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EAN : 9782367934914
400 pages
L’Atalante (20/04/2018)
3.78/5   69 notes
Résumé :
Ce qui bougea en premier, ce furent les yeux, les yeux superbes de verre gris-vert. Ils pivotèrent lentement pour se fixer sur le visage de Triss. Puis la petite bouche frémit, s'ouvrit pour parler. « Qu'est-ce que tu fais là ? Pour qui tu te prends ? C'est ma famille. »

Quand Triss se réveille à la suite d'une noyade dont elle a réchappé, elle comprend que quelque chose ne tourne pas rond : elle est prise de fringales incoercibles, elle se réveille ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (25) Voir plus Ajouter une critique
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Présenté en début d'année par les éditions L'Atalante comme leur plus gros coup de coeur de l'année, « Le chant du coucou » est le sixième roman de Frances Hardinge, auteur anglaise jusqu'à présent surtout connue pour ses ouvrages destinés à la jeunesse. Quant est-il avec ce nouveau roman à la couverture et au résumé assez énigmatiques ? Premier constat : si la protagoniste de ce one-shot est certes une enfant, le ton et les thématiques traitées par l'auteur ne laissent aucun doute quant au fait qu'elle s'adresse avant tout à un public adulte. le lecteur fait connaissance dès la première page avec une toute jeune fille nommée Triss, que ses parents voient revenir un soir complètement trempée (et du toute évidence traumatisée) après sa chute accidentelle dans la rivière du coin surnommée la Sinistre. le père comme la mère se plient aussitôt en quatre pour prendre soin de leur fille à la santé déjà fragile, mais sa soeur de huit ans, la petite Pen, réagit au retour de son aînée avec une étrange hostilité : « Elle fait semblant. Vous voyez pas ? Tout est faux ! Personne remarque la différence ? » Si Triss ne comprend pas le comportement de plus en plus terrifié de sa soeur, elle ne peut nier que tout lui semble différent depuis sa presque noyade. Il y a d'abord ses souvenirs qui lui jouent des tours : elle sait bien qui elle est et ce qu'elle a vécu auparavant, mais a en revanche totalement occulté les événements qui l'ont conduite dans l'eau. Il y a ensuite ces fringales incontrôlables qui la prennent d'un seul coup et lui font engloutir des montagnes de nourritures sans pourtant jamais lui faire prendre un gramme. Et puis il y a cette petite voix moqueuse qu'elle entend dans sa tête et qui décompte chaque matin les jours, à la manière d'une bombe à retardement.

Le terme n'est, il me semble, jamais employé dans le roman mais vient immédiatement à la bouche du lecteur, et ce des les premières pages : Frances Hardinge nous raconte une histoire de changelin, ces leurres laissés par les fées à la place d'un véritable enfant humain. Il s'agit là d'une légende qu'on trouve essentiellement dans les folklores scandinave, irlandais ou encore écossais, et dont on retrouve ici la plupart des caractéristiques, que ce soit en ce qui concerne la véritable nature du leurre, la cause de la substitution, ou encore les manières de les confondre et de s'en débarrasser. L'auteur s'est de toute évidence bien documentée sur le sujet qu'elle se réapproprie ici avec talent en réutilisant certes tous les éléments clés du mythe, tout en parvenant à se détacher du matériaux d'origine pour donner vie à une histoire complètement originale. le choix de situer l'action en Angleterre juste après la fin de la Première Guerre mondiale est notamment très judicieux et permet de renforcer l'étrangeté de la situation, la légende du changelin se rattachant davantage dans l'imaginaire collectif à un décor médiéval. Or c'est justement ce décalage, ce sentiment que quelque chose cloche sans qu'on puisse vraiment mettre le doigt dessus, qui fait toute la force de ce roman. Dès les premières pages, le lecteur se trouve ainsi totalement captivé par le mystère qui entoure le retour de la petite Triss et par les anomalies qui se multiplient autour d'elle. Frances Hardinge parvient à créer une atmosphère pesante qui, s'en aller jusqu'à tomber dans le récit purement horrifique, provoque à plusieurs reprises le malaise chez le lecteur, sensible non seulement aux bizarreries qui entourent la vie de cette famille mais aussi à la panique montante de l'héroïne qui ne comprend pas ce qu'il lui arrive.

