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Beaucoup de choses ont été dites ou écrites à propos de ce livre et de son auteur. On peut en penser ce que l'on veut mais, force est de constater qu'à présent l'expression « France périphérique » est plus ou moins passée dans le langage courant. On peut en penser ce que l'on veut mais, force est de constater qu'en 2014, Christophe Guilluy a su voir venir le mouvement des gilets jaunes alors que ce n'est pas le cas de beaucoup d'autres représentants dits de « l'élite ».

À beaucoup d'égards, la surprise des média et des politiques face à la survenue des gilets jaunes en 2018 égale celle qui survint un certain 21 avril 2002 lorsque Jean-Marie le Pen se retrouva qualifié pour le second tour de l'élection présidentielle : même stupeur, même incompréhension de la part de l'appareil médiatico-politique. Comment en sommes-nous arrivés là ? semble nous questionner, en substance, Christophe Guilluy.

Au travers de l'étude de cartes, d'indices, de pourcentages, de résultats de vote, etc., l'auteur énonce sa thèse explicative : depuis la fin des années 1970/début des années 1980, la France (mais plus généralement les économies occidentales) se sont engagées de plus en plus ouvertement vers un système mondialisé. Ce phénomène s'est accéléré au début des années 1990 avec l'implosion du bloc soviétique.

Quelles conséquences à l'échelon local ? Beaucoup d'emplois à faible valeur ajoutée ont été délocalisés ; les métropoles, c'est-à-dire les villes ayant une certaine masse critique sont devenues les principaux bassins de création d'emplois, mais des emplois à plus forte valeur ajoutée, le plus souvent qualifiés voire très qualifiés.

L'afflux d'une main-d'oeuvre qualifiée et bien payée a mécaniquement engendré une hausse des loyers dans ces grandes métropoles. Par effet de vases communicants, ces mêmes villes se sont peu à peu vidées des classes populaires historiques (d'origine française ou immigrée de longue date).

Dans les petites villes, celles dont la masse critique n'était pas suffisante pour éviter le siphonnage des cadres et emplois qualifiés, un déclin et une paupérisation progressive se sont établis suite au départ des entreprises locales. Enfin, dernier membre de l'équation, non négligeable et pourtant souvent négligé par les commentateurs de Guilluy, l'émergence d'une troisième France : celle des nouvelles classes populaires des métropoles, presque essentiellement constituée de populations fraîchement immigrées et qui assure toutes les basses besognes de ces grandes métropoles. Celle-ci découle quasi scientifiquement des politiques d'austérité salariale visant à maintenir l'inflation à un très bas niveau depuis toute cette période (en gros, depuis le début des années 1980). Les emplois les moins bien rémunérés vis-à-vis de l'effort qu'ils réclament, sont alors pourvus quasi uniquement par une main-d'oeuvre immigrée, prête à travailler pour un salaire inférieur au salaire minimum requis pour un certain nombre d'heures travaillées.

Résumons-nous : l'auteur nous parle en fait de trois Frances bien distinctes. En 1°) celle des « élites », vivant dans les métropoles, mobile et diplômée, souvent française de souche et opulente, bénéficiaire de la mondialisation. En 2°) celle des banlieues, c'est-à-dire les classes populaires nouvelles inféodées à ces métropoles, souvent ultra pauvre, issue de l'immigration récente, mais, même si c'est dur à croire, bénéficiaire également, à son échelle, de la mondialisation.

Ces deux Frances forment un ensemble métropolitain. Depuis des décennies, nos « élites » ne nous parlent que du « danger » des banlieues. Beaucoup d'argent est investi dans les politiques de la ville, dans la lutte contre le racisme etc. dans le but de contenir la grogne éventuelle de cette France populaire que la France des « élites » côtoie au quotidien.

Or, et c'est là, je pense, toute la pertinence de Christophe Guilluy, cette troisième France, la rurale ou celle des petites villes, celle des classes populaires françaises de souche ou immigrée de longue date, celle qui a subi de plein fouet la relégation sociale, celle qui y perd chaque jour au jeu de la mondialisation, celle dont personne, du côté des « élites » ne s' est jamais soucié.

