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3,9

sur 212 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
J'ai tellement aimé ce pavé de près de 540 pages que j'ai fait durer la lecture, je n'avais pas envie de laisser ces personnages. L'auteure a si bien su introduire ses personnages fictifs dans l'Histoire et les faire entrer dans la vie des grands artistes qu'on a parfois l'impression qu'ils ont vraiment existé.

Ce livre est composé de deux parties, qui se complètent et se répondent (alors qu'il aurait pu fort bien s'agir de deux romans distincts).

La première se déroule de nos jours et nous fait découvrir Josh et son émission de téléréalité (les cinquante premières pages, j'ai un peu rongé mon frein car la téléréalité et moi cela ne fait pas bon ménage du tout) mais cela valait le coup, l'auteure décrivant très bien notre époque où le virtuel est roi et surtout en le prenant au deuxième degré, Yannick Grannec évoque le couple, la filiation (Vickie, la compagne de Josh est enceinte), ce que l'on transmet à l'enfant que ce soit par la génétique ou par l'amour (ou pas) que l'on reçoit.

En fait, Josh est lucide, il dit par exemple : « Narcissisme et fond de teint sont la base du métier. » ou encore, « La solitude ne m'effraie pas, elle est même mon seul luxe. Je concède mon narcissisme et je le rentabilise. » P 85

Le roman réussit à nous ferrer lors de l'entrée en scène de Carl, le père de Josh, peintre ravagé par l'alcool, la guerre de Corée, sa propre filiation : il a été confié par son père à des amis qui ont fui le nazisme pendant qu'il était encore temps et il a toujours su ce qu'il en était jusqu'à ce que tombe une nouvelle : un marchand d'art qui a spolié les tableaux juifs pendant la guerre vient d'être « découvert » provoquant des révélations lourdes de conséquences qui nous emmènent sur les traces de parents biologiques de Carl… inutile de préciser ce qu'il pense du travail de Josh.

C'est le sujet de la seconde partie, sublime qui met nos pas dans ceux de Théodore et Luise, leur rencontre, leur mariage, la naissance de leur fille Magdalena leur vie qui s'inscrit dans ce début du XXe siècle, la « folie créative » des années 20, le Bauhaus de Nessau : sa création, son architecture, ses professeurs, ses élèves : on vit littéralement avec Paul Klee (le parrain de Magdalena alias Gurkie), Kandinski, Otto Dix, Gropius, Hannes Meyer, un déchaînement de couleurs, de créativité, de génie, que les nazis appelleront « l'art dégénéré ».

Beaucoup auront une fin tragique ou seront contraints à l'exil…

Ce roman m'a plu car il mêle des thèmes que j'aime, et au passage l'Histoire, la politique et l'art, qui sont des personnages en eux-mêmes. Il est intense, documenté et éveille la curiosité du lecteur.

A chaque chapitre, Yannick Grannec nous propose une oeuvre : tableau, photographie… en relation avec le thème du chapitre. Inutile de préciser que j'ai été vissée sur Internet pour trouver l'oeuvre en question, et déniché tout ce que j'ai pu sur cette période.

Je ne suis pas experte en peinture : en général, ça se limite à des coups de coeur pour tel ou tel artiste et je suis très éclectique dans mes goûts. Un déclic dans une salle d'attente il y a très longtemps pour une reproduction de Kandinski qui m'avait touchée et donné envie d'en savoir plus, idem pour Klee, alors avec le Bauhaus feu d'artifice !

Le titre du roman est évocateur : c'est le nom d'un tableau de Paul Klee, mais il évoque aussi, dans le livre, un autre bal, organisé par les étudiants du Bauhaus…

Le deuxième roman de Yannick Grannec et bien sûr il m'a donné envie de lire le premier : « La déesse des petites victoires » dont le titre m'avait intriguée alors…

J'ai terminé ce roman, il y a près de quinze jours, et j'en suis restée tellement imprégnée que j'ai eu du mal à rédiger ma critique, et je n'ai en fait qu'une suggestion : à lire absolument !
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Il faut avoir une ambition folle, une curiosité sans fond et être un peu dingue pour se lancer dans l'écriture d'un tel roman... mais quelle réussite ! Côté rapport qualité prix, le lecteur n'est pas déçu puisque ce sont presque deux livres qui lui sont proposés pour le prix d'un seul. Deux parties donc, qui pourraient se lire indépendamment l'une de l'autre mais qui, mises bout à bout offrent à cet ouvrage une profondeur remarquable.

