Elle lui jeta un regard dans lequel l’innocence le disputait à la gêne et à l’indignation. De la part d’une fille qui venait de se battre contre un ravisseur, et qui avait l’air d’avoir été traînée dans un tas de foin, puis jetée dans un enclos à cochons, l’effet était presque séduisant. Ce qui était ridicule. Ned répliqua avec irritation : — Eh bien, à moins que vous n’attendiez de moi que je reste dehors sous une pluie battante pendant que vous vous changez… Il indiqua le carreau fouetté par la pluie pour souligner son propos. — Oui, ici, dans la voiture. Et avant qu’elle ne réponde qu’elle préférerait le voir se mouiller, il attrapa une couverture de voyage doublée de fourrure. — Voilà, je vais tenir ceci en l’air pour épargner votre pudeur. Vous allez enfiler l’une de mes chemises – malheureusement, je n’ai pas de robe avec moi –, après quoi vous vous envelopperez dans cette couverture. Nous nous arrêterons dans la prochaine ville pour vous procurer une tenue plus adaptée. — Très bien. Elle dénoua le cordon de sa cape, l’enleva et la lui tendit. Il la laissa tomber sur le sol. Et sa bouche s’assécha soudain. La jeune femme portait une robe du soir à présent maculée de taches, mais il était évident qu’elle était à la fois coûteuse et à la dernière mode. Les épaisseurs de fine gaze rosée, rendues presque transparentes, lui collaient au corps telle une seconde peau, en soulignant les courbes voluptueuses. Si elle avait les mains et le visage salis de terre, ses seins, que dévoilait son décolleté, étaient ronds et laiteux. Il s’obligea à reporter les yeux sur son visage. Elle le regardait aussi, et ses yeux étaient aussi gris et liquides qu’une mer d’hiver. Ses cheveux sombres, et mouillés, dégringolaient en mèches épaisses sur ses épaules. On eût dit une sirène pulpeuse. Il déglutit lorsqu’il aperçut ses mamelons durs, d’un rose sombre, qui pointaient vers lui.
Cela dit, les rumeurs sont souvent fausses, comme nous le savons d’expérience, et je suis certaine que celle-ci l’est aussi. Après tout, vous venez de vous marier. Il ne peut pas s’être déjà lassé de vous, n’est-ce pas ? Et maintenant, enchaîna-t-elle en reprenant le bras de Lily, contentons-nous de marcher et de bavarder, et oublions tout cela. Je regrette d’avoir parlé ! Mais vous me connaissez, il arrive que je ne sache pas tenir ma langue. Mon mari ne cesse de s’en plaindre.
Alors qu’elles se remettaient en marche, Lily s’interrogea. Les insinuations de Sylvia ne pouvaient être vraies. Elle se refusait à y croire. Edward ne s’était pas lassé d’elle. Ne venait-il pas la retrouver dans son lit presque chaque soir ?
Presque. Mais cela ne signifiait rien, et certainement pas qu’il avait une maîtresse.
Elle l’avait trouvé séduisant dès leur première rencontre. Elle avait été attirée par lui comme un papillon par une flamme, mais elle était restée à l’écart, consciente qu’un homme comme Ned Galbraith n’était absolument pas pour elle.
Edward la désirait. Elle le sentait. Il ne s’était pas contenté de lui adresser un compliment creux. Il la désirait bel et bien.
Elle l’avait trouvé séduisant dès leur première rencontre. Elle avait été attirée par lui comme un papillon par une flamme, mais elle était restée à l’écart, consciente qu’un homme comme Ned Galbraith n’était absolument pas pour elle.
Pourtant, ce soir, il l’avait embrassée. À deux reprises.
Certes, il avait prétendu qu’il s’agissait simplement d’un désir passager – et c’était peut-être le cas. Il n’empêche qu’à l’intérieur, elle continuait de vibrer. Elle était éblouie, enivrée, enchantée. Elle aurait voulu danser, chanter et tourbillonner comme une folle.
Cet homme, si l’on pouvait appeler cela un homme, était vulgaire, avide et cruel, mais même s’il la tenait en son pouvoir à cet instant, elle se jura qu’il ne gagnerait pas.
Elle ne le laisserait pas faire d’elle une misérable créature apeurée, une victime de son plan odieux. Mourir avant de le laisser l’épouser ? Jamais ! Elle le tuerait, plutôt.