Selon lui, la remise en cause du système (donc de l'économie financiarisée numérisée mondialisée) ne viendra pas de la France des banlieues multi-culturelles car, même si c'est à la marge, ce sont les seules classes populaires qui ont encore une maigre chance d'évoluer socialement, tandis que l'autre, la Périphérique, n'a rien à espérer de l'avenir et de la poursuite de la mondialisation et des politiques menées depuis le début des années 1980. Ceci se corrèle quasi parfaitement avec la montée du vote FN (ou RN maintenant) au cours du temps et géographiquement.

Alors, la question que semble nous poser Christophe Guilluy et qui est l'objet d'un autre ouvrage (No Society) : quand cesserons-nous le clivage et ferons-nous enfin société ? C'est la question à laquelle « l'élite » devrait peut-être réfléchir plutôt que de sans cesse monter une France contre une autre au risque de tout faire péter. Tous les problèmes soi-disant identitaires sont tous, de près ou de loin, des conséquences de choix économiques, notamment le choix de l'austérité salariale pour maintenir l'inflation basse, afin que les taux d'intérêts soient bas et donc que l'endettement des états soit soutenable. Or l'austérité salariale nécessite des flux migratoires et les flux migratoires créent des remous sociaux vis-à-vis de ceux qui se sentent mis sur la touche. Bref, tout ce problème " identitaire " n'est en fait qu'un Nième avatar de la lutte des classes où l'on monte des petits contre d'autres petits afin que les gros continuent de rester bien gros sans se poser de questions...

Puisqu'on ressuscite beaucoup de choses du passé en ce moment, peut-être serait-il bon de se rappeler certains de nos hommes politiques qui furent aussi poètes, de se rappeler que la France, cet incroyable concept à la fois matériel et immatériel, que la France, donc, est un objet inanimé qui a une âme et la force d'aimer… Mais ceci, bien sûr, ne représente que mon avis, un avis périphérique, c'est-à-dire, très peu de chose, même par ces temps hystériques d'échéance (historique déchéance) électorale.
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Il y a comme un goût d'inachevé et d'approfondissement quand l'on referme La France périphérique. Certes, on ne peut que saluer le travail de recherche et d'analyse qu'a su mener l'auteur mais on reste cependant sur des idées fortes qui mériteraient plus de détail.
Avant l'heure de l'irruption dans nos vies de la France des ronds-points matérialisée par les fameux "gilets jaunes", Christophe Guilluy redonne vie à la France ouvrière, celle des oubliés du suffrage universel et s'efforce à décrire le grand fossé qui sépare nos élites politiques de la France d'en-bas, celle du concret, où finir les fins de mois est un combat, etc.
Si le travail restitué est donc incontestablement louable, il pêche cependant par bien des approximations, des idées reçues et des arguments tape à l'oeil alors que davantage de profondeur aurait été la bienvenue !
Un essai pour éclairer sur les lacunes bien connues (et non résolues) de notre vieille France, sans plus !

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L'oeuvre de Christophe Guilluy fait polémique.
Ce géographe soutient une thèse simple : deux France s'opposent, la France des métropoles, connectée, hypermobile, multiculturelle, et la France périphérique séduite par les thèses du Front national.
La thèse est simpliste et a ses failles. Paris et Douai sont deux métropoles et n'ont guère en commun.
La Drôme et la Meuse font partie de la France périphérique et sont pourtant dissemblables.
Pour autant, il serait dommage de jeter sa thèse avec l'eau du bain.
Car, prise avec les réserves méthodologiques qui s'imposent (qu'expose très pédagogiquement la recension de LVI ci jointe), elle nous dit quelque chose de la France.

