AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
3,82

sur 283 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
J'ai pris un franc et généreux plaisir à la lecture de cette Moisson Rouge. J'avais entendu parler de Dashiell Hammett depuis fort longtemps, mais hormis le souvenir de l'accent nasillard d'Humphrey Bogart dans le Faucon Maltais, ma connaissance de l'auteur s'arrêtait là.
Et bien très bonne surprise pour moi. C'est très cinématographique, très tonique et sans temps morts, avec une tension qui ne cesse d'être soutenue tout au long de l'ouvrage à la faveur de rebondissements nombreux et variés.
Dans l'Amérique des années 1920 (C'est-à-dire à l'époque même où a été écrit le livre, précision importante, car depuis Ellroy, le polar " historique " qui fait plus vrai que nature est devenu légion or ici, l'auteur parle bien du temps présent qu'il côtoie car il écrit en 1929.), gangrenée par la prohibition, au creux d'un petite ville minière de triste allure, un détective privé travaillant pour le compte d'une agence de détective arrive en mission.
Le problème, c'est qu'avant même d'avoir pu rencontrer son mandataire, Donald Willson, celui-ci s'est fait descendre. le détective privé en question (je ne me souviens pas avoir vu son nom mentionné) flaire une situation bien pourrie et un micmac pas possible et c'est lui qui va nous servir de guide dans cette ville gangrenée jusqu'au trognon, police comprise.
Notre brave détective, va être obligé d'employer souvent les grands moyens et sa vie ne tient à jamais guère plus qu'un fil dès lors qu'il entre en scène. Comme le titre du roman l'indique, ce cadavre ne restera pas seul et nombreux sont ceux qui tombent sous les feux croisés de Pete le Finn, Whisper, Reno, Lew Yard ou le chef de la police Noonan.
Le détective ne tarde pas à découvrir un vaste réseau aux multiples entrées et où le père de la première victime, Elihu Willson joue un rôle non négligeable. Parmi les figures de premier ordre, la belle Dinah Brand a également son mot à dire, mais je crois qu'il serait inconvenant de vous en dire d'avantage et je préfère vous abandonner au milieu de ce noeud de serpents si l'aventure vous en tente.
Pour le reste, sans conteste, Dashiell Hammett est l'inventeur du roman noir tel qu'on le conçoit de nos jours. Il nourrit son histoire de son propre passé de détective privé et l'immersion dans les milieux de malfrats sent beaucoup plus l'authenticité que les enquêtes minutieuses mais théoriques des spécialistes du roman policier d'alors.
Voie nouvelle et accessit accordé à MONSIEUR Dashiell Hammett, dont certains éléments de la biographie, notamment ses démêlés avec les autorités au plein MacCarthysme sont tout à son honneur. Chapeau donc, et aiguisez votre faux si vous voulez entamer votre moisson rouge, un bon cru assurément, mais ce n'est là que mon avis, c'est-à-dire, pas grand-chose.
Commenter  J’apprécie          810
Absolument incontournable pour tout amateur de polar, "La Moisson rouge" ("The Red Harvest") est souvent considéré comme le parangon du polar américain à plus d'un titre. Si Hammett a eu des prédécesseurs dans le roman "hard-boiled" (Carroll J. Daly par exemple), il est le premier auteur du magazine populaire "Black Mask" à être édité par une maison d'édition reconnue (Knopf, en 1929). Ainsi prédisait-il à son éditrice :
"I am one of the few – if there are any more – people moderately literate
who take the detective story seriously. […] Some day somebody's going to make “literature” of it […] […], and I'm selfish enough to have my hopes"

