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Présenté en début d'année par les éditions L'Atalante comme leur plus gros coup de coeur de l'année, « Le chant du coucou » est le sixième roman de Frances Hardinge, auteur anglaise jusqu'à présent surtout connue pour ses ouvrages destinés à la jeunesse. Quant est-il avec ce nouveau roman à la couverture et au résumé assez énigmatiques ? Premier constat : si la protagoniste de ce one-shot est certes une enfant, le ton et les thématiques traitées par l'auteur ne laissent aucun doute quant au fait qu'elle s'adresse avant tout à un public adulte. le lecteur fait connaissance dès la première page avec une toute jeune fille nommée Triss, que ses parents voient revenir un soir complètement trempée (et du toute évidence traumatisée) après sa chute accidentelle dans la rivière du coin surnommée la Sinistre. le père comme la mère se plient aussitôt en quatre pour prendre soin de leur fille à la santé déjà fragile, mais sa soeur de huit ans, la petite Pen, réagit au retour de son aînée avec une étrange hostilité : « Elle fait semblant. Vous voyez pas ? Tout est faux ! Personne remarque la différence ? » Si Triss ne comprend pas le comportement de plus en plus terrifié de sa soeur, elle ne peut nier que tout lui semble différent depuis sa presque noyade. Il y a d'abord ses souvenirs qui lui jouent des tours : elle sait bien qui elle est et ce qu'elle a vécu auparavant, mais a en revanche totalement occulté les événements qui l'ont conduite dans l'eau. Il y a ensuite ces fringales incontrôlables qui la prennent d'un seul coup et lui font engloutir des montagnes de nourritures sans pourtant jamais lui faire prendre un gramme. Et puis il y a cette petite voix moqueuse qu'elle entend dans sa tête et qui décompte chaque matin les jours, à la manière d'une bombe à retardement.

Le terme n'est, il me semble, jamais employé dans le roman mais vient immédiatement à la bouche du lecteur, et ce des les premières pages : Frances Hardinge nous raconte une histoire de changelin, ces leurres laissés par les fées à la place d'un véritable enfant humain. Il s'agit là d'une légende qu'on trouve essentiellement dans les folklores scandinave, irlandais ou encore écossais, et dont on retrouve ici la plupart des caractéristiques, que ce soit en ce qui concerne la véritable nature du leurre, la cause de la substitution, ou encore les manières de les confondre et de s'en débarrasser. L'auteur s'est de toute évidence bien documentée sur le sujet qu'elle se réapproprie ici avec talent en réutilisant certes tous les éléments clés du mythe, tout en parvenant à se détacher du matériaux d'origine pour donner vie à une histoire complètement originale. le choix de situer l'action en Angleterre juste après la fin de la Première Guerre mondiale est notamment très judicieux et permet de renforcer l'étrangeté de la situation, la légende du changelin se rattachant davantage dans l'imaginaire collectif à un décor médiéval. Or c'est justement ce décalage, ce sentiment que quelque chose cloche sans qu'on puisse vraiment mettre le doigt dessus, qui fait toute la force de ce roman. Dès les premières pages, le lecteur se trouve ainsi totalement captivé par le mystère qui entoure le retour de la petite Triss et par les anomalies qui se multiplient autour d'elle. Frances Hardinge parvient à créer une atmosphère pesante qui, s'en aller jusqu'à tomber dans le récit purement horrifique, provoque à plusieurs reprises le malaise chez le lecteur, sensible non seulement aux bizarreries qui entourent la vie de cette famille mais aussi à la panique montante de l'héroïne qui ne comprend pas ce qu'il lui arrive.

