On peut lire dans un nô : "Si blancs que soient les champs, si pur que soit un coeur, nous agissons toujours à tâtons, dans d'insondables ténèbres. Où trouver la vérité ? La neige tombe et tourbillonne."
Tout est dit, à peu près, de ce qu'il me reste à raconter, mais dans cet à-peu-près, il y a ma vie presque accomplie : à peine deux cents à trois cents millions de pas à ce jour. Je ne les ai pas comptés précisément. Mais voici des lustres que j'arpente les sentiers de pèlerinage, et pas seulement dans les sites sacrés des monts Kii. D'année en année, j'ai parcouru plusieurs fois les cinq îles en toute saison. [...] Le fugitif de sa propre vie se soucie peu des motifs de l'impermanence. Il va, il vient, dans la neige des arbres ou du ciel, sans calcul des miracles ponctuels; [...]
La lune aussi
je l'aurai vue
à ce monde adieu
Pas encore mort
mais dormant à la fin du voyage
le soir d'automne
Le fugitif de sa propre vie se soucie peu des motifs de l'impermanence.
Vingt ans valent à peine un bâillement de chat.
Le voyageur, après combien de haltes où nul ne l'espère, se dissout à la fin aux boucles du voyage sans rien avoir appris des espaces. On marche si longtemps, des années, pour oublier ; on pourrait très bien mourir à chaque pas, c'est pour ça qu'on avance.
Le ciel s'éclaire et la nuit tombe. La lune a toujours l'air de sortir du bain après la pluie. Sur les pentes, l'herbe haute frémit au vent comme mon âme perdue, désemparée. Où es-tu Saori ? Sa chair était de brume, ses yeux d'éternité.
Amour, libre sommeil
ou relique d'adieu
rien au miroir des jours
Neige partout
les morts jouent
aux fantômes
Ce qui a peur en nous avec nous disparaîtra — et le reste n'existe pas.