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EAN : 9782348044472
280 pages
La Découverte (17/10/2019)
4.08/5   89 notes
Résumé :
Qui sont ces hommes et ces femmes qui continuent d’habiter dans les campagnes en déclin ? Certains y fantasment le « vrai » peuple de la « France oubliée », d’autres y projettent leur dégoût des prétendus « beaufs » racistes et ignorants. Mais « ceux qui restent » se préoccupent peu de ces clichés éculés. Comment vit-on réellement dans des zones dont on ne parle d’ordinaire que pour leur vote Rassemblement national ou, plus récemment, à l’occasion du mouvement des G... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (12) Voir plus Ajouter une critique
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En premier lieu, il y a eu la réaction émotionnelle : enfin un livre qui parle de nous. Parce qu'on a beau habiter un territoire très étendu (Marne, Haute-Marne, Meuse, Vosges etc., c'est pas petit!), on ne parle de nous qu'une fois de temps en temps : lors des élections, quand le FN – enfin le RN maintenant – arrive en tête partout, même dans les petits patelins. Alors là c'est parti, et les racistes par ici, et les bouseux par là… Un chapitre très intéressant est d'ailleurs consacré à cette façon de voter. Et cela change assez la vision qu'on pourrait en avoir. Non, on n'est pas plus raciste dans la « France périphérique » qu'ailleurs. Sauf que c'est là qu'on doit le plus se battre pour exister professionnellement, entre autre, donc le « nous d'abord », il touche les gens du coin. On peut même perdre des amitiés à cause d'un emploi qu'un autre a eu à notre place, alors vous pensez bien que les gens qui viennent d'ailleurs…
Ensuite il y a eu la distanciation : qu'est-ce qu'on peut faire d'un livre comme celui-ci? Parce que moi qui le lit, bien sûr j'ai fait des études, j'ai l'habitude de lire, j'aime comprendre, et j'ai appris à prendre le temps pour ça. Et même si je suis un peu de ces gens-là, j'ai la distance qui fait que je ne suis pas totalement de ceux qui restent, mais de ceux qui sont revenus (les gens du coin trouvent ça aberrant, être partie et puis revenir là où il n'y a rien? ). Mais ceux qui sont vraiment resté, est-ce que ça va les intéressé? On parle d'eux, et, clairement, on en parle bien, mais qu'est-ce que ça va changer pour eux? Est-ce que je le conseillerais à ceux que je côtoie tous les jours, qui sont en plein dedans, ces hommes qui partent chaque matin dans les usines à 1h de route – et il y en aura de plus en plus, 800 suppressions de postes dans quelques mois par ici -, ces femmes qui soit sont sur les routes toutes la journée à faire le seul job qui recrutent, assistante de vie, soit sont comme moi, à la maison à s'occuper des enfants parce que des autres emplois, il n'y en a pas, ou le peu qui existe nécessite une cooptation des pairs, qu'on n'a pas forcément? Alors j'ai changé d'avis. Ce livre n'est pas forcément pour ceux qui restent. Mais pour tout ceux qui ne sont jamais venu, ou qui sont parti. Pour les intellectuels qui ont pris les gilets jaunes pour des fous qui se révoltaient pour quelques centimes d'euros à la pompe. Pour ceux qui rigolent quand ils nous entendent parler (oui, moi aussi j'ai un accent de « bouseux », dont j'ai jamais réussi à me débarrasser). Pour ceux qui pensent qu'il suffit de traverser une rue pour trouver du boulot. Ici il faut traverser un département. Pour ceux qui ne comprennent pas qu'on chasse encore dans les campagnes, sauf que chez nous, les loisirs sociaux, y'en a que quand t'es un homme : le foot, la chasse. Pour ceux qui pensent qu'ici ça serait tout de même facile de dynamiser les villages comme ils ont pu le faire dans le sud-est. Sauf que chez nous, y'a rien à visiter, à part des villages détruits pendant la guerre, et des ossuaires. En ce 11 novembre, c'est d'ici dont on va parler, et ensuite on retombera dans l'oubli.
Je vais donc faire quelque chose avec ce livre : vous le conseiller, si vous êtes du coin et que vous voulez mieux vous comprendre ou comprendre la dynamique des gens du coin. Vous le conseiller, si vous n'êtes pas du coin et que vous êtes dépité des gilets jaunes, des votes le Pen, et des reportages du journal de 13h de TF1. Vous obliger à le lire, si vous êtes dans le groupe des dirigeants, et que lorsque vous regardez vers l'est de la France, votre regard saute directement de Paris à Strasbourg, sans voir tout le reste oublié au milieu.
Dimanche cela fera 1 an que les gilets jaunes ont lancé les hostilités. On ne peut pas dire qu'ils aient obtenus grand chose, le monde pour nous part toujours à vau-l'eau, alors essayons autre chose pour se sentir exister : lisons!
Lien : https://stephalivres.wordpre..
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Ceux qui restent a été publié en 2019 et est réédité cette année, enrichi d'une postface.

