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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Beaucoup de choses ont été dites ou écrites à propos de ce livre et de son auteur. On peut en penser ce que l'on veut mais, force est de constater qu'à présent l'expression « France périphérique » est plus ou moins passée dans le langage courant. On peut en penser ce que l'on veut mais, force est de constater qu'en 2014, Christophe Guilluy a su voir venir le mouvement des gilets jaunes alors que ce n'est pas le cas de beaucoup d'autres représentants dits de « l'élite ».

À beaucoup d'égards, la surprise des média et des politiques face à la survenue des gilets jaunes en 2018 égale celle qui survint un certain 21 avril 2002 lorsque Jean-Marie le Pen se retrouva qualifié pour le second tour de l'élection présidentielle : même stupeur, même incompréhension de la part de l'appareil médiatico-politique. Comment en sommes-nous arrivés là ? semble nous questionner, en substance, Christophe Guilluy.

Au travers de l'étude de cartes, d'indices, de pourcentages, de résultats de vote, etc., l'auteur énonce sa thèse explicative : depuis la fin des années 1970/début des années 1980, la France (mais plus généralement les économies occidentales) se sont engagées de plus en plus ouvertement vers un système mondialisé. Ce phénomène s'est accéléré au début des années 1990 avec l'implosion du bloc soviétique.

Quelles conséquences à l'échelon local ? Beaucoup d'emplois à faible valeur ajoutée ont été délocalisés ; les métropoles, c'est-à-dire les villes ayant une certaine masse critique sont devenues les principaux bassins de création d'emplois, mais des emplois à plus forte valeur ajoutée, le plus souvent qualifiés voire très qualifiés.

L'afflux d'une main-d'oeuvre qualifiée et bien payée a mécaniquement engendré une hausse des loyers dans ces grandes métropoles. Par effet de vases communicants, ces mêmes villes se sont peu à peu vidées des classes populaires historiques (d'origine française ou immigrée de longue date).

Dans les petites villes, celles dont la masse critique n'était pas suffisante pour éviter le siphonnage des cadres et emplois qualifiés, un déclin et une paupérisation progressive se sont établis suite au départ des entreprises locales. Enfin, dernier membre de l'équation, non négligeable et pourtant souvent négligé par les commentateurs de Guilluy, l'émergence d'une troisième France : celle des nouvelles classes populaires des métropoles, presque essentiellement constituée de populations fraîchement immigrées et qui assure toutes les basses besognes de ces grandes métropoles. Celle-ci découle quasi scientifiquement des politiques d'austérité salariale visant à maintenir l'inflation à un très bas niveau depuis toute cette période (en gros, depuis le début des années 1980). Les emplois les moins bien rémunérés vis-à-vis de l'effort qu'ils réclament, sont alors pourvus quasi uniquement par une main-d'oeuvre immigrée, prête à travailler pour un salaire inférieur au salaire minimum requis pour un certain nombre d'heures travaillées.

Résumons-nous : l'auteur nous parle en fait de trois Frances bien distinctes. En 1°) celle des « élites », vivant dans les métropoles, mobile et diplômée, souvent française de souche et opulente, bénéficiaire de la mondialisation. En 2°) celle des banlieues, c'est-à-dire les classes populaires nouvelles inféodées à ces métropoles, souvent ultra pauvre, issue de l'immigration récente, mais, même si c'est dur à croire, bénéficiaire également, à son échelle, de la mondialisation.

Ces deux Frances forment un ensemble métropolitain. Depuis des décennies, nos « élites » ne nous parlent que du « danger » des banlieues. Beaucoup d'argent est investi dans les politiques de la ville, dans la lutte contre le racisme etc. dans le but de contenir la grogne éventuelle de cette France populaire que la France des « élites » côtoie au quotidien.

Or, et c'est là, je pense, toute la pertinence de Christophe Guilluy, cette troisième France, la rurale ou celle des petites villes, celle des classes populaires françaises de souche ou immigrée de longue date, celle qui a subi de plein fouet la relégation sociale, celle qui y perd chaque jour au jeu de la mondialisation, celle dont personne, du côté des « élites » ne s' est jamais soucié.

Selon lui, la remise en cause du système (donc de l'économie financiarisée numérisée mondialisée) ne viendra pas de la France des banlieues multi-culturelles car, même si c'est à la marge, ce sont les seules classes populaires qui ont encore une maigre chance d'évoluer socialement, tandis que l'autre, la Périphérique, n'a rien à espérer de l'avenir et de la poursuite de la mondialisation et des politiques menées depuis le début des années 1980. Ceci se corrèle quasi parfaitement avec la montée du vote FN (ou RN maintenant) au cours du temps et géographiquement.