L'histoire ? Un détective de l'agence Continental Op débarque à Personnville où il a été engagé pour mener une enquête. ça se corse assez rapidement puisque son employeur est tué avant même de l'avoir rencontré et que la ville se révèle être aux mains de la pègre locale. En effet, le vieil Elihu - magnat de Personville - a laissé les truands prendre le pouvoir afin qu'ils brisent le syndicalisme ouvrier. Bien entendu, cette alliance se retourne contre lui et il en vient finalement à engager le détective pour se débarrasser de ses anciens chiens de garde. Lorsqu'on sait que, historiquement, les agences de détectives ont souvent été employées pour briser les grêves, on savoure toute l'ironie de l'intrigue. "La Moisson rouge" reflète les luttes de classe et la violence du capitalisme du début du XXe siècle. En ce sens, le roman de Hammett affirme le polar comme porteur d'une forte critique sociale et il n'est pas étonnant que J.-P. Manchette s'en réclame quarante ans plus tard.
Les personnages - même secondaires - sont particulièrement forts : le détective (jamais nommé et pourtant narrateur à la première personne) qui joue du poing, du flingue, boit et se saoule au laudanum - un justicier tellement infréquentable qu'on en vient même à le soupçonner de meurtre ; une femme fatale terriblement séduisante par ses imperfections et sincères dans sa vénalité ; un truand surnommé Whisper (le "murmure") dont la voix se fait plus douce à mesure qu'elle menace ; un assistant du détective qui parle par monosyllabes à tel point qu'il pourrait résumer le style de Hammett.
Car c'est par son style lapidaire et tranchant que ce polar surclasse une bonne partie de la littérature policière : pas un mot, pas une image inutile. Tout ce qui peut être tu est effectivement éludé. Ce qui doit être dit l'est en de courtes phrases. Pas de description inutile. Quand les personnages parlent, c'est parfois sous la contrainte, et souvent en s'interrompant (pour boire un coup ou prendre une balle). La belle langue se fait argotique, à mesure que la belle société se révèle viciée : et il n'est pas anodin que "Personville" soit surnommée "Poisonville".
Commenter  J’apprécie          120
Dashiell Hammett est l'un des grand-pères du polar et La Moisson rouge ne dépare pas à son tableau de chasse.
Sous la plume d'un autre auteur, certains des événements se déroulant dans ce roman pourraient être considérés comme des clichés, cependant, c'est lui qui les a écrit le premier, ou l'un des premiers, lui qui a contribué à façonner le polar hard boiled.
Violent, bourré de cadavres, ce récit d'une petite ville empoisonnée par la corruption et du grand nettoyage, dans le sang, qui sera nécessaire, est un petit bijou du polar. Ça tombe comme des mouches, ça picole sec, les flingues aboient et toutes les femmes sont fatales, et c'est assez jouissif! Aussi violent que ce soit, je n'ai jamais eu l'impression de complaisance dans la violence et de surenchère de certains polars modernes: l'auteur maîtrise sa plume et sait tout à fait nous entraîner sans avoir besoin de découper les cadavres et d'écrire des messages avec leur entrailles comme certains thrillers modernes.
Un classique du genre à (re)découvrir.
Commenter  J’apprécie          90
Moisson rouge, un roman publié en 1929, et qui nous est proposé dans une version intégrale et une nouvelle traduction de Nathalie Beunat et Pierre Bondil, pour moderniser la langue et l'adapter à notre époque.

L'histoire est racontée par le détective anonyme, de la Continental Detective Agency, personnage récurrent des romans de Hammett. Hammett base son histoire sur sa propre expérience dans la ville de Butte, Montana alors qu'il était en fonction à l'Agence de détectives Pinkerton. Il est appelé à Personville par le fils du vieil Elihu Willsson, Donald Willsson, éditeur du Morning et de l'Evening Herald. Don est assassiné peu après l'arrivée du détective. Celui-ci, après avoir démasqué le meurtrier, décide, par loyauté envers son client, de « nettoyer » la ville.

« Mais, disait Bill Quint, le vieil Elihu ne connaissait pas son histoire italienne. Il avait brisé sa grève, mais il avait perdu son emprise sur la ville et sur l'État. Pour mater les mineurs, il avait été obligé de lâcher la bride à ses tueurs. Et, la bataille finie, il fut incapable de s'en débarrasser. Il leur avait livré sa ville et il n'était pas assez fort pour la récupérer. »