Il y a surement toujours, quand on voit un livre qui parle de "notre" région, une envie de s'y retrouver, de voir valider des hypothèses qu'on a pu émettre, de se dire : "oh, mais c'est tellement ça !!!" et d'en apprendre sur les mécanismes à l'oeuvre dans notre territoire, les enjeux qui ont des conséquences concrètes sur notre vie et celle de nos proches.

J'ai donc été (et c'est sans doute naturel) plus marqué par les passages qui décrivaient des parcours similaires au mien.

L'auteur a cette particularité, sur laquelle il revient longuement dans la postface, d'être originaire du milieu qu'il étudie.
De cette position découle ce qui m'a semblé être l'écueil de ce livre : j'avais constamment l'impression qu'il marchait sur des oeufs, qu'il n'osait pas aller au bout de l'analyse et surtout, qu'il n'osait pas tirer de conclusions ou prendre de la hauteur par rapport à la description des faits. Peut-être que c'est aussi quelque chose que les chercheurs contemporains ne font pas par prudence et aussi par souci de "rigueur scientifique" ou d'objectivité, mais il n'en reste pas moins que j'ai eu l'impression qu'on "restait en surface" et que le lecteur devait lui-même rassembler toutes les informations et se faire sa propre opinion. Ce n'est pas un mal en soi non plus mais n'est pas sociologue ou anthropologue qui veut et on se retrouve donc à la fin un peu désemparé face à toutes ces informations

On a un premier chapitre sur le mouvement des gilets jaunes et ces enjeux à hauteur d'homme, qui est intéressant : Benoît Coquard s'y attarde moins sur les enjeux politiques et économiques que sur les enjeux humains du mouvement, ce qui s'y jouait en termes relationnel et social.
Le deuxième chapitre est génial : Benoît Coquard évoque l'influence qu'ont encore aujourd'hui les Trente Glorieuses et plus particulièrement le souvenir qu'en ont les adultes et les seniors - le "temps des bals", sur les jeunes générations, leur vision du monde, leurs aspirations et leurs déceptions.
Seul le dernier chapitre est consacré aux conclusions politiques de cette étude et sur la politisation des individus interrogés et observés par l'auteur.

Entre les cent premières pages à peu près, et ce dernier chapitre, sont analysées leurs interactions sociales et c'est là que l'auteur m'a perdu : je pense tout simplement que cela m'intéressait moins.

Différents types de personnes y sont décrits, des plus « paumés » et précaires, que ce soit d'un point de vue économique comme d'un point de vue social, à ceux qui rencontrent le plus de succès, qui "s'en sortent" le mieux.

Ces espaces ruraux sont marqués par la désindustrialisation, la précarité du secteur primaire ainsi que par un exode rural quasi semblable à celui des Trente Glorieuses, une sorte de fuite des cerveaux. À cela s'ajoute un délaissement de la part des pouvoirs publics et leurs services. Benoît Coquard met en garde, à plusieurs reprises et à juste titre, contre les représentations quasi-exotiques que l'on peut avoir de ces espaces et de leurs habitants, il cite plusieurs travaux universitaires et dénonce la récupération politique de ce que vivent ces populations à diverses fins.