Alors, la question que semble nous poser Christophe Guilluy et qui est l'objet d'un autre ouvrage (No Society) : quand cesserons-nous le clivage et ferons-nous enfin société ? C'est la question à laquelle « l'élite » devrait peut-être réfléchir plutôt que de sans cesse monter une France contre une autre au risque de tout faire péter. Tous les problèmes soi-disant identitaires sont tous, de près ou de loin, des conséquences de choix économiques, notamment le choix de l'austérité salariale pour maintenir l'inflation basse, afin que les taux d'intérêts soient bas et donc que l'endettement des états soit soutenable. Or l'austérité salariale nécessite des flux migratoires et les flux migratoires créent des remous sociaux vis-à-vis de ceux qui se sentent mis sur la touche. Bref, tout ce problème " identitaire " n'est en fait qu'un Nième avatar de la lutte des classes où l'on monte des petits contre d'autres petits afin que les gros continuent de rester bien gros sans se poser de questions...

Puisqu'on ressuscite beaucoup de choses du passé en ce moment, peut-être serait-il bon de se rappeler certains de nos hommes politiques qui furent aussi poètes, de se rappeler que la France, cet incroyable concept à la fois matériel et immatériel, que la France, donc, est un objet inanimé qui a une âme et la force d'aimer… Mais ceci, bien sûr, ne représente que mon avis, un avis périphérique, c'est-à-dire, très peu de chose, même par ces temps hystériques d'échéance (historique déchéance) électorale.
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Analyse très intéressante de la société française contemporaine. Les politiques font semblant de croire qu'on vit toujours dans le schéma des années 1970 : clivage droite/ gauche, majorité de Français appartenant ou en voie d'intégration à la classe moyenne. Ils feignent également de penser que l'opposition se résume entre centres villes et banlieues tout en oubliant que, comme il y a 40 ans 60% de Français appartiennent toujours aux classes populaires. La différence, c'est que ces classes populaires ne vivent plus près des grands centres de production et donc sont devenues invisibles.Elles vivent en zone péri urbaine, dans des banlieues éloignées, des petites villes, en zone rurale et sont les premières victimes de la mondialisation (délocalisations, chômage) qui profite aux métropoles mondialisées.Analyse du modèle des grandes métropoles, modèle communautariste et inégalitaire en contradiction avec le modèle républicain français historique.
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Guilly Christophe, – "La France périphérique : comment on a sacrifié les classes populaires" – Flammarion, 2014 (ISBN 978-2081312579)

Pour vraiment apprécier ce livre, il suffit de se rendre soi-même dans l'une de ces petites villes sinistrées, généralement situées sur ce que les géographes nomment depuis vilaine lurette «la diagonale du vide», cette terrible zone de la France en déshérence, qui part grosso modo des Ardennes et du Sud de la frontière Belge (allez voir Sedan ou Fourmies en Thiérache), passe par Verdun et le plateau de Langres, descend vers le Massif Central (Roanne, Issoire, Aurillac), pour rejoindre par exemple Tarbes ou Béziers – eh oui – la ville dont le maire est actuellement Robert Ménard.

De grands et fort sçavants «sociologues» confinés dans leurs bureaux germanopratins de l'EHESS se sont empressés de remplir les colonnes du quotidien «Le Monde» pour dénigrer cet ouvrage, lançant leur anathème favori de complicité avec l'extrême-droite, charcutant les chiffres fournis, récusant la méthode suivie, mais sans apporter aucune réponse de fond.
Et ce n'est pas la lamentable réforme «NOTRE» lancée par la caste élitiste aujourd'hui au pouvoir (quel que soit le bord politique affiché) qui va arranger les choses, puisqu'elle consiste principalement à mettre en concurrence des régions devenues d'ubuesques mastodontes d'énarques avec les nouvelles «métropoles» concentrant justement cette élite coupée des réalités du reste de la population. Quant à la Région parisienne, elle devient inexorablement un véritable Etat dans l'Etat, asséchant et pillant le reste du pays.

Dans ces régions en déshérence, combien de retraité(-e)s survivent aujourd'hui avec le revenu dérisoire du «minimum vieillesse» (ASPA) voire moins, combien de suicides d'agriculteurs, combien de déserts médicaux ?