Les Arts, la vie, la liberté. A travers l'histoire d'une lignée d'artistes au destin tourmenté, l'auteure nous offre une traversée du vingtième siècle sur les traces de précurseurs, libres penseurs, passionnément tournés vers l'avenir. Un roman d'une densité incroyable, qui pose la question de la transmission, de la dette de la génération actuelle à ceux qui ont bravé le chaos et les autoritarismes pour faire triompher la pensée et la créativité.

Deux livres disais-je. le premier met en scène Josh et sa femme Vickie, de nos jours à Chicago. A la tête de la production d'une émission de téléréalité à gros succès dans laquelle ils mettent en scène des sortes de thérapies familiales en lien avec le ré ordonnancement de leur habitation. Josh a des rapports compliqués avec son père, Carl, un artiste peintre de talent installé à Saint-Paul de Vence, alcoolique, ravagé par la guerre de Corée et son déracinement. Alors que Josh s'apprête à devenir père à son tour, le suicide de Carl et sa succession lui offrent l'opportunité de se pencher sur ses racines. Dans les années 30, le père de Carl, Théo Grentzberg l'a confié à un couple d'amis américains au moment de l'arrivée d'Hitler au pouvoir avant de disparaître. A la mort de Carl, un portrait de Théo Grentzberg par Otto Dix est retrouvé parmi les centaines d'oeuvres d'art cachées par Cornelius Gullit ; l'enquête en vue de sa restitution à ses héritiers met à jour des zones d'ombre dans la généalogie de Carl... et donc de Josh. Il semble que Magda Grentzberg, présentée comme la soeur de Carl soit en réalité sa mère. Aidé de Vickie, celui-ci se lance donc à la découverte de ses origines, bien décidé à faire la paix avec ses ancêtres.

"La première injustice est celle de la naissance, la seconde, celle de la vocation. Ne pas choisir qui te donne la vie, ne pas choisir ce que tu vas en faire".

Et c'est là que commence le second livre. Nous voici propulsés au début du vingtième siècle sur les pas de Théo que nous suivrons de Berne à Berlin, en compagnie de sa femme Luise et de leur fille Magda. Théo l'avant-gardiste, amoureux des arts, découvreur de talents. Son activité de marchand d'art se développe dans les années 20 et il a pour compagnons Paul Klee, Kandinsky ou Otto Dix. C'est la grande époque de l'école du Bauhaus, véritable moteur de l'innovation. Magda grandit dans cet environnement, son parrain est Paul Klee, rien d'étonnant à ce qu'elle souhaite à son tour intégrer le Bauhaus. Et c'est parti pour une plongée captivante dans l'histoire de cette institution dont le nom est synonyme de modernité, voire de décadence. Jusqu'à l'arrivée d'Hitler et la mise au ban des artistes dits "dégénérés". Tout en tentant de percer le mystère de Magda (quel magnifique portrait de femme libre nous est offert à travers elle !), le lecteur est transporté dans un univers riche et foisonnant, en compagnie des grands noms de la peinture et du design des années 30. Passionnant !

Ce livre offre un moment d'une richesse incroyable, recréant le lien qui mène de Théo à Josh, faisant le parallèle entre les différentes époques, mettant en exergue l'importance de l'Art à chaque étape, y compris à travers la télé réalité. Il est presque difficile d'écrire cette chronique tant les angles de vue sont multiples. Yannick Grannec nous parle à travers le regard d'artistes qui s'expriment génération après génération, son vocabulaire est riche en couleurs et en descriptions. Pour les amoureux de Klee et de Kandinsky, dont je suis, c'est un cadeau !

Mais on en retiendra cette ode à la liberté et au pouvoir de la création. On a brûlé des livres et des toiles, fracassé des statues, mais à travers les décennies, des générations d'artistes continuent à innover, à créer et à changer nos regards sur le monde. Ce livre fait plus que leur rendre hommage, il les éclaire et les encourage à continuer, toujours, à ouvrir de nouvelles voies.