Il nous rappelle quatre choses importantes : dans ces territoires, la démographie a une influence directe sur les trajectoires individuelles. La réputation a une importance capitale et le travail y étant rare, les gens qui ont des compétences similaires vont avoir tendance à se battre pour un poste, au risque d'y perdre des relations amicales : « […] c'est bien pour des raisons économiques vitales, plutôt que pour des différences culturelles, qu'on lutte et qu'on se divise aujourd'hui dans les classes populaires rurales. » (p. 21)

Par ailleurs, une économie parallèle, le travail « au black », s'y développe notamment autour de la construction et de la rénovation, dans le domaine du bâtiment. Des groupes d'amis ou des gens de la même famille, ouvriers de petites entreprises aux patrons conciliants, gagnent leur vie en effectuant des travaux et comptent sur le bouche à oreille pour faire fleurir leur entreprise auprès de nouveaux clients.

On y apprend que le travail transfrontalier, qu'il s'agisse du Luxembourg au nord, de l'Allemagne à l'est ou ici de la Suisse, est un véritable phénomène d'ampleur dans ces régions et qui a là aussi un impact conséquent sur les trajectoires des individus qui ne sont pas partis faire des études dans les grandes villes métropolitaines.

On y apprend que, malgré la disparition des bals, des bistrots et des associations (à l'exception des clubs de foot, qui maintiennent quant à eux une activité dynamique et structurante), qui semblait annoncer le désagrégement des réseaux sociaux, de nouvelles modalités de fréquentations sont apparues, avec tout ce qu'elles impliquent. Ces jeunes trainent « entre potes », il faut réussir à intégrer une bande pour qu'ensuite les diverses rencontres aient lieu en grande majorité dans les maisons des uns et des autres.

Benoît Coquard s'attarde longuement sur la place et le rôle des femmes dans ces sociabilités principalement centrées autour d'activités et d'intérêts plutôt masculins (l'alcool, la chasse, la pêche, le foot, le billard et les jeux d'argent, etc.) C'est là que j'ai décroché, il nous raconte des soirées, les interactions entre les gens, qu'ils soient amis ou non, l'intégration des nouveaux et l'exclusion voulue ou forcée des autres, ce qu'ils font de leurs soirées ... Je comprends que cela puisse être intéressant si l'on n'y est étranger mais je n'ai pas accroché, peut-être aussi parce que je ""connais"" des gens qui font ces choses-là et qui fonctionnent comme les "bandes de potes" décrites ici.

La postface est intéressante : l'auteur revient sur sa méthodologie, sa position dans l'enquête (qui m'a semblé quelque peu problématique mais elle donne ici lieu à des considérations davantage techniques - comment se positionner en tant que sociologues parmi ses anciens amis d'enfance ?, voire "morales" - comment parler de ces gens que l'on connait et avec qui l'on a grandit avec le regard "froid" et objectif du sociologue ?) et surtout sur les retours qu'il a pu avoir depuis sa publication.