J'ai beaucoup d'admiration et de tendresse pour les auteurs-à-slogans. C'est très facile de dire : le monde est compliqué. C'est très courageux au contraire de suggérer une grille de lecture. Aux penseurs de la complexité (Edgard Morin, Alain Touraine ...), j'ai la faiblesse de préférer - même si je ne suis pas toujours d'accord avec eux - Fukuyama ou Huntington.
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Analyse très intéressante de la société française contemporaine. Les politiques font semblant de croire qu'on vit toujours dans le schéma des années 1970 : clivage droite/ gauche, majorité de Français appartenant ou en voie d'intégration à la classe moyenne. Ils feignent également de penser que l'opposition se résume entre centres villes et banlieues tout en oubliant que, comme il y a 40 ans 60% de Français appartiennent toujours aux classes populaires. La différence, c'est que ces classes populaires ne vivent plus près des grands centres de production et donc sont devenues invisibles.Elles vivent en zone péri urbaine, dans des banlieues éloignées, des petites villes, en zone rurale et sont les premières victimes de la mondialisation (délocalisations, chômage) qui profite aux métropoles mondialisées.Analyse du modèle des grandes métropoles, modèle communautariste et inégalitaire en contradiction avec le modèle républicain français historique.
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Guilly Christophe, – "La France périphérique : comment on a sacrifié les classes populaires" – Flammarion, 2014 (ISBN 978-2081312579)

Pour vraiment apprécier ce livre, il suffit de se rendre soi-même dans l'une de ces petites villes sinistrées, généralement situées sur ce que les géographes nomment depuis vilaine lurette «la diagonale du vide», cette terrible zone de la France en déshérence, qui part grosso modo des Ardennes et du Sud de la frontière Belge (allez voir Sedan ou Fourmies en Thiérache), passe par Verdun et le plateau de Langres, descend vers le Massif Central (Roanne, Issoire, Aurillac), pour rejoindre par exemple Tarbes ou Béziers – eh oui – la ville dont le maire est actuellement Robert Ménard.

De grands et fort sçavants «sociologues» confinés dans leurs bureaux germanopratins de l'EHESS se sont empressés de remplir les colonnes du quotidien «Le Monde» pour dénigrer cet ouvrage, lançant leur anathème favori de complicité avec l'extrême-droite, charcutant les chiffres fournis, récusant la méthode suivie, mais sans apporter aucune réponse de fond.
Et ce n'est pas la lamentable réforme «NOTRE» lancée par la caste élitiste aujourd'hui au pouvoir (quel que soit le bord politique affiché) qui va arranger les choses, puisqu'elle consiste principalement à mettre en concurrence des régions devenues d'ubuesques mastodontes d'énarques avec les nouvelles «métropoles» concentrant justement cette élite coupée des réalités du reste de la population. Quant à la Région parisienne, elle devient inexorablement un véritable Etat dans l'Etat, asséchant et pillant le reste du pays.

Dans ces régions en déshérence, combien de retraité(-e)s survivent aujourd'hui avec le revenu dérisoire du «minimum vieillesse» (ASPA) voire moins, combien de suicides d'agriculteurs, combien de déserts médicaux ?

Christophe Guilluy montre que cette France-là croit avoir découvert un moyen de se faire entendre en votant pour le Front National, ce qui répond à la question de nos énarques en chambre «comment se fait-il que ce petit patelin n'ayant pratiquement aucune criminalité, aucun immigré, vote à plus de 80% pour le FN ?».
L'ouvrage de Guilly comprend certainement des faiblesses méthodologiques, mais il a au moins le mérite de tenter un début d'explication convaincante…
A lire et relire.
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La question du « sujet de l'émancipation », c'est-à-dire la question des acteurs susceptibles d'être les vecteurs de la transformation sociale, est au coeur du livre de Christophe Guilluy. « La France périphérique » est une tentative méritoire mais inaboutie et simplificatrice de faire ré émerger les classes populaires.


