de l'amour ? Est-ce de la haine ? A ce stade l'un et l'autre se mêlent, son petit incarne tout l'amour de sa vie, présent et passé, celui de sa famille, de son mari, de ses fils perdus... la prison qui le retient prisonnier est l'image de l'abomination représentée par ce petit homme replet et abject qui se fait appeler Caudillo...
Et nous que pouvons-nous faire ? Nous marchons avec elle, nous souffrons avec elle, nous pleurons avec elle, parce que sa douleur nous la comprenons avec beaucoup de compassion, mais nous ne pouvons pas la partager, si grande est sa solitude. "Ana non" est un roman bouleversant, par l'émotion profonde qu'il déclenche chez le lecteur, et aussi par ce sentiment de terrible impuissance qu'on a parfois devant le malheur.
Ana Non, son visage ridé, ses yeux fixés obstinément au-delà de l'horizon, ses mains crispées sur son maigre bagage et son gâteau qui s'effrite un peu plus à chaque kilomètre, Ana Non vous poursuivra encore longtemps, bien après que vous ayez refermé le livre.
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