Et en terme de bizarreries, on peut dire que l'auteur a fait preuve d'une sacrée imagination ! Si l'auteur réutilise pour cela un certain nombre de créatures issues d'un bestiaire empruntant à nouveau au folklore scandinave ou irlandais, ce sont ses propres inventions qui marquent surtout l'esprit du lecteur. le détournement réalisé ici des innovations technologiques en vogue au début du XXe siècle est notamment très ingénieux, qu'il s'agisse du téléphone, des moyens de transports, ou encore du cinéma, dont le décor donne lieu à une scène inoubliable. L'auteur tisse également une véritable aura de mystère autour de la famille de Triss, gangrenée par les non-dits et les secrets que chacun de ses membres gardent jalousement, tout en prenant bien garde à présenter au monde l'image d'une famille parfaite en tout point. Si l'atmosphère est incontestablement le plus gros points fort du roman, le second tient à ses personnages qui, bien qu'âgés d'une dizaine d'années seulement, font preuve d'une maturité et d'une lucidité à même de parler à un lectorat adulte. On se prend vite d'affection pour la petite Triss, dont on comprend la détresse tout en ne pouvant s'empêcher de redouter la véritable nature. Pen, sa petite soeur, est quant à elle un sacré phénomène qu'il est impossible de ne pas trouver sympathique, de même que Violet, la belle-fille écartée à la mort du fils aîné et qui se distingue par un caractère rebelle et une volonté d'émancipation très mal vue à l'époque. Les autres adultes du roman sont pour leur part tous beaucoup moins forts et entiers que leurs versions miniatures : tous cachent quelque chose, une faiblesse ou une douleur qui pourrit leur quotidien et les empêche de faire le bon choix.

C'est enchantée que je ressors de cette réécriture du mythe du changelin, transporté ici par l'auteur dans un contexte post Première Guerre mondiale. Frances Hardinge parvient à créer pour l'occasion une véritable atmosphère d'étrangeté, alimentée notamment par la confrontation entre un folklore plus volontiers médiéval et un décor moderne dont elle s'amuse à exploiter les innovations. L'auteur tisse aussi et surtout un très beau portrait de la relation que peuvent entretenir deux soeurs, relation dont elle parvient à saisir toute la complexité et la tendresse sans jamais tomber dans le mièvre ou le convenu. Une vraie réussite !
Lien : https://lebibliocosme.fr/201..
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Un livre que j'étais impatiente de lire !
Lorsque Triss se réveille, ses parents lui apprennent qu'elle a échappée à une noyade et s'en est sortie miraculeusement. Tout semble aller pour le mieux. Sauf que... Elle a des trous noirs, elle a un appétit insatiable, elle retrouve des brindilles derrière elle, et sa petite soeur a peur d'elle. Peu à peu, Triss se compte que quelque chose est à l'oeuvre. Mais a-t-elle le courage d'aller voir dans les profondeurs de son être ?
Il y a vraiment tout ici pour me plaire : le chant du coucou se déroule cinq ans après la fin de la Première Guerre Mondiale, au sein d'une famille apparemement bien sous tout rapport, mais qui cache quelques petits secrets. le père de famille a fait fortune suite à ses travaux architecturaux, sa femme tient la maison et leur rang social. Pour ce qui est des enfants : leur fils aîné, Sebastian, est mort à la guerre. Ce qui conduit les parents à sur-protéger leurs deux filles, Triss (11 ans) et Pen (9 ans). Il y a donc une famille, qui apparaît comme étant de plus en plus complexe au fur et à mesure que l'intrigue avance, avec l'apparition de plus en plus marquée du fantastique et de l'horreur. Si je devais le mettre dans une case, ce serait dans la section « conte horrifique », je pense, et j'ai pensé à plusieurs reprises à l'univers de Neil Gaiman, rapprochant plusieurs fois le chant du coucou à L'Étrange Vie de Nobody Owens ou à Neverwhere. Pile-poil les univers que j'adore ! On retrouve un peu le London Below de Neil Gaiman avec cette plongée dans un monde que les humains ordinaires ne peuvent pas percevoir, ces « poches » fantastiques dans notre monde... le chant du coucou introduit donc tout un univers qui cohabite avec le nôtre, avec ses créatures et leurs propres cultures, que ce soit les Adjacents, l'Architecte, le Petit Peuple dans son ensemble, apportant une dose de mythologie très fournie, dense et magnifiquement décrite. On entre dans un univers à la fois familier mais malgré tout très différent, très dangereux, avec ses codes propres.