Et en terme de bizarreries, on peut dire que l'auteur a fait preuve d'une sacrée imagination ! Si l'auteur réutilise pour cela un certain nombre de créatures issues d'un bestiaire empruntant à nouveau au folklore scandinave ou irlandais, ce sont ses propres inventions qui marquent surtout l'esprit du lecteur. le détournement réalisé ici des innovations technologiques en vogue au début du XXe siècle est notamment très ingénieux, qu'il s'agisse du téléphone, des moyens de transports, ou encore du cinéma, dont le décor donne lieu à une scène inoubliable. L'auteur tisse également une véritable aura de mystère autour de la famille de Triss, gangrenée par les non-dits et les secrets que chacun de ses membres gardent jalousement, tout en prenant bien garde à présenter au monde l'image d'une famille parfaite en tout point. Si l'atmosphère est incontestablement le plus gros points fort du roman, le second tient à ses personnages qui, bien qu'âgés d'une dizaine d'années seulement, font preuve d'une maturité et d'une lucidité à même de parler à un lectorat adulte. On se prend vite d'affection pour la petite Triss, dont on comprend la détresse tout en ne pouvant s'empêcher de redouter la véritable nature. Pen, sa petite soeur, est quant à elle un sacré phénomène qu'il est impossible de ne pas trouver sympathique, de même que Violet, la belle-fille écartée à la mort du fils aîné et qui se distingue par un caractère rebelle et une volonté d'émancipation très mal vue à l'époque. Les autres adultes du roman sont pour leur part tous beaucoup moins forts et entiers que leurs versions miniatures : tous cachent quelque chose, une faiblesse ou une douleur qui pourrit leur quotidien et les empêche de faire le bon choix.

C'est enchantée que je ressors de cette réécriture du mythe du changelin, transporté ici par l'auteur dans un contexte post Première Guerre mondiale. Frances Hardinge parvient à créer pour l'occasion une véritable atmosphère d'étrangeté, alimentée notamment par la confrontation entre un folklore plus volontiers médiéval et un décor moderne dont elle s'amuse à exploiter les innovations. L'auteur tisse aussi et surtout un très beau portrait de la relation que peuvent entretenir deux soeurs, relation dont elle parvient à saisir toute la complexité et la tendresse sans jamais tomber dans le mièvre ou le convenu. Une vraie réussite !
Lien : https://lebibliocosme.fr/201..
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Dans le chant du coucou, nous suivons la jeune Triss, une petite fille chroniquement malade, toujours couvée par ses parents, au coeur d'une petite ville d'Angleterre des années 20.
Triss se réveille un beau matin alitée et soigné par un médecin, avec aucun souvenir de qui elle est et de ce qui lui est arrivée. Alors qu'elle tente de remettre des noms sur des visages, des mots sur des lieux, on lui apprend qu'elle est tombée dans le Sinistre la nuit dernière, qu'elle a bien failli se noyer, et qu'elle est donc très souffrante. Effectivement Triss ne se souvient de rien de cette nuit-là, elle a du mal à retrouver ses propres souvenirs, et se surprend à avoir une faim dévorante qui lui fait régulièrement perdre la raison. Et comme si ce n'était pas assez suffisant, sa petite peste de soeur Penelope la traite comme si elle était un monstre.

C'est ainsi que commence le roman, avec cette question qui plane au-dessus de la tête de Triss : que s'est-il passé au Sinistre ? Que faisait-elle au bord du cours d'eau en pleine nuit, et est-elle tombée ou a-t-elle été poussée ?