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Après une découverte enthousiaste de oeuvre de Nicolas Matthieu (Leurs enfants après eux, Connemara, mais aussi le moins connu Aux animaux la guerre) j'ai cru en trouver un complément et un approfondissement scientifique dans le livre de Benoît Coquard. Hélas..
On me dira qu'il est paradoxal de reprocher à un sociologue d'avoir écrit un livre de sociologie. Je ne le ferai donc pas malgré l'envie que j'en ai.
Mais je dirai que cet ouvrage résume à merveille les défauts de l'école sociologique française, qui n'est sortie du Charybde marxiste que pour tomber dans le Scylla du bourdieusisme dont elle ne semble pas proche de sortir
Au pays de Durkheim c'est triste
Mais passons.
Donc notre livre. Il commence mal avec le coup de patte obligé à La France périphérique de Christophe Guilluy ce mécréant qui a eu l'audace d'empiéter sur le domaine réservé de la sociologie sans être du sérail, attitude d'autant plus coupable qu'il a écrit un livre pionnier qui a eu en outre un succès public, attribuable entre autres au fait qu'il est clair et intéressant..
Malheureusement Coquard ne lui portera pas ombrage
Malgré quelques notations sensibles et bienvenues, venant des origines de l'auteur dont il a eu le mérite de ne pas faire abstraction, les trois quarts de l'ouvrage sont consacrées à d'indigestes analyses des réseaux de sociabilité, l'un des ponts aux ânes de la discipline.
Au total on n'apprend rien qui ne soit mieux dit chez Nicolas Matthieu qui en dit beaucoup plus
Louis Chevallier a eu bien raison de dire, notamment dans son maître-livre Classes Laborieuses et Classes dangereuses que les meilleurs sociologues étaient les romanciers, tels, pour le dix neuvième siècle, Balzac, Zola, mais aussi Flaubert et Hugo auquel on penserait moins
Mais bien sûr Chevallier, historien et démographe dont je ne détaillerai pas l'oeuvre immense et les titres universitaires, n'était pas non plus un sociologue pur. Heureusement pour la science
Revenons à notre Coquard
C'est peut-être ma déception qui me rend trop sévère
Car il a travaillé, il est allé au contact des gens, et n'a pas occulté l'amour qu'il éprouvait pour eux
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"Qui va lire un bouquin qui parle de nous ?" Ainsi commence l'essai de Benoît Coquard, Ceux qui restent (éd. La Découverte). Cette phrase, que l'auteur reprend à plusieurs reprises tout au long de son étude, tel un leitmotiv, est l'indice que son travail sociologique est remarquable par sa nouveauté et par ses analyses pointues.
Benoît Coquard, jeune sociologue à l'INRAE, est revenu dans le pays de son enfance et de son adolescence pour y interroger celles et ceux, de son âge, qui sont restés au pays. Comment font-ils leur vie dans des campagnes en déclin depuis les dernières grandes crises économiques ? Pourquoi ont-ils choisi d'y rester et, au contraire, comment s'est fait le départ de celles et ceux qui ont pris le parti de quitter leur région natale ? Comment vit-on dans ces régions souvent abandonnées ? Comment y trouve-on du travail, lorsque c'est possible ? Comment décrire les relations sociales dans des régions minées par le chômage et la pauvreté ? Benoît Coquard entend, dans Ceux qui restent, sortir des archétypes de ces néoruraux vite identifiés comme des "cassos" alcooliques, drogués et beaufs.
Le sociologue a pour lui la connaissance du terrain, même s'il s'en est éloigné pour des raisons scolaires puis professionnelles. Pour autant, son passé et son expérience personnelle lui permettent d'éclairer son travail de terrain : "J'ai essayé de me mettre dans une posture de « traducteur » entre deux mondes que je côtoie par allers-retours, celui des enquêtés et celui des lecteurs de sciences sociales."
Un vrai travail scientifique autant que de médiation. En prenant de la hauteur, Benoît Coquard décrypte les liens sociologiques (le "déjà, nous", "les bandes de potes"), les relations d'interdépendance, les vécus, les loisirs, "la proximité entre petits patrons et salariés", la précarité, les pistons, "la mauvaise réputation", les petites élites plus ou moins artificielles ("l'honorabilité locale"), ou les relations avec les plus âgés.
Ces aînés et la manière dont les plus jeunes les voient, font l'objet d'un chapitre à part, qui n'est sans doute pas le plus frappant dans l'essai, mais qui pose les problématiques d'une génération se sentant mal dans son époque autant que dans son pays. Dans les revisites d'un passé d'autant plus fantasmé qu'il n'a pas été vécu, nous dit l'auteur, les jeunes qui restent ressentent la nostalgie d'une sorte "d'âge d'or." Une nostalgie du reste essentiellement masculine. le "c'était mieux avant" concerne tout autant le travail que la sociabilisation, l'autonomie, le respect pour les hiérarchies ou… "la libération sexuelle." Benoît Coquard choisit aussi de faire un focus sur la disparition des bals dans les campagnes en déclin, comme la fermeture de bistrots qui fait l'objet d'une place à part dans l'essai.
Le chômage est au coeur de l'étude du sociologue, comme l'épicentre de toutes les crises qui ont malmené ces régions : petits boulots, concurrences entre habitants pour l'obtention d'un emploi sur place, longues distances à parcourir pour aller travailler, manque d'épanouissement et de reconnaissance sociale. le non-emploi et le sous-emploi sont illustrés par de nombreux exemples et d'extraits d'entretiens, chez des femmes et des hommes souvent habitués à l'intérim ou au CDD.
Les crises économiques et la désindustrialisation alliés à une reproduction de modèles patriarcaux, font des femmes les premières victimes – lorsqu'elles ne choisissent pas de partir. le "qui part" et le "pourquoi" est d'ailleurs questionné dans un chapitre passionnant sur la place de l'école, et sur la méconnaissance ou les fantasmes autour de l'étudiant "qui coûte cher." Mais ce qui intéresse aussi le sociologue ce sont les allers-retours plus ou moins réguliers et plus ou moins fréquent entre les campagnes en déclin et les (grandes) villes – Paris ou une capitale régionale – qui peuvent, elles, proposer d'importantes opportunités (d'études, de travail ou de rencontres), avec aussi leur lot de contraintes ou des dangers, réels ou non.
Le chapitre sans doute le plus passionnant est celui consacré à la fin des bistrots et ses conséquences. L'auteur cite un canton passant d'une trentaine de cafés à trois, en trente ans. La quasi disparition de ces lieux de sociabilisation a transformé la manière dont les habitants se rencontrent et se côtoient. C'est désormais à l'intérieur du foyer que l'on se retrouve et que l'on se replie, explique Benoît Coquard, qui fait de ses enquêtes sur le terrain de fertiles analyses scientifiques : les invitations aux apéritifs à rallonge, les relations amicales, la place des femmes, les guerres de sexe, les inégalités jusque dans le fonctionnement de ces moments festifs ou… "le rôle social du pastis"…
Bien que l'étude de Benoît Coquard se soit terminée avant la crise des Gilets Jaunes, l'auteur consacre plusieurs pages à cette mobilisation sans précédente de la France dite "périphérique." Ce mouvement est d'autant plus remarquable, précise-t-il, que les habitants de ces campagnes en déclin sont, dit-il, "très peu revendicatifs en temps normal." La limitation des routes à 80 kilomètres à l'heure a "fait péter les plombs" de ces territoires en déprise : "On vit moins bien" est-il dit par les manifestants sur les ronds-points ou autour des péages d'autoroute. C'est une France populaire et silencieuse qui fait son arrivée fracassante sur la scène française. L'ouverture et la conclusion de Ceux qui restent font de cet essai de sociologie un ouvrage d'actualité, proposant également une lecture politique passionnante, qui vient répondre à sa façon à la remarque de Vanessa, cette trentenaire questionnée :"Qui va lire un bouquin qui parle de nous ?"
Lien : http://www.bla-bla-blog.com/..
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Le hasard des choix de lectures a voulu que je lise à peu d'intervalle Leurs enfants après eux et cette enquête sociologique réalisée sur plusieurs années par Benoît Coquart.