(Voir mon avis complet sur mon blog.)
Lien : https://chezlechatducheshire..
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Le chant du coucou est une revisite du mythe du changeling, ce leurre déposé par le petit peuple à la place d'un bébé humain.

La grande force de ce coucou-là est multiple :
- le mélange folklore celtique et réalité. le roman se déroule après la 1e guerre mondiale et est rempli de détails dans sa représentation. Ce décor n'est pas juste un papier-peint pour faire beau et remplir les trous, il prend corps avec l'histoire racontée. En sa représentation fidèle crée un contraste saisissant avec une intrigue fantastique, magique, un peu surréaliste.
- Un mélange de tons, de genres et d'ambiance : on est tantôt sur de l'horrifique, tantôt sur du comique grâce à une imagination de l'autrice débridée, tantôt encore dans du surréalisme, teinté de fantastique.
On est de ce fait surpris à chaque phrase, ne sachant jamais à quoi s'attendre. L'autrice déjoue nos attentes, par le biais d'une imagination complètement débridée et qui amène des scènes assez cocasses, farfelues, devant lesquelles on ne sait pas trop réagir : on rit ou on s'insurge ?


Le chant du coucou est un roman bourré de trouvailles géniales, de scènes dingues, mais surtout un roman psychologique.
- On explore la psyché d'un personnage qui se (re)/(dé)construit : c'est le roman d'une métamorphose touchante qui s'opère, avec mélancolie et amertume. J'ai aimé cette thématique du double, du miroir, du doppelgänger, qui amène un personnage sur le chemin de la quête de sa nature, de son identité.
Le roman explore donc la thématique du double : double négatif mais aussi positif avec une belle sororité qui se construit également.

Vous l'aurez compris, le chant du coucou est un roman complexe, un peu barré. A lire si vous n'avez pas peur des fringales de Triss, de manger des poupées et d'être découpé en deux par des ciseaux vengeurs.
Je regrette juste une seconde partie moins intense et un final trop positif - mon cynisme n'a pas été totalement satisfait.
Mais à part ces petits détails, une très bonne lecture déroutante, originale et immersive dans le comique-horrifique-surréaliste-fantastique.
Lien : https://zoeprendlaplume.fr/f..
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J'ai fait une première erreur en pensant que ce récit était destiné à la jeunesse. Et j'ai cru ensuite que j'aurais à faire à une histoire un peu gore, un peu creepy, bien grinçante. En fait, le chant du coucou s'adresse résolument aux adultes que nous sommes, et reprend avec finesse et surtout avec beaucoup d'originalité le bestiaire féerique qui parlera aux amateurs de folklore celtique. Il replace avec brio certains de ces éléments à l'époque moderne, il redessine leurs particularités. Mais surtout, c'est un récit incroyablement riche et dense, avec des détails imprévisibles, un style soigné, une intrigue qui fait preuve d'ingéniosité et nous transporte d'un point à un autre avec énormément d'habilité.

L'histoire se situe peu de temps après la fin de la première guerre mondiale. Un jour, Triss tombe à l'eau, manquant se noyer... Lorsqu'elle revient, elle est différente. Quelque chose s'est produit, mais quoi ? de souvenirs confus en fringales incontrôlables, de changements physiques effrayants en hallucinations perturbantes, Triss croit peu à peu devenir folle. Et si c'était autre chose ? Et si elle n'était pas malade ? Triss va commencer à ressembler ses souvenirs et à chercher les causes de son accident. Elle va alors tout doucement lever le voile sur des choses étranges, des choses qui entourent le monde des vivants, mais demeurent cachées à leurs yeux. Et ce n'est pas la haine de sa petite soeur Pen qui risque de changer quoi que ce soit à sa solitude ou à son sentiment d'inconfort.

Que s'est-il passé au Sinistre ? Qui est l'Architecte ? Que cachent les attentions de M. Grace ? D'où proviennent les mystérieuses lettres qui s'accumulent dans la chambre de son défunt frère ?

