C'est une cabine téléphonique qui sert à
Léon Groc pour situer son problème de crime en chambre close ; l'exiguïté du lieu n'est d'ailleurs pas prise au hasard. Une Reine d'arrondissement de Paris qui s'apprête à la cavalcade de la Mi-Carême y trouve un refuge fatal juste avant le départ du défilé...
Avec le talent de conteur qu'on lui connaît, Groc nous narre une histoire où se mêlent le monde du journalisme (qu ‘il connaît bien et idéalise puisqu'il en était) et des considérations plus obscures dont celles inspirées par le spiritisme. le fait que la fille dans la cabine soit retrouvée un stylet enfoncé entre les épaules, le combiné décroché alors qu'elle était en communication avec sa soeur résidant dans un hôtel voisin, elle même ayant été aussi tuée par la même arme, fournit à l'auteur l'occasion de citer cette théorie singulière avancée pour expliquer le double drame : « Un médium expert en l'art d'émettre des ectoplasmes interviewé par un journal du matin imagina une extravagante histoire du poignard transporté à travers tous les obstacles et venant frapper tout seul la Reine sur l'ordre de l'assassin ».
Léon Groc avait inventé la téléportation en 1930 !
Un clin d'oeil aux spirites en passant qui nous égare quelque peu mais met du piment à une histoire qui n'en manque pas. Déjà par son exotisme prononcé : les deux soeurs sont russes, héritières d'une riche famille de l'ancienne cour des tsars ; l'une est devenue actrice de cinéma, l'autre secrétaire dans une usine où elle a séduit l'ingénieur et a été élue reine de la Mi-Carême. Et par l'aventure de la « princesse-dactylo », de la « journaliste sorbonnarde » s'opposant à son père, un émule du héros de
Conan Doyle, mais aussi quelqu'un d'autre... Et par là-dessus un ancien bagnard innocenté qui se dit l'inventeur d'un singulier appareil ressemblant à celui qu'inventa Edison pour téléphoner avec l'Au-delà...
Une débauche d'imagination avec des personnages hauts en couleurs qui ne se révéleront pas du tout ce qu'ils paraissent et ceci englobé dans une moralité irréprochable car
Léon Groc ignore l'injustice et répugne à tromper le lecteur même quand il est acquis, comme moi, à sa prose quelque peu désuète mais si fluide à la fois.
Un petit livre difficile à trouver chez les brocanteurs même sans la jaquette colorée ; et chez les bouquinistes, il faut y mettre le prix mais ça en vaut la peine, croyez-moi.