La première des libertés étant celle de décider de sa vie, à l'image de Magda qui écrit à Théo le 3 juillet 1928 : "Caprice ? Caprice ! Que veux-tu dire par-là ? Que le talent artistique appartient au genre masculin ? Que la seule création à laquelle je puisse aspirer est la maternité ? Une création sans conscience de création ? Sans dessein ? Et pourquoi devrais-je trancher entre création et procréation ?"
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Ce livre est exceptionnel !
Je me suis régalée à sa lecture.
Surtout et bien évidemment la deuxième partie, consacrée plus particulièrement à l' Art.
Je me suis promené à travers cette aperçu de l'art et surtout de la peinture, du début du XX siècle et quel régal !
Bien sûr, il faut connaître un minimum ces artistes, leurs oeuvres et le contexte historique, mais ce theme étant l'un de mes sujets de prédilections, j'y ai trouvé un vrai bonheur de lecture.
J'avais, moi aussi, en permanence mon IPhone à portée de main, pour aller voir les tableaux , les photos ou les personnages dont le roman évoquait les noms , et me les remémorer ou parfois même, les découvrir.
Bref, que du bonheur que je recommande à ceux qui aiment en particulier cet art "dégénéré "
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Étrange sentiment que celui de reposer ce livre après deux semaines de lecture agréablement consacrées à la découverte de ce roman-fresque qui oscille entre les tribulations d'un monde contemporain désorienté et celui de l'art et du marché de l'art pendant la période couvrant les années d'entre-deux-guerres, principalement en Suisse et en Allemagne, et qui allait se heurter à la montée du nazisme.

J'aurai pu être lassé par cette lecture exigeante, ces longueurs nécessaires à une approche timide frisant l'apprivoisement, par la recherche documentaire proposée par l'auteur et souvent utiles quant à la compréhension des études psychologiques, des faits historiques abordés et utilisés comme charpente de l’œuvre, ou concernant l'histoire de l'Art admirablement approchée, mais il n'en est rien.

En matière d'art justement, ce livre est comme un guide éclairant le monde (Guide Enlightening the World) - pour paraphraser Auguste Bartholdi - ouvrant chaque chapitre avec un renvoi vers une œuvre classique, mais le plus souvent contemporaine ; tempera sur bois, huiles sur toile, aquarelles, affiches, chorégraphies, costumes, photographies…
Chaque fois, au démarrage d'un nouveau chapitre, je m'empressai de me renseigner sur cette œuvre qui allait immanquablement de façon rapide et évidente, ou au contraire plus diffuse, sous-tendre la vie et les émotions des personnages.
Et maintenant, après avoir été l'indiscret observateur des affres de la famille Grenzberg, aimé, espéré, eu peur ou souffert à leurs côtés, côtoyé Paul Klee et Wassily Kandinsky, approché Johannes Itten, Oskar Schlemmer, László Moholy-Nagy ou Marcel Breuer, je me demande bien ce que sera mon quotidien devenu soudain un peu plus terne…
Je brûle d'une envie soudaine de visiter Dessau et son université d'architecture Bauhaus, de voir ou de revoir certaines des œuvres citées, et de retourner arpenter les fantastiques musées de peinture et d'art des grandes ville d'Allemagne et en particulier l'Albertinum et la Gemaldegalerie des Anciens Maîtres de Dresden et le Zeitgeschichtliches de Leipzig.

Merci Yannick Grannec pour ce beau voyage interrompu.
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J'ai reçu ce livre dans le cadre de la Mass Critique, et remercie vivement Babelio et Pocket pour ce choix.

Ce roman est séparé en deux livres, le premier comptant les histoires de Carl et Josh, et le second celles de Théo et Magda.

Le premier livre concerne donc Josh, à la tête d'une célèbre émission de télé-réalité mêlant re-décoration de la maison et travail psychologie sur les membres de la famille. L'auteure nous plonge dans le quotidien de ce gourou de télé-réalité de Chicago et des rouages et manipulations de ce type d'émission. Josh est marié à Vikkie, enceinte et faisant sa mission de découvrir les origines de son mari quand la question finit par être posée.