Autant de pistes à découvrir, de mystères à révéler, qui sont liés les uns aux autres, chaque élément s'imbriquant à la perfection pour offrir un récit glaçant à l'atmosphère résolument oppressante.

Ce qui m'a frappée, c'est la finesse et l'originalité avec lesquelles le récit de Triss est mené. On passe de l'inquiétude au malaise sans jamais tomber véritablement dans l'horreur absolue, l'auteur préférant suggérer et faire marcher l'imagination du lecteur. Elle effleure au passage des thématiques importantes telles que le deuil, la vie après la guerre, l'émancipation féminine, l'arrivée du jazz dans une société encore très peu libérée...

La force de cette histoire, ce sont ses personnages incroyablement maîtrisés malgré leur jeune âge. J'ai beaucoup apprécié la manière dont la relation des deux soeurs est décrite : ce mélange de haine, de jalousie et de rivalité plus ou moins créé par le comportement extrême des parents. Il y a beaucoup de réalisme dans ces sentiments qui sonnent toujours justes.

L'autre point fort du récit, c'est la bizarrerie omniprésente. Dans la seconde partie du roman, les événements se succèdent sans temps mort et mènent lentement à un dénouement spectaculaire. Je salue au passage le talent de Frances Hardinges qui a choisi d'exploiter les outils de l'époque et d'utiliser les technologies du début du siècle à des fins malfaisantes. J'ai trouvé ça brillant.

C'est une réussite qui remet habilement au goût du jour les légendes anciennes et l'existence du Petit Peuple. Si vous aimez les univers féeriques ténébreux qui se rapportent à la terre, les créatures étranges, les atmosphères pesantes et sombres, les mystères et les récits énigmatiques, vous allez vous régaler.
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C'est un joli roman, avec son atmosphère inquiétante, dérangeante, et pourtant curieusement féerique. Parce que c'est bien d'un conte de fées dont il s'agit, même si elles ne sont jamais nommées comme telles. Il y a un côté « folklore à l'ancienne » dans cette histoire de changelin qui m'a bien plu à la fois modernisé, mais qui garde un charme désuet dans cette Angleterre des années 20 éclairée au gaz, qui se relève de la dernière guerre et qui découvre le jazz.


L'écriture est vraiment belle, elle m'a accroché dès que j'ai feuilleté le roman en librairie, et c'est ce qui a achevé de me décider à me le procurer, même si le thème et la couverture me faisaient déjà de l'oeil. Poétique et assez onirique avec ses métaphores biscornues, elle n'en reste pas moins fluide et accessible.

J'ai eu un peu de mal à m'attacher aux personnages au début, et ça créait une sorte de distance émotionnelle qui me donnait l'impression de ne pas apprécier le roman autant qu'il le fallait, même si ça restait agréable à lire. Et puis petit à petit, ils ont commencé à se dévoiler dans toute leur (in)humanité, leurs différentes facettes, leurs échecs... Et là, j'ai vraiment accroché. Les liens entre les protagonistes (surtout les deux soeurs) deviennent vite la part la plus importante de l'intrigue, personne n'est tout noir ou tout blanc, chacun se révèle finalement aussi changeant que les Adjacents. Violet, les parents Crescent, Monsieur Grace ou même l'Architecte et son peuple, tout le monde a droit a un développement digne de ce nom.
La relation entre Triss et Pen est vraiment touchante de justesse, c'est un duo qui évolue énormément, même si elles paraissent souvent un peu trop matures pour leur âge. J'ai eu une préférence pour Pen (qui m'a parfois un peu fait penser à Lyra d'Alcdm), qui de sale môme insolente se révèle vite déterminée et sensible.