Très longtemps, la classe ouvrière a été l'opérateur principal des changements du monde moderne. Sa centralité a été le fruit d'une prépondérance démographique mais surtout le produit d'une construction et d'une affirmation politiques efficientes. de même et réciproquement, la disparition de tout sujet de l'émancipation, a procédé d'une déconstruction systématique (offensive néolibérale victorieuse) et d'un renoncement politique délibéré (faiblesse insigne conceptuelle et morale de la gauche). Construire l'espace social, qui organise les pratiques et les représentations des agents, nous dit Pierre Bourdieu dans « La distinction », c'est construire des classes théoriques aussi homogènes que possible. C'est exercer ainsi l'effet de théorie, effet proprement politique consistant à voir une réalité qui n'existe pas complètement tant qu'elle n'est pas connue et reconnue. Pour Christophe Guilluy, le pays se divise entre une France métropolitaine (les vingt-cinq plus grande villes et leur banlieues proches soit 10% des communes, 40% des populations et deux tiers du PIB) et une France périphérique regroupant le reste du territoire (villages ruraux, communes périurbaines, petites et moyennes villes). Pour lui, l'économie monde réussie en France métropolitaine. le marché de l'emploi y fait certes le grand écart entre postes très et absolument pas qualifiés mais intègre toutes les populations et notamment les classes populaires précaires et immigrées. Par contre, cette économie monde, nous dit l'auteur, échoue (ou réussit que trop parfaitement) en périphérie des métropoles. En périphérie, elle relègue, à l'écart des lieux de création de richesses et d'emploi ; elle assigne, sans possibilités de mobilité (prix du transport et de l'immobilier) une majorité de la population modeste. L'espace géographique se divise par conséquent entre gagnants et perdants de la mondialisation, entre visibilité et invisibilité, entre soutien et rejet des partis politiques de gouvernement – abstention et de vote Front National. Nier l'existence des classes populaires, comme s'évertue à le faire les partis de gouvernement successifs, c'est en dernière analyse, nous dit Christophe Guilluy, nier l'existence de différences et de principes de différenciation. C'est ce que font de manière paradoxale, puisqu'ils conservent le terme de classe, ceux qui prétendent qu'aujourd'hui la société française n'est qu'une énorme classe moyenne.


Le raisonnement de Christophe Guilluy repose sur des observations incontestablement pertinentes quant aux dynamiques socio-territoriales à l'oeuvre et au ressenti des populations. Il faut certainement se placer, comme il le fait courageusement, aux côtés des classes populaires dans une démarche à l'exact opposé à celle que préconisa un jour « Terra Nova » : « puisque le peuple était devenu réactionnaire, la gauche devait changer de peuple ». Dénoncer en permanence le populisme, comme le fait la gauche de gouvernement, c'est la manière aujourd'hui branchée d'ignorer à bon compte le pauvre et de ne pas décourager le boboland. Doit-on pour autant donner quitus aux classes populaires lorsqu'elles votent massivement FN ? Il faut reprocher au raisonnement de l'auteur un biais culturaliste contestable et des simplifications plus qu'hasardeuses qui semblent cautionner les pires dérives populaires. le peuple est assez perméable au monde de l'idéologie qui le divise. Cette assertion est malheureusement cruellement vérifiée tout au long du mouvement ouvrier et du temps même de Marx. de cette déconvenue d'ailleurs devait naître les concepts marxistes de classe en soi et de classe pour soi, de conscience fausse et conscience vraie. Les problèmes rencontrés par les classes populaires, pour notre géographe, ne seraient pas prioritairement économiques. Ils seraient essentiellement liés à la gestion des flux migratoires et à l'émergence d'une société multiculturelle. Niant toute notre histoire ressente et la plus évidente réalité, absurdement Christophe Guilluy, qui reprend à bon compte tous les discours de division qui ont permis l'écrasante victoire de la révolution libérale, affirme comme tant d'autres avant lui : « le procédé d'assimilation et d'acculturation qui a accompagné toutes les vagues d'immigration jusqu'aux années quatre-vingts ne fonctionne plus ». Il ajoute tout aussi absurdement : « Il est légitime de ne pas vouloir être minoritaire sur un territoire donné ». Qui l'est aujourd'hui ? L'auteur n'écrit-il pas, contradictoirement, quelques lignes plus loin : « On constate un séparatisme au sein des milieux populaires. Française ou d'immigration ancienne, les catégories populaires ne vivent plus sur les mêmes territoires que les catégories populaires d'immigration ressente ». Cette stratégie toute politique de division, que par aveuglement Christophe Guilluy qualifie d'identitaire, est d'ailleurs bien décrite dans le livre. le PS est un parti libéral mâtiné de gauchisme culturel de la gent bobo qui heurte délibérément la gauche du bas. Son discours électoral qui vise les minorités, joue sur « les petits beurs, les petits noirs » systématisés par la droite. La droite quant à elle, reprenant le discours frontiste, joue du « petit blanc » contre l'immigré et le musulman. Mais « Une politique véritablement de gauche consiste à batailler contre les catégories de perception qu'impose l'ordre social, à forger de nouveaux désirs, à changer le rapport au possible » nous rappellent Benoît Bréville et Pierre Rimbert dans un passionnant article consacré à Guilluy dans le « Monde Diplomatique » de mars 2015.