Grannec nous dévoile également le quotidien sans surprise de Carl, le père de Josh, avec qui il n'a plus de contact et qui vit dans une villa à Saint Paul de Vence devant le ciel et la mer. Carl dit de lui-même "je suis vieux, c'est tout" pour expliquer qui il est, peintre, ex combattant de la guerre de Corée, ayant abusé de l'alcool et autres addictions, divorcé, étranger de son fils et n'ayant pour seule compagne qu'Aline qui s'occupe de lui. Carl est l'enfant d'un couple allemand l'ayant confié à des amis américains avant le début de la Seconde Guerre Mondiale. Il découvre dans son journal un article sur Gurlitt, marchant d'art ayant acquis des tableaux de façon illégale durant le nazisme et dont l'un d'eux n'est pas étranger à Carl puisqu'il porte le nom de son père.

Quand j'ai débuté le livre, certains passages notamment avec Josh m'ont semblé longs et j'ai eu un peu de mal à rentrer dans le roman à cause de ça. Toutefois les chapitre consacrés à Carl ont largement compensé cette "faiblesse" initiale, le vieil homme m'ayant beaucoup, beaucoup plu. Je précise que j'ai beaucoup de mal avec la télé-réalité ce qui explique sûrement mon ressenti sur Josh qui m'apparaît comme une triste caricature de notre société et me l'a rendu immédiatement antipathique, même si ses réflexions sont par ailleurs très pertinentes sur l'être humain moderne, Grannec joue d'ailleurs beaucoup avec les codes du genre. Si Josh n'était pas là, un autre prendrait aussitôt sa place, serait peut-être même pire...

Le second livre raconte l'histoire de Théo, marchant d'art, sa rencontre avec Luise, jeune héritière qu'il finit par épouser, et leur vie durant cette période pré-hitlérienne. de leur amour naîtra Magdalena (ou Magda), qui baigne très tôt dans l'art et finit par intégrer le Bauhaus comme son parrain Paul Klee.

C'est sans conteste ce second livre qui fait toute la force de ce roman. L'écriture y est sublime. Magda est éprise de liberté et d'idéaux qui la poussent à rejeter les codes établis pour les femmes à cette époque. Grannec nous plonge dans l'histoire, dans l'art des années 20 et 30 avec une aisance qui dénote sa connaissance du sujet et nous dévoile les grandes figures de la peinture de l'époque, Paul Klee, Otto Dix. Grâce à elle, j'ai découvert la peinture de Klee, que je ne connaissais pas, ce que je regrette.

A chaque début de chapitre, Y. Grannec prend également la peine de citer une œuvre liée à ce qu'elle développe dans son chapitre.

Je me suis interrogée sur la pertinence des changements de pronom de narration, passant parfois dans le même chapitre du "je" au "il/elle", c'est un parti pris de l'auteur et j'ai fini par m'y habituer en avançant dans les chapitres. Les chapitres sont pour la plupart courts et se lisent facilement. Grannec a un vocabulaire et un phrasé que j'ai beaucoup apprécié, très poétique. Je n'ai relevé que quelques citations m'ayant particulièrement touchées et que j'ai choisi de partager ici, mais en réalité une bonne partie du livre mériterait d'être citée.

Ce livre traite certes de la filiation, mais surtout de la liberté, des idéaux et rend hommage à l'art dans toutes ses formes. Il m'a laissé un goût d'inachevé, tout simplement car je ne voulais pas lâcher ces personnages, j'aurai aimé en lire encore plus. J'ai trouvé le dernier chapitre bien amené et en même temps, j'avais encore des questions en suspens qui n'ont trouvé que partiellement réponse sur ce qui est finalement arrivé à Théo et Magda, même si on peut s'en douter.