Cette enquête s'intéresse aux générations de vingtenaires et de trentenaires vivant actuellement dans le grand Est français – région dont l'auteur est lui-même issu -. Elle prend le temps de nous présenter, dans un langage accessible, avec le plus de détails et la plus grande objectivité possibles, loin des clichés souvent véhiculés par les médias principalement télévisuels, « ceux qui restent », c'est-à-dire ceux qui ont fait le choix, plus ou moins contraint – les deux cas de figure sont en effet décrits -, de rester vivre dans la zone qui leur est familière, celle de leur naissance, de leur enfance, de leur adolescence… plutôt que de partir suivre des études dans la grande ville la plus proche, et ainsi changer socialement de statut.

Présentation est ainsi faite de plusieurs couples que l'auteur a suivi et a vu évoluer, professionnellement, personnellement, ou encore collectivement parlant, présentation qui nous permet de toucher du doigt toutes les difficultés rencontrées en milieu rural – de la nécessité d'avoir un véhicule personnel pour pouvoir se déplacer, que ce soit pour faire ses courses, sortir ou travailler, au parcours du combattant qu'est parfois le simple fait de trouver un travail dans une zone où il est devenu peau de chagrin en raison des mutations sociétales, en passant par le manque de loisirs diversifiés… -, et les stratégies mises en place par chacun, parfois collectivement, pour faire fi de ces difficultés quotidiennes, notamment par l'importance donnée à la place occupée au sein de cette société rurale et le désir de rester une communauté soudée malgré l'adversité.

