De nombreuses chroniques ont déjà été rédigées à propos de ce conte et celle-ci a surtout pour but d'interpeller les lecteurs qui, à ce jour, seraient passés à côté de ce chef-d'oeuvre.
« Il était une fois, dans un grand bois, une pauvre bûcheronne et un pauvre bûcheron. Non, non, non, non, rassurez-vous, ce n'est pas le Petit Poucet ! Pas du tout… » . En effet, ça se passe à la fois dans une forêt traversée par le convoi 64 qui transporte des « sans coeur » au départ de Drancy vers une destination inconnue. Cela se passe en 1943.
Restée sans voix, abasourdie, émue aux larmes, pas assez de formules pour décrire ce que j'ai ressenti à la lecture de ce conte, très court mais tellement puissant. Un bijou littéraire.
L'Histoire d'une période inimaginable racontée dans un conte est notamment un moyen d'interpeller des lecteurs de tout âge, y compris les ados… Comme dans le conte, on retrouve les « bons et les méchants », la bonté opposée à la cruauté. Comme dans le conte, la proximité avec le lecteur s'opère avec l'oralité, telle la référence au Petit Poucet citée ci-dessus, ainsi qu'avec l'onomatopée, quand pauvre bûcheron marche « ivre de liberté et d'amour … les camarades consternés, constatèrent : il tient plus du tout l'alcool ! Il est bourré ! Il débloque ! -gloup gloup gloup – … ».
Jean-Claude Grumberg utilise aussi les répétitions pour appuyer certains propos qui tendent un voile de légèreté sur l'abject.
Les personnages : une famille de « sans coeur », le père, la mère, les jume aux entassés dans un train pour une destination inconnue, pauvre bûcheronne sans enfant qui regarde les trains passer, pauvre bûcheron, la fillette, même la chèvre tient une place.
Enfin, une écriture sensible, nuancée, celle qui exprime avec justesse la bestialité la plus immonde dont peut être capable l'espèce humaine, comme la douleur insurmontable des victimes. Mais n'oublions pas l'espoir…
Peut-on voir dans ce petit format l'adaptation aux petites mains , celles des collégiens et lycéens par exemple, à qui il devrait être prescrit ? Presque 80 ans plus tard, un court récit pour interrompre peu de temps notre rythme effréné, enrubanné sous forme de conte, pour transmettre.