Sa méthode pour parvenir à ses fins est d'une redoutable simplicité : Il oppose les uns aux autres les 4 chefs de gangs rivaux de la ville, comptant sur leur antagonisme pour qu'ils s'entretuent. le personnage du détective ne s'embarrasse pas de principes. Pour lui, ce qui compte c'est l'efficacité, et tant pis s'il doit aligner un ou deux cadavres. Sa moralité est également très élastique, il s'enivre prend de la drogue, mais arrive néanmoins à sortir indemne de toutes les fusillades, et Dieu sait s'il y en a dans ce roman !
« — Cette saleté de patelin commence à me cavaler. Si je ne file pas bientôt, je vais devenir aussi sanguinaire que les indigènes. Faisons le bilan depuis mon arrivée : une douzaine et demie d'assassinats ! Donald Willsson, Ike Bush, les quatre Macaronis et le flic de Cedar Hill ; Jerry ; Lew Yard ; Dutch Jack, Blackie Whalen et Put Collings à la Flèche d'Argent ; Big Nick, le flic que j'ai descendu ; le gamin blond que Whisper a buté ici ; Yakima Shorty, le visiteur du vieil Elihu, et maintenant Noonan. Ça en fait seize en moins d'une semaine et ça ne fait que commencer. »

On rencontre dans ce roman toute la galerie de personnages que l'on retrouve dans tous les polars (ou presque) : le héros courageux, volontaire et inoxydable, les chefs de gang, les petites frappes qui gravitent autour, les avocats marrons, les politiciens véreux, les policiers ripoux ; sans oublier l'indispensable personnage féminin, la femme fatale, sorte de mante religieuse qui se repaît de ses amants. Dinah Brand en est dans ce roman une parfaite illustration :
« Elle ne pense qu'au fric, c'est vrai, mais bizarrement, ça n'est pas choquant. Elle a un côté tellement vénal, si ouvertement cupide que ça n'a plus rien de détestable. Vous comprendrez ce que je veux dire quand vous l'aurez rencontrée. »

Moisson rouge n'est pas seulement une intrigue à résoudre. Il signe l'avènement d'un nouveau type de héros dans le roman policier, le « hard-boiled », dur à cuire. Il est ici censé représenter la loi, mais c'est un personnage complétement amoral, sadique et impitoyable. Au milieu de toute cette violence viennent se glisser quelques touches d'humour qui viennent adoucir l'histoire pour nous la rendre plus digeste. C'est également un magistral portrait de la corruption et de la violence politique, ayant valeur de témoignage sur les années 20 et la prohibition. le style est très alerte, très enlevé et on ne s'ennuie pas une seconde à la lecture de ce roman à l'écriture très précise, très visuelle, très moderne en quelque sorte.

Pour en terminer avec ce petit billet, je vous dirai que c'est un roman que tout amateur de roman noir se doit d'avoir lu. Un véritable chef d'oeuvre, fondateur du genre.
Lien : http://thebigblowdown.wordpr..
Commenter  J’apprécie          71
Avec la "Clé de verre", ce polar est, à mon sens, le chef d'oeuvre de Dashiell Hammet. L'histoire, en un mot : un détective arrive dans une ville que se partagent deux bandes rivales ; il va naviguer de l'une à l'autre pour les pousser à s'entretuer.

