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4,18

sur 986 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
'Le rivage des Syrtes" éblouit. Le miroitement du style, la splendeur des paysages, le ton grave, hautain et recueilli du récit, les pays imaginaires, l'emprise de la nature ou des pierres sur les hommes, tout cela crée une profonde impression sur le lecteur. Puis, à la relecture, ce lecteur risque d'être moins ébloui, d'y voir plus clair, de mieux "accommoder" sa vision et de voir dans l'écriture de ce roman le procédé, le décoratif, ce qui "en jette" en matière de beau français dans cette prose trop somptueuse. Un insolent, cité dans le journal de Renaud Camus, osait même dire que l'écriture de Julien Gracq était une écriture "poutres apparentes". Je n'irai pas jusque-là, mais je dirais que certains auteurs (surtout marqués par le surréalisme et son magicien du style, André Breton) perdent à être relus, tandis que d'autres, plus secrets, moins décorateurs, y gagnent.
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Qualifié de roman d'attente par la critique, le Rivage des Syrtes reçoit le prix Goncourt que son auteur repousse avec mépris, provoquant un scandale médiatique. Il règle ses comptes avec ce système de prix dans son essai La littérature à l'estomac. Autour de ce scandale, on retrouve bien l'esprit artiste impossible à domestiquer qui animait le Surréalisme. C'est bien par le roman – genre rejeté par André Breton dans ses manifestes – que Julien Gracq redonne du sang littéraire au mouvement.
Inspiré par la période de la « drôle de guerre », cette guerre en suspens qui précède l'invasion de la France par l'Allemagne, le Rivage des Syrtes n'est pas pour autant un roman à clefs, ni allégorique, critiquant la réalité. Julien Gracq se sert de cette situation historique pour élaborer une esthétique et des personnages, un monde même. le roman n'est pas la métaphore d'une situation particulière mais de l'Histoire en général, avec ce moment de latence entre paix et guerre, ce moment où les esprits qui allaient tranquillement de jour en jour, attachés à leur vie paisible, deviennent pris et possédés par ce besoin de mouvement, de changement violent, brutal, quitte à mettre en danger leur vie. Ainsi vue, l'Histoire n'est pas faite d'une succession d'événements et de conséquences, mais le balancement d'une sorte d'humeur humaine. En cela, le Rivage des Syrtes rejoint les tragédies grecques, le personnage d'Aldo est le jouet du destin : ce qui devait arriver arrive, par ou malgré lui.
L'attente dont parle la critique, on peut la trouver stylisée dans les longues phrases qui retardent au possible le point d'attrait de leur énoncé. Toutefois, c'est peut-être l'esthétique du vague, de l'indécis, qui caractérise le style de Gracq. La brume de cet air marin, le vieux gris des pierres de la forteresse, les choses qui restent dans l'ombre… on voit mal dans ce récit pourtant saturé de descriptions. Cette hésitation des choses participe à l'attente de ce balancement inévitable de l'humeur humaine, comme arrivée à un palier, hésitant à retomber dans la paix avant de se jeter tête en avant, convaincu de son action.
Les phrases très longues qui n'ont rien à envier à celles de Proust n'ont cependant pas le même objectif : là où Proust cherchait à détailler les méandres et imbrications des ressorts de la pensée et de la psychologie, Gracq image le refus d'imager précisément son récit, cultivant le flou, la contradiction. Les dialogues également ne sont jamais clairs : tout concourt à l'impression que les choses, l'histoire, avancent sans que l'homme puisse vraiment les comprendre ; tout est évident et rien n'est explicable, logique. Les choses arrivent. de même donc dans les descriptions : les choses sont, sans pour autant que leur réalité soit logique.
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Un état imaginaire et endormi, un ennemi qui sommeille aussi de l'autre coté du rivage. Un jeune officier plein de vie et de rêves qui va réveiller tout cela. Mais résumer le rivages de Syrtes me semble absurde tant l'intérêt du livre est ailleurs que dans une intrigue assez légère.
Si l'on dit que la lecture du roman m'a évoqué tour à tour -et pour des raisons très diverses - Camus, Joyce, Breton, Bernanos et bien sûr Buzzati, vous aurez peut-être une idée du public auquel Julien Gracq s'adresse. le rivage des Syrtes est une lecture exigeante, difficile et lente, qui demande une vraie disponibilité d'esprit, que je n'avais pas vraiment. Je referme le livre en ayant le sentiment de n'avoir pas tout compris et d'être passé à coté de quelque chose qui me dépasse.
Je refuse pourtant de verser dans l'agacement. Bien sûr le style précieux de l'auteur est celui d'un khâgneux qui se plait à rechercher les adjectifs précis, à cerner les sensations étranges, et cela peut lasser. Mais l'on sent bien autre chose de beaucoup plus profond, source de réflexion existentielle sur l'homme, le pouvoir et l'histoire. Julien Gracq n'est pas coupable de mon incapacité à le saisir. J'envie donc ceux qui ont pu apprécier le Rivages des Syrtes à sa juste valeur, le déconseille aux lecteurs les moins littéraires et me contente de ressentis multiples et marquants qui n'ont pas fini de m'interroger.
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Lent et majestueux certes, mais loin d'une esthetique de l'immobilisme, ce roman déroule une prose descriptive où les impressions, les opinions et les faits mêmes sont inscrits dans les paysages, les pierres et le décor qui font sa substance.