Le choix du nom de la rivière choisie par Frances Hardinge n'est pas anodin, car depuis sa tombée dans le Sinistre, l'histoire de Triss va prendre un tour des plus sinistres.
L'auteure raconte l'histoire du point de vue de la jeune Teresa, laquelle est totalement perdue dans l'enchaînement des événements. Une amnésie partielle, des crises de somnambulisme et une faim de loup hors du commun, ces symptômes sont nouveaux pour Triss, qui a pourtant l'habitude d'être surprotégée par ses parents depuis les cinq dernières années, depuis que Sebastian, le grand frère, est mort à la guerre. Elle est devenue leur chose précieuse, leur toute petite fille fragile, et elle se complait dans ce rôle, alors que Pen se complait de son côté dans celui de la petite agitatrice, effrontée et fugueuse, à laquelle les parents n'accordent que très peu voire plus aucune attention.
Mais depuis sa sortie du Sinistre, Triss se comporte étrangement. Comme lui dit Pen, elle "fait tout de travers", et elle vit dans la terreur que ses parents s'en rendent compte et lui retirent l'amour inconditionnel qu'ils lui vouent.
Or ce n'est que le début des déconvenues pour Triss. S'ensuit une aventure hors du commun, ou des gens mangent des poupées, des acteurs de cinéma muet sortent de l'écran, des lettres fantomatiques se déposent dans des tiroirs, des univers s'ouvrent sous des ponts, et des flocons de neige tombent en été.
Ce qui était au début une sorte de roman familial se transforme en épopée fantastique aux tournures gothiques.

C'est drôle, avant de me mettre à écrire j'étais persuadée d'avoir préféré les deux derniers tiers du roman. Mais en écrivant ce résumé et ces quelques lignes, je me rends compte que j'ai finalement beaucoup aimé cette première partie axée sur la relation de Triss à ses parents et à son monde.
Triss est une petite fille sans perspective. Ses parents l'adorent, mais sa soeur la déteste et elle n'a aucun ami. Toujours souffreteuse, elle ne va pas à l'école, elle ne sort que très rarement du manoir, et elle n'a aucune expérience de la vie réelle, à part ce que lui en disent ses parents. Elle éprouve une profonde solitude, du fait qu'elle ne sort jamais, qu'elle n'a pas d'amis, et que même sa propre soeur ne souhaite pas trainer avec elle. Triss est une petite fille de onze ans qui n'a que sa famille au monde, qui ne connait rien d'autre, et dont la seule peur est de se voir ôter la seule chose qu'elle possède : l'amour de ses parents.
Pen, quant à elle, est tout l'inverse de Triss. Sauvage et entêtée, plein d'énergie et de fureur de vivre, elle passe sont temps à s'échapper, à se chamailler, à courir dans tous les sens à travers la ville pour mener sa propre vie. A neuf ans déjà, elle est considérée comme un cas désespéré par ses parents qui ne la comprennent pas. Ses fugues ne leur font plus peur, ils ne s'inquiètent plus réellement de son sort, ils s'inquiètent juste de leur autre fille, et cela meurtrit profondément Penelope.

Cette relation entre les membres de la famille est un aspect très important du roman. Leur dynamique est l'élément qui va pousser la vie de Triss par-dessus bord, et ainsi la vie de toute la famille Crescent.

Il est difficile d'en parler plus longuement sans dévoiler des événements majeurs de l'histoire. Alors je vais juste faire des allusions au reste du roman. Comme pour l'Île aux mensonges, Frances Hardinge mêle habilement le roman sociétal, familial et fantastique. Ici elle nous dépeint une ville anglaise de campagne, Ellchester, qui devient enfin un endroit important depuis que le père de Triss, Piers Crescent - architecte de génie - y a construit un incroyable pont et inaugure bientôt une nouvelle gare. La vie et le destin de la ville qui s'en sont trouvé modifiés. Elle va enfin apparaître sur les cartes et prendre une place sur le territoire. Grâce à ces réalisations, Piers Crescent a acquit une superbe renommée et encore plus de richesses.
A travers les relations de la famille, comme Violet Parish, l'ex-fiancée du pauvre Sebastian, elle décrit aussi la vie post-Première guerre mondiale, où les femmes s'émancipent - travaillent, fument, chevauchent des motocyclettes - et le jazz envahit les troquets. C'est le début d'une nouvelle ère pour l'Angleterre, une ère de changements indolente, construite sur le deuil et le doute.

Et au coeur de cette mise en scène d'une société en plein mouvement, Frances Hardinge innocule son fantastique, tiré de mythes et de légendes, tiré de l'invisible et de l'illusoire.
C'est un fantastique un peu déjà vu, mais corrigé à la sauce Hardinge et donc savoureusement original. Un envers du décor habité de peuples légendaires issus de contes primitifs, faits de terre et de feuilles, d'épines et de plumes.
Pour moi qui adore les saga familiales, les romans sociaux et les contes fantastiques, c'était un parfait mélange.