Ce n'est pas un coup de coeur et je ne sais pas si cette lecture laissera un souvenir impérissable ou si elle se changera en réminiscence fugace, mais je l'ai vraiment appréciée sur le moment.
Lien : https://minetsbooks.wixsite...
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« Ils m'ont fait une drôle d'impression, mais… » Violet ne termina pas sa phrase, le front soucieux.
« C'est comme s'ils étaient habillés d'un mensonge qui ne leur va pas. » Trista s'efforça de se mettre les idées en ordre. « Ils l'ont mal boutonné, alors il est trop ample par endroits et il ne tient pas à d'autres. »
Nous sommes dans les années 20 en Angleterre. À Ellchester, petite bourgade où vit la famille Crescent. Papa est un architecte célèbre, maman veille sur ses filles. Depuis la mort du fils aîné à la guerre, elle les couve de trop près, surtout l'aînée. Cette dernière se réveille justement avec une étrange sensation…
Une première rencontre avec la plume de Frances Hardinge, ça se fête ! Publiée carrément chez l'Atalante et dans la collection La dentelle du cygne, son roman fait partie des très rares pouvant être lus à différents âges : dès 11-12 ans, la proximité en âge avec les héroïnes principales permet une identification qui fonctionne vraiment bien et les adultes se laissent charmer par un univers très cohérent et immensément dépaysant. L'intrigue elle-même est à deux niveaux de perception et l'on ne manque pas d'être troublé par les transpositions pas toujours si évidentes. Récit d'une émancipation autant que construction habile autour des des notions de réalité, « le chant du coucou » happe son lecteur dès les premières pages et ne cesse ensuite de le surprendre en empruntant des chemins inattendus. On est immergé dans l'Imaginaire avec un grand « I », dans un joli mélange des genres et des références. Loin de se résumer à un univers Burtonien (Tim de son prénom), Frances Hardinge crée ses propres couleurs et à mon goût elles sont infiniment plus nuancées. Une plume qui m'a séduite et que je compte explorer plus avant.
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Une jolie histoire de changelins et de relation sororale. le suspens est bien mené car, au début de l'histoire, nous ne comprenons pas plus que Triss ce qui lui arrive. Pieds remplis de boue, fringales incontrolables, poupées qui parlent et brindilles qui s'échappent... Triss est vraiment mal en point. Nous réalisons sa nature en même temps qu'elle et même si Penny (la méchante petite soeur) sait de quoi il retourne, il faut du temps pour comprendre la réalité étrange de Triss... L'intrigue avance doucement et j'avoue avoir été peu emballée par Pie Grieche et les autres Adjacents, cependant le folklore est bien respecté et j'ai beaucoup apprécié les petits détails tels que la peur des ciseaux et les explications données sur le "monde du dessous". La relation entre Penny et Triss est très bien travaillée et il est difficile d'en vouloir à Penny tant elle se rattrape et tant la famille est dysfonctionnelle. le personnage de Violet apporte une bouffée d'air dans ce monde oppressant de convenances et de maladie et la fin, certes attendues, est très mignonne (avec un bémol; les parents de Triss ne changent pas réellement dans le fond même s'ils font des efforts)


Ce que j'aime : le personnage de Penny,, sa relation avec Triss, l'Architecte


Ce que j'aime moins : j'ai moins aimé la description du Monde du dessous, même si elle est parfaitement adaptée au folklore, la fin attendue


En bref : Un roman de changelin imaginatif mais aussi documenté qui propose une relation sororale intéressante


Ma note


6,5/10
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Dans le chant du coucou, nous suivons la jeune Triss, une petite fille chroniquement malade, toujours couvée par ses parents, au coeur d'une petite ville d'Angleterre des années 20.
Triss se réveille un beau matin alitée et soigné par un médecin, avec aucun souvenir de qui elle est et de ce qui lui est arrivée. Alors qu'elle tente de remettre des noms sur des visages, des mots sur des lieux, on lui apprend qu'elle est tombée dans le Sinistre la nuit dernière, qu'elle a bien failli se noyer, et qu'elle est donc très souffrante. Effectivement Triss ne se souvient de rien de cette nuit-là, elle a du mal à retrouver ses propres souvenirs, et se surprend à avoir une faim dévorante qui lui fait régulièrement perdre la raison. Et comme si ce n'était pas assez suffisant, sa petite peste de soeur Penelope la traite comme si elle était un monstre.