Je commande vraiment Y. Grannec pour ses recherches pointues et sa plume. Je concède avoir aussitôt le livre terminé cherché sur internet si Carl Schors avait réellement existé et peint ces fameux nuages. le bal mécanique est un roman puissant que j'ai eu du mal à reposer une fois terminé.
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Comme un roman au début, dont le personnage principal est un animateur très connu à la télévision américaine, auteur d'une émission de téléréalité, et puis, au fil des pages, on s'éloigne du plateau où un couple se déchire, pendant que leur appartement est remis à neuf, et alors l'auteure nous entraîne dans L Histoire ( avec un grand H), celle du père de Josh ( Joshua) Shors, peintre vieillissant à St Paul de Vence, de ses parents juifs, celle de l'école du BauHaus, à Dessau, entre les deux guerres, celle de l'Allemagne et de la montée du nazisme. celle des magasins Ikéa.
En tête de chaque chapitre, une référence à une oeuvre
( allez voir , c'est un formidable voyage artistique) ...lorsqu'on referme ce livre, on a le sentiment d'être entré dans un siècle d'HISTOIRE.
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Fantastique roman, le bal mécanique est divisé en deux parties. Dans la première, contemporaine, on suit Josh, aux États-Unis, et son père Carl, à Saint-Paul-de-Vence. Leurs rapports sont plutôt compliqués, notamment parce que le père, artiste peintre, ne comprend pas et désavoue même la voie suivie par le fils, qui gère et anime une émission de téléréalité.
Des rapports de filiation compliqués, il y en a aussi dans la deuxième partie, qui nous ramène en Allemagne dans l'entre-deux-guerres, dans la famille d'origine de Carl. Theodor est un marchand d'art et sa fille se sent une vocation d'artiste. Filleule de Paul Klee, elle s'inscrit au Bauhaus et en adopte la philosophie.
L'art, la filiation, la liberté, la spoliation, tous ces thèmes sont brassés par Yannick Grannec dans ce roman superbement écrit et construit et bien documenté. le Bauhaus, c'est la passion de mon beau-père et j'ai beaucoup apprécié cette immersion dans cette école.
Malgré ce foisonnement d'informations et de personnages, la lecture reste fluide, et la petite histoire se mêle à la grande en souplesse, pour le plus grand bonheur des lecteurs.
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La plupart du temps, on sait dans quoi on s'embarque en tournant la première page d'un roman. On a cerné le sujet, le genre, et s'il est toujours possible d'être surpris par quelques retournements de l'intrigue, on s'aventure globalement en terrain connu.

Et puis il y a les OVNI littéraires du style du Bal Mécanique, qui a tout l'air d'un roman historique, mais qui relève aussi de la saga familiale ou encore du récit contemporain, le tout sur un ton tour à tour vif et incisif, puis intime et lyrique, ou encore dense et technique. Il en va ainsi tout au long du livre, qui n'en finit pas de proposer toujours plus de changements de décor, de thématiques nouvelles et de soudaines trouvailles romanesques. On pourrait avoir peur que ce cocktail de sujets et d'époques ne soit quelque peu indigeste, mais c'est tout le contraire, et l'autrice parvient étonnamment bien à tirer le meilleur de tous les genres et toutes les tonalités qu'elle invoque, à la croisée de la reconstitution historique, du mélodrame générationnel, du récit à suspense et de la satire sociale.

S'il y a bien une façon d'aborder ce roman, c'est avec curiosité et sans la moindre attente, tant il sait surprendre et captiver son lecteur par des techniques inattendues. le récit s'ouvre ainsi de nos jours avec le personnage de Josh, producteur d'une émission américaine téléréalité à succès, à mi-chemin entre la thérapie familiale et la redécoration d'intérieur. Une section semble a priori étonnante dans un roman pareil, mais ellefonctionne radicalement bien, avec des scènes brutales, passionnantes, acides, des portraits de personnages brossés au vitriol, et une dissection radicale des thèmes du virtuel, de l'image, mais aussi du couple, de la famille, ou encore de l'ambition. L'autrice a surtout l'intelligence d'adopter un second degré assumé et de caricaturer le tout à l'extrême, plutôt que de se borner à une critique primaire, façon "nos sociétés contemporaines sont enfermées dans les apparences et c'est vraiment pas bien".

Une fois cette introduction pour le moins accrocheuse achevée, on se plonge dans le coeur du roman, avec l'analyse de la famille de Josh et de son arbre généalogique aux branches pour le moins tortueuses, éparpillées entre l'Allemagne et les Etats-Unis. L'ouvrage s'assombrit progressivement, et prend de plus en plus le temps de décortiquer avec subtilité les réactions de ses personnages,au fur et à mesure qu'il remonte le temps. On découvre ainsi les origines d'un clan écartelé entre deux continents, deux origines, deux versions de la vérité, une famille amoureuse d'art et malmenée par la guerre, le mensonge et la dépossession.

Et c'est vraiment réussi.