Il nous rappelle Proust pour le rythme, Buzzati pour l'intrigue et ne manque pas de laisser quelques saveurs d'existentialisme dès que l'on tente d'en régurgiter le message. Exigeant de nous toute l'attention nécessaire à une lecture condensée et riche de sens, l'auteur nous emmène dans un monde à l'instar de sa prose au bord de l'endormissement et nous laisse là, tout désorienté, un peu avant l'éveil comme au bord d'un nouveau monde.

Dieu m'est témoin que j'aime Buzzati et ses nouvelles fantastiques, que je suis émerveillé par le style de Gracq, cependant, comme le Désert des Tartares, le Rivage des Syrtes me laisse ce goût quelque peu amer de ces romans militaires, ces récits de l'attente, de ce climat somme toute hérité de la guerre froide.

Il reste cependant cette texture dense du langage, ce rythme séculaire qui porte à merveille ce récit lent de la mue des mondes qui accouchent de leur futur, il reste des confins de ce Rivage des Syrtes bien de la place pour rêver.
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Aldo , jeune aristocrate de la principauté d'Orsenna ,veut fuir une vie trop factice . Pour cela , il accepte une mission ambiguë « d'observateur » aux confins sud du territoire ,face à la puissance adverse du Faghestan avec qui ,depuis trois cent ans, règne une trêve des combats. le début de ce roman de 1951 semble dupliquer « le désert des Tartares » (de 1940) : ennui et routine dans la somnolence d'une garnison de frontière , rêves d'une gloire épique possible. Mais , peu à peu ,apparaissent d'autres thèmes , psychologiques et politiques: la manipulation des êtres (Aldo par Vanessa ) et des populations (la population d'Orsenna par les menées d'organisations occultes) . le désir suicidaire de guerre qui peut naître (plus ou moins spontanément) au sein de la population d'une puissance déclinante endormie sur ses lauriers passés . le tout est rendu dans un récit très lent ,distillant un certain ennui, mais enrichi de descriptions superbes dans une langue d'une grande recherche confinant parfois la préciosité.
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Quel écriture ! quel style ! et pourtant mon plaisir de lecture n'a pas été à son apogée avec "Le rivage des Syrtes" de Julien Gracq.
Je ne connais pas beaucoup d'auteurs qui ont une écriture aussi ciselée, c'est comme de la dentelle mais j'ai été très gênée sur le fond car j'ai lu récemment "Le désert des Tartares" de Dino Buzati et l'intrigue est vraiment trop proche.
Aldo, jeune aristocrate de la cité imaginaire d'Orsenna se porte volontaire pour rejoindre l'amirauté de la forteresse des Syrtes, entre le désert et la mer. Ce lieu stratégique fait face au Farghestan, là où se trouve l'ennemi héréditaire dont on ne sait pas grand-chose. Aldo est dans l'attente d'une guerre sans qu'aucun événement ne permette de l'anticiper d'où une impression de lenteur et de vide, voire d'ennui. D'ailleurs, Julien Gracq répète très souvent l'expression "sans mot dire" ce qui confirme le statut d'observateur du narrateur.
On peut ajouter à la discipline militaire, une histoire d'amour et des enjeux de pouvoir mais je n'ai pas bien compris les nombreuses analyses sur ce roman qui nous entraînent vers des métaphores qui m'ont échappées.
C'est un livre hors norme assurément qui a reçu le prix Goncourt en 1951, refusé par son auteur, et qui reste reconnu comme un grand classique du 20ème siècle.