Du moment où l'imaginaire apparaît, le reste du récit se transforme en un roman d'aventure teinté d'absurde, d'étrangeté et de suspense. Je dois avouer que j'ai vraiment mis du temps avant de rentrer dedans, les cent premières pages me semblaient un peu laborieuses - je n'arrivais pas à voir où l'histoire s'en allait et tous les personnages me tapaient sur les nerfs, mais par la suite je me suis laissée emporter par l'univers rocambolesque et sombre de Frances Hardinge, et j'ai compris que l'attitude de la famille Crescent hérisse le poil sciemment, pour des raisons plus tard bien évidentes.

Encore une fois, Frances Hardinge a su me charmer avec son univers féerique vaporeux aux allures funèbres d'un bon Tim Burton. Frances Hardinge, c'est des larmes de toiles d'araignées, des créatures aux rires tempêtueux et des mystères ténébreux, mais c'est aussi des femmes et des jeunes filles qui s'affirment, des héroïnes au caractère bien trempé, modernes et délicieusement audacieuses. Tout ce que j'aime.
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J'ai fait une première erreur en pensant que ce récit était destiné à la jeunesse. Et j'ai cru ensuite que j'aurais à faire à une histoire un peu gore, un peu creepy, bien grinçante. En fait, le chant du coucou s'adresse résolument aux adultes que nous sommes, et reprend avec finesse et surtout avec beaucoup d'originalité le bestiaire féerique qui parlera aux amateurs de folklore celtique. Il replace avec brio certains de ces éléments à l'époque moderne, il redessine leurs particularités. Mais surtout, c'est un récit incroyablement riche et dense, avec des détails imprévisibles, un style soigné, une intrigue qui fait preuve d'ingéniosité et nous transporte d'un point à un autre avec énormément d'habilité.

L'histoire se situe peu de temps après la fin de la première guerre mondiale. Un jour, Triss tombe à l'eau, manquant se noyer... Lorsqu'elle revient, elle est différente. Quelque chose s'est produit, mais quoi ? de souvenirs confus en fringales incontrôlables, de changements physiques effrayants en hallucinations perturbantes, Triss croit peu à peu devenir folle. Et si c'était autre chose ? Et si elle n'était pas malade ? Triss va commencer à ressembler ses souvenirs et à chercher les causes de son accident. Elle va alors tout doucement lever le voile sur des choses étranges, des choses qui entourent le monde des vivants, mais demeurent cachées à leurs yeux. Et ce n'est pas la haine de sa petite soeur Pen qui risque de changer quoi que ce soit à sa solitude ou à son sentiment d'inconfort.

Que s'est-il passé au Sinistre ? Qui est l'Architecte ? Que cachent les attentions de M. Grace ? D'où proviennent les mystérieuses lettres qui s'accumulent dans la chambre de son défunt frère ?

Autant de pistes à découvrir, de mystères à révéler, qui sont liés les uns aux autres, chaque élément s'imbriquant à la perfection pour offrir un récit glaçant à l'atmosphère résolument oppressante.

Ce qui m'a frappée, c'est la finesse et l'originalité avec lesquelles le récit de Triss est mené. On passe de l'inquiétude au malaise sans jamais tomber véritablement dans l'horreur absolue, l'auteur préférant suggérer et faire marcher l'imagination du lecteur. Elle effleure au passage des thématiques importantes telles que le deuil, la vie après la guerre, l'émancipation féminine, l'arrivée du jazz dans une société encore très peu libérée...

La force de cette histoire, ce sont ses personnages incroyablement maîtrisés malgré leur jeune âge. J'ai beaucoup apprécié la manière dont la relation des deux soeurs est décrite : ce mélange de haine, de jalousie et de rivalité plus ou moins créé par le comportement extrême des parents. Il y a beaucoup de réalisme dans ces sentiments qui sonnent toujours justes.