Lecture agréable et passionnante en somme que cet ouvrage ; je remercie Net Galley et les éditions La Découverte de m'avoir permis de le découvrir.
Lien : https://lartetletreblog.com/..
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critiques presse (2)
LaViedesIdees
06 février 2020
Le livre de Benoît Coquard traite des jeunes ruraux et insiste lui aussi sur le rôle des groupes d’amis dans la possibilité d’acquérir une image de soi valorisante et une bonne réputation, au moins à l’échelle de la micro-société des copains. Il propose en même temps un éclairage neuf sur ces entre-soi populaires, jeunes et masculins.
Lire la critique sur le site : LaViedesIdees
NonFiction
30 janvier 2020
Des campagnes en déclin du Grand Est aux populations urbaines fascinées par la réussite économique, une enquête et une revue proposent une vision nuancée de la politisation des classes populaires.
Lire la critique sur le site : NonFiction
Citations et extraits (9) Voir plus Ajouter une citation
De cette manière, si les jeunes hommes aiment s'identifier aux récits glorieux portés par leurs aînés masculins, c'est aussi parce que ces derniers sont volontiers loquaces sur leur jeunesse, bien davantage que leurs homologues féminines là encore. La transmission genrée de la nostalgie rappelle que les rôles publics - et valorisés comme tels sont largement dévolus aux hommes, en milieu populaire rural comme ailleurs. Les anecdotes qui sont racontées lors des moments collectifs concernent rarement des femmes, et, là, on écoute plutôt un homme qu'une femme raconter une histoire, faire une blague, etc. On passe des récits d'exploits sportifs, au football ou à la boxe, aux mémorables parties de chasse et de braconnage, ou encore aux soirées desquelles les pères racontent être revenus ivres en conduisant « un œil fermé pour ne pas voir double ». IIs s'emploient à enjoliver leur époque et la façon dont ils sont devenus des hommes en étant de grands hédonistes et de fidèles camarades. À force de les écouter, ceux qui sont leurs fils (ou pourraient l'être) pensent sincèrement que les générations précédentes ont mieux vécu et « savaient mieux vivre » à leur époque.

P. 50-51
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Ces régions anciennement marquées par les grands collectifs usiniers connaissent ainsi une déstructuration profonde de tout ce qui produit le groupe et la réciprocité tandis que la rareté des ressources attise les rivalités concrètes et les jalousies latentes.
Cette analyse est peut-être moins accrocheuse ou racoleuse que celle du « choc des civilisations » ou du « grand remplacement ». Mais en étudiant les conflits interindividuels les plus communs, on mesure que c'est bien pour des raisons économiques vitales, plutôt que pour des différences culturelles, qu'on lutte et se divise aujourd'hui dans les classes populaires rurales. Ce qui a changé, c'est que l'on ne se fréquente plus au hasard des gens du coin. En raison des concurrences exacerbées, les amis sont triés sur le volet. Mais, en retour, les uns et les autres s'engagent activement dans l'entretien de leur « bonne réputation » pour s'assurer de pouvoir vivre là où ils et elles ont grandi.

P. 20-21
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J’ai essayé de me mettre dans une posture de « traducteur » entre deux mondes que je côtoie par allers-retours, celui des enquêtés et celui des lecteurs de sciences sociales.
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Néanmoins, la condition pour que les jeunes d'origine maghrébine soient intégrés aux groupes d'amis, c'est qu'ils endossent le style de vie conforme, en particulier qu'ils boivent de l'alcool ou fument du cannabis, et, s'ils sont musulmans sans s'en cacher, qu'ils ne le revendiquent pas spontanément.
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Qui va lire un bouquin qui parle de nous ?
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Videos de Benoît Coquard (2) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Benoît Coquard
Benoît Coquard : "Pour les gens de la France rurale, tout est loin : ils ne font que rouler"
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