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L'histoire contee importe finalement assez peu puisque la magie reside dans le maniement de la "belle langue".
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C'est ma première critique sur Babelio !
Julien Gracq raconte une histoire située dans un temps imaginaire et un espace imaginaire. La narration fait cependant très 19e siècle et les descriptions sont extrêmement riches tant et si bien qu'on se perd quelquefois dans le décor. Le style est grandiose et la langue très belle avec une prédilection de l'auteur pour les allégories et les périphrases. Il use et abuse du mot 'comme' pour des comparaisons poétiques d'une grande finesse mais dont la répétition finit par écœurer.
L'intrigue se développe très lentement et il faut attendre le dernier quart du livre pour voir se confirmer ce dont on finit par se douter page après page. Le dernier quart est plus enlevé et le récit prend alors une dimension de conte philosophique. Le livre reste toutefois très mystérieux avec beaucoup de non-dit ou de sous-entendus. Il nous demande presque de lire entre ses lignes ce qu'il refuse de nous dire directement.
Je ne me suis pas passionnée pour l'intrigue, encore moins pour la dimension aristocratique des personnages, mais je me suis laissée emporter par la langue magnifique de Julien Gracq.
Je lirai prochainement "Au Château d'Argol".
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Dans un pays imaginaire, Orsenna, en guerre larvée depuis trois siècles contre son puissant ennemi le Farghestan, Aldo, un jeune aristocrate, est envoyé dans le pays des Syrtes en tant qu'observateur. Aldo se fait à la fois témoin de signes d'un destin inéluctable (la reprise de la guerre) et initiateur (malgré lui ?) de ce conflit renaissant. Un livre important et exigeant où une grande place est laissée aux paysages. Dans un style onirique, le célèbre auteur angevin décrit les affres de l'attente et du destin. Pour ce livre, Julien Gracq a reçu en 1951 le Prix Goncourt, qu'il refusa pour protester contre le milieu littéraire et poursuivre son oeuvre en toute liberté.
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Le rivage des Syrtes est un confins, une frontière. Aldo y est nommé par l'Etat d'Orsenna pour surveiller le Farghestan tout proche, de l'autre côté de la mer. Durant cet exil, loin de la vie trépidante et mondaine de la capitale, Aldo attend l'affrontement de ces deux pays qui se font face depuis des centaines d'années. Rien ne se passe, jusqu'à ce qu'Aldo décide de prendre le large et de croiser près du Tängri, le volcan du Farghestan : la guerre se rallume. Plein de poésie, le récit est un long chemin que l'on suit par une écriture longue, qui se cherche à travers les images et les adjectifs. Voilà le roman d'un homme qui refuse d'être à sa place et qui, par sa conduite, mène à l'évènement fatal. le roman valut à Gracq le prix Goncourt de l'année 1951, mais Gracq le refusa puisqu'il avait dénoncé, l'année précédente, le monde de la critique et de l'édition.
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