C'est ainsi que commence le roman, avec cette question qui plane au-dessus de la tête de Triss : que s'est-il passé au Sinistre ? Que faisait-elle au bord du cours d'eau en pleine nuit, et est-elle tombée ou a-t-elle été poussée ?

Le choix du nom de la rivière choisie par Frances Hardinge n'est pas anodin, car depuis sa tombée dans le Sinistre, l'histoire de Triss va prendre un tour des plus sinistres.
L'auteure raconte l'histoire du point de vue de la jeune Teresa, laquelle est totalement perdue dans l'enchaînement des événements. Une amnésie partielle, des crises de somnambulisme et une faim de loup hors du commun, ces symptômes sont nouveaux pour Triss, qui a pourtant l'habitude d'être surprotégée par ses parents depuis les cinq dernières années, depuis que Sebastian, le grand frère, est mort à la guerre. Elle est devenue leur chose précieuse, leur toute petite fille fragile, et elle se complait dans ce rôle, alors que Pen se complait de son côté dans celui de la petite agitatrice, effrontée et fugueuse, à laquelle les parents n'accordent que très peu voire plus aucune attention.
Mais depuis sa sortie du Sinistre, Triss se comporte étrangement. Comme lui dit Pen, elle "fait tout de travers", et elle vit dans la terreur que ses parents s'en rendent compte et lui retirent l'amour inconditionnel qu'ils lui vouent.
Or ce n'est que le début des déconvenues pour Triss. S'ensuit une aventure hors du commun, ou des gens mangent des poupées, des acteurs de cinéma muet sortent de l'écran, des lettres fantomatiques se déposent dans des tiroirs, des univers s'ouvrent sous des ponts, et des flocons de neige tombent en été.
Ce qui était au début une sorte de roman familial se transforme en épopée fantastique aux tournures gothiques.

C'est drôle, avant de me mettre à écrire j'étais persuadée d'avoir préféré les deux derniers tiers du roman. Mais en écrivant ce résumé et ces quelques lignes, je me rends compte que j'ai finalement beaucoup aimé cette première partie axée sur la relation de Triss à ses parents et à son monde.
Triss est une petite fille sans perspective. Ses parents l'adorent, mais sa soeur la déteste et elle n'a aucun ami. Toujours souffreteuse, elle ne va pas à l'école, elle ne sort que très rarement du manoir, et elle n'a aucune expérience de la vie réelle, à part ce que lui en disent ses parents. Elle éprouve une profonde solitude, du fait qu'elle ne sort jamais, qu'elle n'a pas d'amis, et que même sa propre soeur ne souhaite pas trainer avec elle. Triss est une petite fille de onze ans qui n'a que sa famille au monde, qui ne connait rien d'autre, et dont la seule peur est de se voir ôter la seule chose qu'elle possède : l'amour de ses parents.
Pen, quant à elle, est tout l'inverse de Triss. Sauvage et entêtée, plein d'énergie et de fureur de vivre, elle passe sont temps à s'échapper, à se chamailler, à courir dans tous les sens à travers la ville pour mener sa propre vie. A neuf ans déjà, elle est considérée comme un cas désespéré par ses parents qui ne la comprennent pas. Ses fugues ne leur font plus peur, ils ne s'inquiètent plus réellement de son sort, ils s'inquiètent juste de leur autre fille, et cela meurtrit profondément Penelope.

Cette relation entre les membres de la famille est un aspect très important du roman. Leur dynamique est l'élément qui va pousser la vie de Triss par-dessus bord, et ainsi la vie de toute la famille Crescent.