Construire l'espace social, qui organise les pratiques et les représentations des agents, encore une fois, c'est construire des classes théoriques aussi homogènes que possibles. Si je suis un leader politique et que je me propose de faire un grand parti rassemblant à la fois des patrons et des ouvriers, j'ai peu de chances de réussir, parce qu'ils sont très éloignés dans l'espace social ; dans une certaine conjoncture, à la faveur d'une crise nationale, sur la base du nationalisme ou du chauvinisme, ils pourront se rapprocher, mais ce rassemblement restera superficiel, et très provisoire nous dit Pierre Bourdieu. Nous assistons à un tel rapprochement pour ce qui est des soi-disant nouvelles radicalités en périphérie. le mouvement emblématique des Bonnets rouges est un bon exemple de conscience fausse. Ne voit-on pas les classes populaires se rallier au patronat ? A contrario, il n'y a pas, comme l'affirme l'auteur, d'opposition irréductible entre les deux composantes des classes populaires, celle établit de longue date et celle des nouveaux entrants. L'immigration récente dans les métropoles réussit contrairement au petit peuple des périphéries, cette affirmation de Christophe Guilluy qui s'appuie sur le seul taux de mobilité résidentiel dans les zones urbaines sensibles (60%) comme indicateur de succès social n'est à aucun moment démontré. L'auteur ne prend pas en compte la mobilité de ZUZ en ZUZ (1 /3 des cas), la surreprésentation des jeunes, les rénovations d'immeubles, etc. … Les classes populaires réussissent aussi médiocrement dans les métropoles et leurs banlieues : plus de chômage, moins de formation, plus de pauvreté …


Le grand mérite de Christophe Guilluy dans ce livre est d'échapper à ce que Frédéric Lordon a appelé dernièrement le posturalisme qui a pour unique ressort la recherche des postures – avantageuses et sans risque il va sans dire. Pas d'internationalisme et d'antiracisme abstraits chez lui. Les revendications des classes populaires sont, le plus souvent justes et légitimes (protectionnisme, relocalisation, état social contre libre échange, mobilité …). Ce sont les classes populaires, dans l'adversité, la douleur, seules et sans mode d'emploi qui construisent une société bigarrée. Elles gèrent au quotidien mille questions ethno culturelles en ne tombant pas dans la haine et la violence écrit très justement Christophe Guilluy.
Sur le bandeau rouge de « La France périphérique » les éloges réunies de « Marianne », « le Journal du Dimanche », « Le Figaro ». le gage en soi de totale innocuité est souvent donné en creux par une unanimité médiatique pour tout ce qu'elle choisit de célébrer passionnément. Il faudrait vraiment que le monde ait changé de base pour que des journaux si divers communient à ce degré de pâmoison en quoi que ce soit de dérangeant. le dernier ouvrage de Christophe Guilluy n'est donc pas renversant mais malgré tout stimulant pour une réflexion qui reste à venir.
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Métropoles, banlieues et « Arcadie périurbaine »
ou la distribution sociale de l'espace français contemporain