Tout a pourtant été vu et revu sur le thème de la Seconde Guerre mondiale et des familles qui en pâtissent, mais Yannick Grannec parvient tout à fait à tirer son épingle du jeu en ne se concentrant pas tant sur l'intrigue en elle-même, somme toute assez classique, mais bien sur les dilemmes intérieurs de ses personnages, leurs passions contrariées, leurs quêtes de sens intenses et éblouissantes. On s'enflamme pour eux, on les plaint, on s'agace de certaines de leurs réactions, et on se trouve réellement troublé par une conclusion à la fois déstabilisante et complètement logique au vu du déroulé de l'intrigue. le Bal Mécanique lance ainsi une drôle de danse assez improbable au premier abord, entre histoire de l'art, histoire tout court et histoire humaine, mais aboutit à un résultat très satisfaisant, un récit intime et politique comme on les aime et comme il est si difficile d'en produire sans basculer dans les clichés ou la caricature. Un roman qui a le bon goût d'être extrêmement fluide et prenant, plutôt bien construit, et surtout, toujours généreux dans son fond comme dans sa forme. A découvrir !


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Le roman de Yannick Grannec réussit le défi de nous faire parcourir plus d'un siècle à travers l'Art. Ni promenade muséale, ni histoire des écoles artistiques, ni réflexion esthétique, "Le bal mécanique" parvient à être tout cela à la fois et bien plus encore grâce à sa construction en diptyque et aux larges perspectives qu'il ouvre à notre perception. Deux parties, donc, comme deux romans qui se répondent, se prolongent et s'éclairent mutuellement.
La première est centrée sur Josh et Vickie, un couple qui a inventé et réalise des émissions de téléréalité, sortes de thérapies familiales fondées sur les théories de l'attachement et de la résilience. Architecte de formation, Josh trouve dans son travail la possibilité non seulement de recréer matériellement l'environnement des familles participantes mais aussi de les aider à reconstruire leur existence. Il a choisi un chemin qui semble à l'extrême opposé de celui qu'a suivi Carl, son père, peintre de renom, pour qui la télévision ne peut être un moyen artistique honorable d'appréhender et de rendre compte du réel. Ce réel qui justement semble lui échapper lorsqu'il découvre le secret de sa naissance.
Un bond en arrière du temps et la seconde partie du roman nous emmène au début du 20ème siècle à la suite de Théo, le père de Carl. Marchand d'art, ami de Paul Klee, Théo a épousé Luise, riche héritière suisse. Leur indomptable fille, Magda, décide de suivre une formation d'architecte au Bauhaus avant de partir pour l'URSS. En Allemagne, Théo lutte désespérément contre la confiscation de ses biens par les nazis. Pour le protéger, il confie Carl à ses amis qui partent pour l'Amérique. Dans le chaos engendré par la guerre, l'écheveau des existences s'emmêle, se coupe, se noue, aussi mouvant que les créations des artistes.
Chaque chapitre est irrigué par une oeuvre d'art dont les références nous sont données en exergue. Ce lien indissociable entre les images que font naître les mots et celles que les artistes ont créées est une inépuisable source de réflexion, d'interprétation et d'analyse. Romanesque et érudition sont intimement mêlés dans cette danse éblouissante d'intelligence et de sensibilité.
Mon seul regret à la lecture de ce roman foisonnant ? Ne pas en posséder toutes les clés culturelles. Si bien qu'il me semble ne pouvoir en explorer véritablement toutes les richesses.
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Un vrai coup de coeur ! Pourtant le début du livre m'a laissé un peu dubitatif. le personnage de Josh animateur dans une émission de télé-réalité trash est peu avenant, stressant même. Heureusement les personnages deviennent vite plus attachants au fur et à mesure qu'on découvre leur passé.
La deuxième partie du livre est beaucoup plus intéressante pour moi surtout après avoir lu la première. On se retrouve dans les années 20, autour de la famille de Josh entre l'Allemagne, la Suisse et l'URSS. On côtoie les artistes de l'école du Bauhaus ; Kandinski, Klee, Dix à côté de Magda qui s'affirme contre sa condition féminine pour devenir artiste dans cette période très compliquée.
C'est une lecture très agréable, presque bercé par ce bal mécanique et artistique qui se termine trop vite (je vais donc rapidement enchaîner avec La déesse des petites victoires).
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