L'autre point fort du récit, c'est la bizarrerie omniprésente. Dans la seconde partie du roman, les événements se succèdent sans temps mort et mènent lentement à un dénouement spectaculaire. Je salue au passage le talent de Frances Hardinges qui a choisi d'exploiter les outils de l'époque et d'utiliser les technologies du début du siècle à des fins malfaisantes. J'ai trouvé ça brillant.

C'est une réussite qui remet habilement au goût du jour les légendes anciennes et l'existence du Petit Peuple. Si vous aimez les univers féeriques ténébreux qui se rapportent à la terre, les créatures étranges, les atmosphères pesantes et sombres, les mystères et les récits énigmatiques, vous allez vous régaler.
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Un livre que j'étais impatiente de lire !
Lorsque Triss se réveille, ses parents lui apprennent qu'elle a échappée à une noyade et s'en est sortie miraculeusement. Tout semble aller pour le mieux. Sauf que... Elle a des trous noirs, elle a un appétit insatiable, elle retrouve des brindilles derrière elle, et sa petite soeur a peur d'elle. Peu à peu, Triss se compte que quelque chose est à l'oeuvre. Mais a-t-elle le courage d'aller voir dans les profondeurs de son être ?
Il y a vraiment tout ici pour me plaire : le chant du coucou se déroule cinq ans après la fin de la Première Guerre Mondiale, au sein d'une famille apparemement bien sous tout rapport, mais qui cache quelques petits secrets. le père de famille a fait fortune suite à ses travaux architecturaux, sa femme tient la maison et leur rang social. Pour ce qui est des enfants : leur fils aîné, Sebastian, est mort à la guerre. Ce qui conduit les parents à sur-protéger leurs deux filles, Triss (11 ans) et Pen (9 ans). Il y a donc une famille, qui apparaît comme étant de plus en plus complexe au fur et à mesure que l'intrigue avance, avec l'apparition de plus en plus marquée du fantastique et de l'horreur. Si je devais le mettre dans une case, ce serait dans la section « conte horrifique », je pense, et j'ai pensé à plusieurs reprises à l'univers de Neil Gaiman, rapprochant plusieurs fois le chant du coucou à L'Étrange Vie de Nobody Owens ou à Neverwhere. Pile-poil les univers que j'adore ! On retrouve un peu le London Below de Neil Gaiman avec cette plongée dans un monde que les humains ordinaires ne peuvent pas percevoir, ces « poches » fantastiques dans notre monde... le chant du coucou introduit donc tout un univers qui cohabite avec le nôtre, avec ses créatures et leurs propres cultures, que ce soit les Adjacents, l'Architecte, le Petit Peuple dans son ensemble, apportant une dose de mythologie très fournie, dense et magnifiquement décrite. On entre dans un univers à la fois familier mais malgré tout très différent, très dangereux, avec ses codes propres.

(Voir mon avis complet sur mon blog.)
Lien : https://chezlechatducheshire..
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Le chant du coucou est un des nombreux romans de Frances Hardinge, auteure que je découvre pour la première fois. Et j'ai…pris mon pied. Oui c'est sans doute l'expression qui convient. Et il va être très difficile de parler de ce roman sans trop en révéler.

Mon résumé

Quand Triss se réveille à l'hôpital des suites d'une noyade dont elle aurait réchappé, elle sait que quelque chose ne va pas. Oh tout semble être à sa place : ses parents sont aux petits soins pour elle, sa soeur la déteste, et elle se souvient d'à peu près tout ce qui s'est passé avant. Ça oui. Mais avoir une faim tellement épouvantable qu'elle vous fait manger comme quatre, que vous vous réveilliez avec des brindilles plein la tête, et que votre soeur ne vous déteste pas mais qu'elle aie PEUR de vous, là, il y a comme un petit quelque chose qui cloche.

Mon avis

Le chant du coucou est une superbe découverte dont je vais me souvenir longtemps. Il est imprégné désormais d'une sorte d'aura ténébreuse et innocente, d'horreur et de fascination, de tendresse et de dégoût. Curieux mélange n'est ce pas ? Sans doute parce qu'ici tout est un peu mélangé, mais chaque dosage effectué avec justesse, chaque scène parfaitement découpée, parfaitement équilibrée, chaque personnage longuement étudié.