Une démarche de géographe liant le social à l'occupation spatiale du sol français. En réalité un brûlot/manifeste, radical, prophétique et iconoclaste, une très sérieuse remise en cause, publiée en 2014, de la doxa officielle des bienfaits de l'économie-monde, du nomadisme et de la mobilité des hommes, de l'ouverture et du vivre-ensemble, serinée depuis des décennies par les milieux politiques français, européens et mondiaux.
Non, elles ne sont pas moins bien dotées ces éruptives banlieues en périphérie immédiate de villes, pudiquement étiquetées « sensibles » par euphémisme, omniprésentes dans les analyses et les médias, où se concentre une population ethno-culturelle, traduire à dominante d'immigrants : leurs émeutes obnubilent, prétendument « fer de lance de la révolution à venir ou les prémices de l'effondrement du système » (p. 51) et focalisent toute l'attention et tous les efforts. Elles profitent pourtant de la proximité immédiate des grandes villes qui génèrent les richesses de l'économie- monde, et bénéficient de la densité de ses réseaux de transports et « d'un accès aux zones d'emplois les plus actives du pays » (p. 46).
Paradoxalement elles réussissent mieux que la France périphérique plus lointaine et plus diluée. Cette France périphérique c'est 61% de la population hors grandes aires urbaines, une population invisible éloignée des grandes métropoles, parfaitement adaptées, elles, à la mondialisation. En effet le modèle métropolitain « a généré sa propre sociologie inégalitaire avec d'un côté une surreprésentation des catégories supérieures, de la bourgeoisie traditionnelle aux bobos, Et de l'autre des catégories populaires essentiellement issues de l'immigration récente et souvent précaire. L'émergence de cette sociologie s'est réalisée au détriment des catégories populaires et
moyennes traditionnelles.» (page 41)
La France périphérique des populations de « petits Blancs », de travailleurs actifs et retraités avance à bas bruit. « On a oublié que la recomposition économique des grandes villes a entraîné une recomposition sociale de tous les territoires. Ainsi, la question sociale n'est pas circonscrite de l'autre côté du périph, mais de l'autre côté des métropoles, dans les espaces ruraux, les petites villes, les villes moyennes, dans certains espaces périurbains qui rassemblent aujourd'hui près de 80 % des classes populaires. Cette « France périphérique », invisible et oubliée, est celle où vit désormais la majorité de la population. C'est sur ces territoires, par le bas, que la contre-société se structure en rompant peu à peu avec les représentations politiques et culturelles de la France d'hier. » (p.11)
Population extrêmement précarisée en cas de chômage ou de délocalisation industrielle, l'éloignement des zones les plus dynamiques rend difficile le retour à l'emploi, fragile socialement et très sensible aux déséquilibres provoquées par une immigration qui menace le capital ethnique existant. Tout en étant stigmatisée : « À l'heure où les classes populaires sont régulièrement sermonnées pour leur populisme, leur racisme voire leur communautarisme, il apparaît que les couches supérieures (des riches et des bobos) pratiquent de plus en plus une forme de communautarisme qu'elle refuse aux plus modestes. » (133)
Une contribution éclairante sur les différentes France contemporaines. Dans le contexte de l'irruption des « Gilets jaunes » sur la scène politique - que par son analyse Christophe Guilluy a
largement anticipée - chacun pourra ainsi enrichir le débat et se forger sa propre opinion.
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En ce mois d'octobre 2020 paraît le nouvel ouvrage de Christophe Guilluy, le temps des gens ordinaires, qui met en avant la classe « populaire », celle qui s'est réveillée durant la crise des gilets jaunes ou qui a été mise en avant par la récente crise sanitaire. le géographe, soucieux des classes populaires, s'était auparavant révélé au grand public grâce à deux titres, Fractures françaises (2010) et La France périphérique (sous-titré « Comment on a sacrifié les classes populaires »). C'est sur ce livre que j'aimerais revenir aujourd'hui.