Christophe Guilluy montre que cette France-là croit avoir découvert un moyen de se faire entendre en votant pour le Front National, ce qui répond à la question de nos énarques en chambre «comment se fait-il que ce petit patelin n'ayant pratiquement aucune criminalité, aucun immigré, vote à plus de 80% pour le FN ?».
L'ouvrage de Guilly comprend certainement des faiblesses méthodologiques, mais il a au moins le mérite de tenter un début d'explication convaincante…
A lire et relire.
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En ce mois d'octobre 2020 paraît le nouvel ouvrage de Christophe Guilluy, le temps des gens ordinaires, qui met en avant la classe « populaire », celle qui s'est réveillée durant la crise des gilets jaunes ou qui a été mise en avant par la récente crise sanitaire. le géographe, soucieux des classes populaires, s'était auparavant révélé au grand public grâce à deux titres, Fractures françaises (2010) et La France périphérique (sous-titré « Comment on a sacrifié les classes populaires »). C'est sur ce livre que j'aimerais revenir aujourd'hui.

Selon Christophe Guilluy, « les nouvelles radicalités sociales et politiques » ne viennent pas des banlieues mais « des territoires à l'écart des zones d'emploi les plus actives« . Il crée ainsi la notion de France périphérique, qui s'oppose à celle de la France métropolitaine, dans laquelle la majeure partie de la richesse nationale est créée (2/3 du PIB est produit dans les grandes villes) et qui connaît une « gentrification », à l'origine de la hausse du prix de l'immobilier.
Pour définir la France périphérique, l'auteur a créé un index de fragilité sociale basé sur des indicateurs comme le pourcentage d'ouvriers par rapport à la population active, l'emploi en temps partiel, les revenus, etc. Les cartes situées au milieu de l'ouvrage permettent de bien la visualiser. La réalité de ces territoires est bien moins rose que celle de la France des métropoles.
Ecrit après la révolte dite des « Bonnets rouges », qui a justement commencé dans des petites villes de la France périphérique dans lesquelles des plans sociaux ont joué le rôle de déclencheur, le livre a un côté annonciateur de la crise majeure qui a ensuite éclaté dans notre pays : celles des Gilets Jaunes. Cela m'a frappé quand il décrit la notion de périurbain choisi vs. subi (notion empruntée à un autre géographe, Laurent Chalard) :
Cela me rappelle un article du Monde sur le département de la Gironde lorsqu'avait éclos cette crise des Gilets Jaunes. Une analyse des motivations des participants montraient en effet qu'ils avaient été refoulés de la métropole bordelaise à cause des prix trop élevés de l'immobilier.
Un autre apport indéniable du livre réside dans l'analyse électorale qui y est présentée. Cette fracture géographique est associée à une fracture politique. Christophe Guilluy fustige les partis de gouvernement de l'époque :
Il prévoit également l'extinction programmée du parti socialiste dont le socle électoral « se réduit comme peau de chagrin », mais surtout annonce l'arrivée de ce qui s'appellera le macronisme.

Certes, on peut être parfois en désaccord avec certains propos de l'auteur, et reprocher le manque de nuance. Quoi qu'il en soit, La France Périphérique est un petit livre accessible, qu'il faut lire pour le diagnostic pertinent qu'il offre de notre société. Les optimistes se rassureront en apprenant que les petites villes ont été depuis 2014 repriorisées dans la politique de la ville. Tous y trouveront une matière à penser de premier plan.

