La routine quotidienne continue : bien des hommes lui doivent de n'avoir pas perdu la raison. De même que lors d'un raid aérien il était impossible d'avoir peur tout le temps, de même sous le bombardement des tâches habituelles, des rencontres de hasard, des angoisses impersonnelles, l'on oublie pendant des heures de suite sa terreur personnelle.
Un être jeune est une vraie jungle de complications. Nous nous simplifions en vieillissant.
Tôt ou tard il faut prendre parti. Si l'on veut demeurer humain.
- Le premier chien que j’ai possédé s’appelait Prince. Je l’avais baptisé ainsi à cause du Prince Noir. Vous savez, le type qui....
- A massacré toutes les femmes et tous les enfants à Limoges.
- Je ne me rappelle pas cela.
- Les manuels d’histoire jettent un voile.
L'innocence est comme un lépreux muet qui a perdu sa sonnette et qui erre de par le monde, sans mauvaise attention.
C'est une superstition chez elles qu'un amant fumeur d'opium revient toujours, fût-ce de France. Il se peut que la puissance virile soit diminuée par l'opium, mais elles préfèrent toutes un amant fidèle à un amant puissant.
- Que savez-vous au sujet de Pyle ? Répondez à mes questions, s'il vous plaît, Monsieur Fowler. C'est contre mon gré que je vous les pose, mais ceci est sérieux. Croyez-moi, je vous en prie, c'est très sérieux.
- Je ne suis pas un mouchard. Tout ce que je pourrais vous dire sur Pyle, vous le savez. Âge : trente-deux ans, attaché à la Mission d'aide économique, nationalité américaine.
- Vous semblez être un ami à lui, dit Vigot, regardant Phuong par dessus ma tête.
Un agent de police indigène entra, portant trois tasses de café noir.
- Aimeriez-vous mieux du thé ? demanda Vigot.
- Je suis vraiment son ami, dis-je. Pourquoi pas ? Je vais rentrer chez moi un de ces jours, n'est-ce pas ? Je ne peux pas emmener cette petite. Elle sera très bien, avec lui. C'est un arrangement raisonnable. Il dit même qu'il va l'épouser. Il en est capable, vous savez. C'est un brave type à sa façon. Sérieux. Pas une de ces brutes qui font du boucan au Continental. Un Américain tranquille, résumai-je pour le définir, comme j'aurais dit : un lézard bleu, un éléphant blanc.
- Oui, dit Vigot, un Américain bien tranquille.
Ce n'est pas facile de vivre avec quelqu'un à qui l'on a fait du mal.
-[...]Vous et vos semblables, vous essayez de faire une guerre avec l'aide de gens qui ne s'y intéressent pas du tout.
-Ils ne veulent pas du communisme.
-Ils veulent une ration de riz suffisante, dis-je. Ils ne veulent pas recevoir de coups de fusil. Ils veulent que chaque jour soit à peu près semblable aux précédents. Ils ne veulent pas que nos peaux blanches se mêlent de leur apprendre ce qu'ils veulent.
Je fermai les yeux et la retrouvai semblable à ce qu'elle était : elle était le sifflement de la vapeur, le cliquetis des tasses, elle était une certaine heure de la nuit, une promesse de repos.