Selon Christophe Guilluy, « les nouvelles radicalités sociales et politiques » ne viennent pas des banlieues mais « des territoires à l'écart des zones d'emploi les plus actives« . Il crée ainsi la notion de France périphérique, qui s'oppose à celle de la France métropolitaine, dans laquelle la majeure partie de la richesse nationale est créée (2/3 du PIB est produit dans les grandes villes) et qui connaît une « gentrification », à l'origine de la hausse du prix de l'immobilier.
Pour définir la France périphérique, l'auteur a créé un index de fragilité sociale basé sur des indicateurs comme le pourcentage d'ouvriers par rapport à la population active, l'emploi en temps partiel, les revenus, etc. Les cartes situées au milieu de l'ouvrage permettent de bien la visualiser. La réalité de ces territoires est bien moins rose que celle de la France des métropoles.
Ecrit après la révolte dite des « Bonnets rouges », qui a justement commencé dans des petites villes de la France périphérique dans lesquelles des plans sociaux ont joué le rôle de déclencheur, le livre a un côté annonciateur de la crise majeure qui a ensuite éclaté dans notre pays : celles des Gilets Jaunes. Cela m'a frappé quand il décrit la notion de périurbain choisi vs. subi (notion empruntée à un autre géographe, Laurent Chalard) :
Cela me rappelle un article du Monde sur le département de la Gironde lorsqu'avait éclos cette crise des Gilets Jaunes. Une analyse des motivations des participants montraient en effet qu'ils avaient été refoulés de la métropole bordelaise à cause des prix trop élevés de l'immobilier.
Un autre apport indéniable du livre réside dans l'analyse électorale qui y est présentée. Cette fracture géographique est associée à une fracture politique. Christophe Guilluy fustige les partis de gouvernement de l'époque :
Il prévoit également l'extinction programmée du parti socialiste dont le socle électoral « se réduit comme peau de chagrin », mais surtout annonce l'arrivée de ce qui s'appellera le macronisme.

Certes, on peut être parfois en désaccord avec certains propos de l'auteur, et reprocher le manque de nuance. Quoi qu'il en soit, La France Périphérique est un petit livre accessible, qu'il faut lire pour le diagnostic pertinent qu'il offre de notre société. Les optimistes se rassureront en apprenant que les petites villes ont été depuis 2014 repriorisées dans la politique de la ville. Tous y trouveront une matière à penser de premier plan.

Lien : https://etsionbouquinait.com..
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Publié en 2014, la lecture de ce livre en 2019 est instructive. Nous venons de vivre l'épisode des Gilets Jaunes qui est la révolte de cette France périphérique décrite dans ce livre. Cette France oubliée des classes dirigeants du pays et des médias.
Lecture facile, rapide et vraiment instructive. Certaines critiques reprochent des approximations de l'auteur, je n'ai pas l'expertise dans ce domaine pour en juger.
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Ce livre est à lire par qui s'interroge sur l'avenir de la France.
Son thème est qu'une majorité de Français est perdante dans la mondialisation, que les partis de gouverment n'y ont pas trouvé (ou pas cherché) de parade, et que cette majorité est légitimement en position d'imposer un changement de cap radical.
Résumer l'ouvrage est une gageure tant les thèmes foisonnent. Son grand mérite est d'offrir des éclairages nouveaux sur des thèmes rebattus (notamment sur l'immigration, d'une part, et , sur les lignes effectivement suivies, au-delà de leurs discours, par les partis politiques, d'autre part).
Pour ce qui est de l'analyse proprement dite de la "France périphérique", j'ai préféré celle Laurent Davezies (La crise qui vient) qui évite les aspects politiques mais approfondit les aspects économiques. Ces derniers ne sont qu'en arrière plan du livre de Christophe Guilly et c'est sa plus grande faiblesse.
On sent aussi l'auteur hésitant sur les modalités de "la prise de pouvoir" des "perdants de la mondalisation", ainsi que l'amplitude des changements qu'ils imposeront.
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