Lien : https://etsionbouquinait.com..
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Publié en 2014, la lecture de ce livre en 2019 est instructive. Nous venons de vivre l'épisode des Gilets Jaunes qui est la révolte de cette France périphérique décrite dans ce livre. Cette France oubliée des classes dirigeants du pays et des médias.
Lecture facile, rapide et vraiment instructive. Certaines critiques reprochent des approximations de l'auteur, je n'ai pas l'expertise dans ce domaine pour en juger.
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Ce livre est à lire par qui s'interroge sur l'avenir de la France.
Son thème est qu'une majorité de Français est perdante dans la mondialisation, que les partis de gouverment n'y ont pas trouvé (ou pas cherché) de parade, et que cette majorité est légitimement en position d'imposer un changement de cap radical.
Résumer l'ouvrage est une gageure tant les thèmes foisonnent. Son grand mérite est d'offrir des éclairages nouveaux sur des thèmes rebattus (notamment sur l'immigration, d'une part, et , sur les lignes effectivement suivies, au-delà de leurs discours, par les partis politiques, d'autre part).
Pour ce qui est de l'analyse proprement dite de la "France périphérique", j'ai préféré celle Laurent Davezies (La crise qui vient) qui évite les aspects politiques mais approfondit les aspects économiques. Ces derniers ne sont qu'en arrière plan du livre de Christophe Guilly et c'est sa plus grande faiblesse.
On sent aussi l'auteur hésitant sur les modalités de "la prise de pouvoir" des "perdants de la mondalisation", ainsi que l'amplitude des changements qu'ils imposeront.
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C'est un essai très intéressant qui m'a rappelé l'étude sociologique de Benoit Coquard (Ceux qui restent) sur les campagnes en déclin et le dédain des catégories élites quant à elles car elles votent FN. On comprends que la France périphérique n'est pas une France profondément raciste mais plutôt une France oubliée où le malaise est grand. Cet essai qui est paru avant la crise des Gilets-jaunes était donc clairvoyant quant à la suite des événements.
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Christophe Guilly est géographe –consultant. Il est co-auteur avec Christophe Noyé, en 2004, de « L'Atlas des nouvelles fractures sociales en France ». Son précédent ouvrage « Fractures françaises », paru en 2010, a suscité débat et contestations. Il récidive en 2014 en présentant « La France périphérique- Comment on a sacrifié les classes populaires ».
Cet ouvrage tente de démontrer que deux France se sont constituées et s'ignorent : celle des métropoles ouvertes à la mondialisation et celle de la périphérie marginalisée qui réunit les petites villes, les zones industrielles en perte de vitesse et le monde rural.
Les géographes, les politologues … ont souligné les limites de la démonstration. Il est vrai que l'auteur reprend des termes sensibles et politiquement controversés. Si les métropoles réunissent les acteurs de la mondialisation « heureuse », elles incorporent également les couches populaires d'origine étrangère. Ainsi une grande inégalité apparaît qui s'accompagne d'une mobilité économique profitable à tous. le mot est lâché : l'immigration permet une adaptation à la ville mondialisée et à un multiculturalisme. Par réaction, la périphérie se replie sur la question identitaire, sujet polémique et sensible. Elle rejette le clivage gauche/droite et la classe dominante, elle choisit l'abstention ou le vote FN. Les classes moyennes s'appauvrissent, disparaissent peu à peu. Elles réagissent en se sédentarisant à la périphérie, et, face au déclassement social, rejettent le multiculturalisme.
L'analyse croise de nombreux thèmes qui sont au coeur de nos débats et préoccupations. Traités en 192 pages, ils posent nécessairement de nombreuses questions et manquent de développement. Cependant, le livre mérite attention : la classification selon les indices de fragilité (dont il donne les indicateurs), et les cartes de synthèse qui sont présentées sont intéressantes.
La lecture, suite aux élections de 2017, vérifie l'éclatement des partis traditionnels et l'émergence d'une nouvelle géopolitique. Reste au lecteur à la compléter par des thèses plus économiques et sociales.

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Voici un livre qui éclaire l'actualité, et s'appuie sur des faits mesurés pour cela.
Pourtant ce livre date de 2014 ! Mais il annonce (sans en avoir l'intention) la couleur du paysage politique français, non plus horizontal Gauche/Droite, mais vertical 'classe populaires sur le déclin' et majoritaire/'classe favorisée ou en ascension.' On y apprend comment la France est fragmentée, ce qui est visible à travers une lecture économique et non pas géographique. L'auteur démonte aussi les associations d'idées qui sont faites au populisme, à la peur de l'immigration, etc...
Un style très clair, pour un livre très structuré, et qui à mon sens devrait être lu par nos 'premiers de cordée' bien que ce livre ne soit teinté d'aucune couleur politique.
En tous les cas, je le recommande, quelle que soit votre opinion sur les gilets jaunes, le RIC, le grand débat etc...
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Après avoir lu Jérome Fourquet, un retour aux sources est obligatoires. Christophe Guilluy ouvre en effet la voie à des axes de compréhension des tenants des échecs de notre société (en 2014). Entre vivre ensemble séparé, la montée du vote frontiste par l'échec d'une multiculturalité antagoniste avec la préservation du "village" et les divers hinterland culturel extranational, cet essai met en lumière la fracture interstellaire entre les "somewhere" (la France périphérique oubliée des enjeux) et les "anywhere" des hubs mondialisés que sont les métropoles.
Lecture très abordable, rapide (2/3 jours) et surtout nourrissante.
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