Il est difficile d'en parler plus longuement sans dévoiler des événements majeurs de l'histoire. Alors je vais juste faire des allusions au reste du roman. Comme pour l'Île aux mensonges, Frances Hardinge mêle habilement le roman sociétal, familial et fantastique. Ici elle nous dépeint une ville anglaise de campagne, Ellchester, qui devient enfin un endroit important depuis que le père de Triss, Piers Crescent - architecte de génie - y a construit un incroyable pont et inaugure bientôt une nouvelle gare. La vie et le destin de la ville qui s'en sont trouvé modifiés. Elle va enfin apparaître sur les cartes et prendre une place sur le territoire. Grâce à ces réalisations, Piers Crescent a acquit une superbe renommée et encore plus de richesses.
A travers les relations de la famille, comme Violet Parish, l'ex-fiancée du pauvre Sebastian, elle décrit aussi la vie post-Première guerre mondiale, où les femmes s'émancipent - travaillent, fument, chevauchent des motocyclettes - et le jazz envahit les troquets. C'est le début d'une nouvelle ère pour l'Angleterre, une ère de changements indolente, construite sur le deuil et le doute.

Et au coeur de cette mise en scène d'une société en plein mouvement, Frances Hardinge innocule son fantastique, tiré de mythes et de légendes, tiré de l'invisible et de l'illusoire.
C'est un fantastique un peu déjà vu, mais corrigé à la sauce Hardinge et donc savoureusement original. Un envers du décor habité de peuples légendaires issus de contes primitifs, faits de terre et de feuilles, d'épines et de plumes.
Pour moi qui adore les saga familiales, les romans sociaux et les contes fantastiques, c'était un parfait mélange.

Du moment où l'imaginaire apparaît, le reste du récit se transforme en un roman d'aventure teinté d'absurde, d'étrangeté et de suspense. Je dois avouer que j'ai vraiment mis du temps avant de rentrer dedans, les cent premières pages me semblaient un peu laborieuses - je n'arrivais pas à voir où l'histoire s'en allait et tous les personnages me tapaient sur les nerfs, mais par la suite je me suis laissée emporter par l'univers rocambolesque et sombre de Frances Hardinge, et j'ai compris que l'attitude de la famille Crescent hérisse le poil sciemment, pour des raisons plus tard bien évidentes.

Encore une fois, Frances Hardinge a su me charmer avec son univers féerique vaporeux aux allures funèbres d'un bon Tim Burton. Frances Hardinge, c'est des larmes de toiles d'araignées, des créatures aux rires tempêtueux et des mystères ténébreux, mais c'est aussi des femmes et des jeunes filles qui s'affirment, des héroïnes au caractère bien trempé, modernes et délicieusement audacieuses. Tout ce que j'aime.
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Ce qui bougea en premier, ce furent les yeux, les yeux superbes de verre gris-vert. Ils pivotèrent lentement pour se fixer sur le visage de Triss. Puis la petite bouche frémit, s'ouvrit pour parler. « Qu'est-ce que tu fais là ? Pour qui tu te prends ? C'est ma famille. »
.
Alerte coup de ♥️ !! .
Un roman à l'ambiance très particulière, qui, page après page, nous donne envie d'en savoir toujours plus. Qu'est-il arrivé à Triss ? Pourquoi sa soeur la craint-elle tellement ? Pourquoi Triss ne parvient pas bien à se rappeler de qui elle était avant son accident ? .
Tout est parfaitement dosé, c'est un livre que j'ai dévoré en quelques jours, rongée par la même faim dévorante que Triss. .
Si vous avez aimé Coraline de Neil Gaiman, si vous aimez l'atmosphère des films de Tim Burton, si vous avez envie de frissonner sous la couette (mais sans faire de cauchemars)... Foncez !! . .
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Bon, soyons honnête : je mourais d'envie de lire ce roman depuis sa sortie, la couverture à glacer le sang et le titre poétique m'avaient séduite au premier regard… Et puis des événements imprévus ont différé la lecture… Même si ce n'était pas prévu je vais l'intégrer au Pumpkin Autumn Challenge, pour Cristaux, tarot et encens… pour une peccadille: je n'aime pas l'idée de rester à 13 livres lus, oui, c'est bête mais ça me turlupine…

le Chant du coucou porte bien son nom. Comme l'oiseau le fait, une étrange coucou, une petite fille, a pris la place de Triss dans son foyer, sans que personne hormis sa soeur ne semble s'en apercevoir. Mais cette Triss commet des bévues et attire l'attention. Bientôt, sa véritable nature l'emporte et une folle cavalcade s'engage. Où est la vraie Triss? Qu'entend faire notre coucou et pourquoi est-il là? Ce sera à vous de le découvrir!