Cette thématique a été pillée sans vergogne par le cinéma ("Pour une poignée de dollars", "Miller's crossing", entre autres), mais l'écriture demeure inimitable : c'est froid, sec, amer, avec juste ce qu'il faut de rapidité.
Commenter  J’apprécie          60
Gros coup de coeur en matière de polars / thrillers. Livre superbement écrit. C'est le genre tu le commence et tu ne le lâches plus jusqu'à la fin. Génial
Commenter  J’apprécie          20
Quiconque s'est penché de près sur le roman noir est familier avec le nom de Dashiell Hammett. Comment pourrait-il en être autrement puisqu'il est considéré comme le père du genre, avant Raymond Chandler ou Jim Thompson qu'il a précédés d'une dizaine d'années. Et pour commencer, il écrit en 1929 ce qui deviendra le prototype pour les générations à suivre : Moisson Rouge. Parfait, commençons avec celui-là donc.
Inutile de tourner autour du pot : l'impact de l'oeuvre est colossale. En tournant les pages, on mesure son influence sur le travail d'un Jim Thompson, d'un Richard Stark , d'un Elmore Leonard ou d'un James Ellroy. En se saisissant d'une littérature regardée de haut (les pulps, magazines imprimés sur du papier de mauvaise qualité), Hammett infuse un esprit de transgression et d'efficacité qui aura les honneurs d'avoir sa propre appellation : hard-boiled. Au sens premier, elle renvoie aux personnages de durs à cuire évoluant dans un monde corrompu, cynique et explosif. de la part d'un ex-détective privé qui a eu tout le temps de mesurer les injustices aux différentes strates de la société, cette terminologie est on ne peut plus adaptée. Mais c'est aussi (et surtout) une affaire de style, le hard-boiled. Une phrase, une action ; les protagonistes se caractérisent par ce qu'ils font, leur psyché est secondaire (voire tertiaire). C'est le cas du Continental Op, le détective de Moisson Rouge. Oui, il n'a pas de nom, pas besoin. À l'image du livre, on attaque à l'os. Ce qui laisse toute latitude à son créateur pour déstabiliser. Il y va plein pot : narrateur intradiégétique, rythme effréné, scénettes dialoguées au scalpel, fusillades ou pugilats de tous les côtés, et ah oui le narrateur n'est pas forcément fiable. À ce niveau, ça tient presque de l'expérimentation pure. J'avoue avoir été parfois surpris par le comportement de l'anti-héros ou les enchainements. Il faut croire que c'est le but de l'oeuvre puisqu'on assiste à une mécanique du chaos qui s'enclenche à partir du moment où le Continental Op décide d'en mettre un grand coup. Aucun n'en sortira indemne puisqu'aucun n'est réellement sauvable. C'est enlevé, très bien écrit, souvent frondeur, toujours ambivalent. Au milieu de cela, de savantes touches d'humour sont disséminées (l'avocat incompréhensible, le partenaire qui parle de manière télégraphique).
À la fin de la lecture, on a bien compris que Hammett se servait des attentes pour les déjouer et ainsi les dépasser. le cadre simpliste du roman de détective (qui a tué untel ?) est littéralement explosé afin de taper dans le dur, de faire remonter des bas fonds une réalité crue, sans pitié et de la laisser imploser devant nos yeux. Écrit de la sorte, ça semble douloureux. Pas le moins du monde, on va même en redemander. L'héritage de Dashiell Hammett, on le retrouve chez ses auteurs favoris mais aussi à l'écran. Impossible d'y échapper, tant mieux.
Commenter  J’apprécie          10
Le narrateur, détective à la Continental Detective Agency, succursale de San Fransisco, a rendez-vous avec un patron de presse de Personville, Donald Willsson. Alors qu'il l'attend chez lui, ce dernier est assassiné. Elihu Willsson, le père du jeune défunt est "le tzar de Poisonville" ainsi que la ville est surnommée, tant les gros voyous y pullulent. le détective arrache au vieil homme dix mille dollars pour nettoyer la ville. C'est le début d'une histoire sanglante.

Écrit et paru avant le faucon de Malte, ce roman est une sorte de western de la fin des années 20. Un détective sème la pagaille dans les rangs des voyous d'une ville gangrénée par le crime, les incite à s'entretuer tentant lui-même de passer entre les balles, ce qui n'est pas si simple.

Dur et violent, sans bon sentiment, ici rien ne se fait pour autre chose qu'un profit tangible. Dinah Brand, la seule femme du lot n'est pas la dernière à vouloir tirer son épingle du jeu, c'est sa seule façon de s'en tirer face à ces hommes sans foi ni loi. Seul le détective le fait pour autre chose : ses raisons restent floues, sans doute une certaine conscience professionnelle qui, cependant, se limite à la grande idée générale et ne s'encombre pas de scrupules quant aux moyens utilisés.

Dashiell Hammet écrit du noir désespéré, direct. Il a le sens de la formule : "Je me laissai ensuite conduire à une chambre mal tenue, où je transvasai un peu de scotch de ma gourde dans mon estomac et me couchai en prenant mon pistolet et le chèque du vieil Elihu avec moi." C'est moderne pour l'époque et il casse les codes, précurseur d'un genre nouveau : le hard-boiled, ce roman noir dans lequel les limites entre le bien et le mal sont floues et qui est basé sur la violence et l'action. Et là, tout y est.
Commenter  J’apprécie          10


Lecteurs (899) Voir plus



Quiz Voir plus

Retrouvez le bon adjectif dans le titre - (6 - polars et thrillers )

Roger-Jon Ellory : " **** le silence"

seul
profond
terrible
intense

20 questions
2873 lecteurs ont répondu
Thèmes : littérature , thriller , romans policiers et polarsCréer un quiz sur ce livre

{* *}