C'est une note bien sévère au vu de celles qui sont déjà attribuées à ce Rivage des Syrtes, me direz-vous. Pourtant je vais essayer de la justifier du mieux possible, de mettre des mots sur la déception que m'a causée cette lecture.
Il me faut préciser que je n'avais aucun a priori sur ce roman,
Julien Gracq m'étant parfaitement inconnu, et le livre m'ayant été offert par une amie que je tiens en haute estime littéraire. Les astres étaient alignés, donc ! Et malgré cela... Malgré cela ça n'a pas fonctionné. La faute en revient au style employé par l'auteur tout au long du récit. Un style duquel je me suis senti délaissé, comme mis de côté, comme certains tableaux dans les musées devant lesquels s'extasie une foule et qui me laissent froid. Je suis conscient, au vu des belles critiques qui lui sont adressées, que la source de mon problème avec ce roman provient de ma personne ; cependant il me faut être honnête : cette lecture a été un sacerdoce.
J'ai perdu pied, noyé dans une piscine de phrases sans fin, aux adjectifs sans cesse renouvelés comme dans cet extrait : "Un vieil hymne d'
Orsenna, un air des temps héroïques où passaient les brocarts roides, les tiares barbares, les traînes hiératiques sur les degrés de marbre, le cinglement d'ailes des flammes triomphales, les soirs rouges pleins de galères laissant flotter des voiles sur la mer. Un déchaînement splendide et noble, pareil au déploiement à longs plis, l'un après l'autre, d'une interminable et raide draperie de sacre, où jouaient les moires impalpables de l'Orient". Tout nom a son épithète, toute phrase sa digression, et tout objet son allégorie, et c'est cet amalgame indigeste qui a eu raison de mon plaisir de lire.
Bien sûr, le bonhomme a du vocabulaire, mais souvent trop, et j'ai régulièrement eu la sensation qu'on me servait une leçon de littérature plutôt qu'un récit. Je rajouterai (ça fait beaucoup, mais nous sommes au bout bientôt) au nombre des choses qui m'ont déplues, l'absence de sens de certaines comparaisons, qui ne sont la que pour leur lyrisme, et pour mon exaspération. Celle-là, par exemple, m'a faite bondir : "Dans cette jungle de sifflements rauques, de déhanchements et de froissements rudes, son ombre noire glissait COMME UNE CLAIRIÈRE DE SILENCE". Je l'admets, je n'arrive pas à concevoir ce qu'est une "clairière de silence", pourtant je connais les mots qui composent ce bout de phrase, je ne comprends pas non plus en quoi une clairière de silence "glisse", et encore moins en quoi une "ombre noire" glisse comme elle.
Véritablement, c'est cet amoncellement d'images avortées et de phrases ampoulées qui m'a sans cesse sorti du roman et qui a participé à ma grande, que dis-je, extrême difficulté, d'aller au bout du livre.
Mais je me suis accroché ! Je n'ai pas lâché ! Après tout c'est un cadeau, et de toute façon je termine tous les romans que je commence (ça joue des tours parfois, ce genre de principe). Et je dois avouer que dans les 100 dernières pages ; quand enfin les dialogues (qui sont bien plus digestes) prennent le pas sur les errances du héros sur des terres aussi arides que l'écriture de son auteur ; le temps passe plus vite.
Que d'efforts pourtant pour en arriver à la conclusion que si les hommes font la guerre c'est essentiellement par ennui et désoeuvrement, thèse à laquelle je souscris plutôt. Et si les personnages, que je trouvais pour la plupart caricaturaux (big up à Fabrizio l'enthousiaste qui adore l'aventure), m'ont paru sans envergure, l'intrigue et la montée latente de l'angoisse face à des évènements qui n'arrivent pas, pour le simple plaisir de frissonner, m'ont embarqué.
Vous voyez que j'ai trouvé malgré tout quelques points positifs à un roman que malheureusement je n'offrirai pas à mon tour.