En toute objectivité, bien que quasiment conquise d'avance, j'ai eu du mal à entrer dans l'histoire. Au début, je me perdais dans les querelles entre Pen, la soeur cadette, et Triss, je peinais à trouver l'époque à laquelle se déroulait le récit, et les choses avançaient peu. Les premières pages ont donc été particulièrement frustrantes! Et les soupçons de surnaturels parsemés ne m'aidaient pas à trouver mon équilibre dans l'oeuvre.

Et puis, je ne saurais dire à quel moment précisément, mais il y a eu un déclic. Une fois le décor posé et l'ensemble des pions avancés sur l'échiquier, l'histoire s'est accélérée. Notre Triss-Coucou a subi des revers, sa vraie nature s'est peu à peu dévoilée et le jeu du chat et de la souris avec sa soeur est devenu savoureux. La détresse de l'enfant qui croit perdre la raison a aussi été très touchant. A partir de là, je peux dire sans mentir, que j'ai été happée dans l'histoire.

L'autrice a créé des personnages étonnants, l'Architecte est un mélange inquiétant de démon, de double et de magicien, semblant oeuvrer dans l'ombre à des projets machiavéliques, ne supportant ni ennemi ni contrariété. En cela je trouve la réactivation du topos du pacte avec le démon intéressante. Nous sortons des sentiers battus et nous trouvons un personnage très original, fouillé et intriguant.

J'ai pris beaucoup de plaisir également à découvrir Pen, figure de peste détestable… peut-être pas si détestable que cela au fond, car sous l'enfant gâtée et colérique se cache une souffrance sans fond dont je vous laisse trouver les raisons. Violet est aussi une figure féminine assez exceptionnelle. Parfaite antithèse à la mère des filles, femme forte, femme libérée, à l'attitude réprouvée, elle est l'image même des préjugés et des faux semblants, car finalement, celui qui est prompt à condamner ne connaît pas forcément tant de choses que cela sur sa victime.

La Fausse Triss, notre Coucou, est aussi particulièrement intéressante : à la fois monstre, bourreau et victime, elle est une marionnette aux mains de personnes mal intentionnées. Et finalement, sa quête de vie et d'humanité va sous-tendre l'oeuvre, tout autant que la recherche désespérée de la vraie Triss. J'ai adoré cette figure qui permet de s'interroger sur le statut du monstre : qu'est-ce qu'un monstre? Ce qui est hors norme? Ce qui est contraire aux normes habituelles de la nature? Est-ce seulement les actes qui conditionnent la monstruosité? Et si le monstre était plus humain que des hommes pensant faire le bien? Bref, voici un texte riche en humanité qui nous invite à réfléchir, l'air de rien.

Enfin, l'univers imaginé par Frances Hardinge est d'une précision glaçante : les ciseaux et le coucou, les Adjacents, l'Architecte, Pie-Grièche et tous les autres forment une communauté de Petit Peuple bigarré, bizarre, inquiétant et le passage entre les mondes est digne d'un dessin d'Escher. de quoi vous faire tourner la tête et vous entraîner dans un Ailleurs, beau par son étrangeté et terrible par ses réalités! C'est donc une réelle réussite, un petit bonheur de lire cette langue poétique et douce qui parvient à faire surgir un univers entier par la force évocatrice des mots. Plus d'une fois, j'ai relu une description en me disant que telle ou telle formule était réellement belle, pas efficace ou précise, mais belle. Alors bien sûr, quelques expressions m'ont surprise, mais ce n'est pas ce qui m'est resté en tête lorsque j'ai fermé le roman, repue et contente.

Ainsi, j'ai adoré le Chant du Coucou : ce que je conserve de ce texte, c'est la beauté de la plume, la profondeur des personnages et la cavalcade enlevée et rythmée qui m'a emportée bien loin de la grisaille automnale.
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