Les personnages : véritable fresque arachnide

Triss a 11 ans. Elle a toujours été l'enfant choyée. Elle ne supportait pas quelque chose ? Elle devait être malade, il fallait la protéger. Elle aimait davantage une gouvernante qu'une autre ? Il fallait renvoyer la première de peur qu'elle vole aux parents l'amour que la petite fille leur portait. Si adorable. Si douce. Pas un mot de travers.
Tout le contraire de sa petite soeur Pen, 9 ans : curieuse, aventurière, casse-cou, bagarreuse, qui accumule bêtise sur bêtise dans le vain espoir qu'on la regarde un peu. Mais qui n'évoque pour ses parents que lassitude, regret. Alors Pen en a marre. Et quand on lui propose de passer un pacte avec le Diable, elle accepte sans hésiter, quitte à le regretter amèrement par la suite.

Ce qui est absolument remarquable dans ce roman c'est que chaque personnage fait partie d'une immense fresque, tous liés les uns aux autres par des souvenirs, des actes manqués ou des secrets.

Il y a les parents, Piers et Céleste Crescent, les coqueluches d'Elchester depuis que le père, ingénieur, a inventé de nombreux trésors architecturaux dans la ville, la rendant « visible » aux yeux du monde. Riches, beaux, instaurant des sourires de façade et des bonheurs factices, épuisant Triss à coup de maladies imaginaires, se lassant de Pen et de son inconformité.

Il y a Sébastian, le grand frère perdu à la grande guerre, que Triss n'est pas sûre d'aimer, mais qui possède son propre espace, une chambre laissée là, impeccable, exempte de tous défauts, sauf peut-être ces lettres qui arrivent chaque soir et dont Triss découvre l'existence par hasard. Toutes de son écriture, alors qu'il est mort, mort à 16h30 sous la neige.

Il y a Violet Parish, celle qui côtoie la vie mondaine avec son franc parlé et son faux accent anglais. Cette femme volcanique qui semble extorquer de l'argent aux Crescent mais que Pen connaît bien, qui l'entraîne dans un univers où tout est plus vif, plus vrai, plus réel. Violet, la fiancée de Sébastian qui partout où elle va sème un curieux hiver.

Et puis il y en a plein d'autres : Monsieur Grace, le couturier qui lui n'a pas peur de nourrir Triss de dizaines de beignets et de lui faire écouter du jazz, cette musique « populaire » ; l'Architecte, ce personnage effrayant revêtu d'un manteau gris qui le rend presque flou et qui semble passer des marchés à gogo. Et tant d'autres qui ça et là tissent une toile gigantesque dans laquelle les deux petites filles ont bien du mal à se débattre.

Parce qu'avant d'être une aventure effrayante et pleine de danger. C'est surtout une aventure humaine. Une histoire de jalousie, de peur, et d'amour. Une histoire de soeurs séparées d'un fossé immense, coupées l'une de l'autre par des parents trop présents. Une histoire de deuil que l'on refuse de faire quel qu'en soit le prix. Une histoire de famille avec ses parties déchirées, ses morceaux mal recollés.

Une ambiance sombre tel un conte macabre d'Edgar Allan Poe

Je donne d'emblée l'exemple d'Edgar Allan Poe, non pas pour la poésie même si le chant du coucou n'en est pas exempt, mais surtout pour l'ambiance de ses contes macabres. Nous ne sommes pas, ici, dans de l'horreur pure, de l'horreur gore, de celle qui fait hurler et se cacher sous sa couette. Mais dans ce genre d'histoire teintée de mystères sombres, de créatures effrayantes, et d'une certaine forme de magie. La tension monte petit à petit, lentement, puis de plus en plus vite, à mesure qu'un compte à rebours est lancé. 7 jours. Pourquoi ? Comment ? Nous l'ignorons dans un premier temps mais il est ici, jour après jour, de cette petite voix perfide qui lui fait le décompte, que Triss entend tous les matins sans parvenir à la saisir.

Et puis il y a la folie qui semble s'emparer d'elle, insidieuse et perfide. D'abord ce sont ses faims abominables qui lui feraient manger n'importe quoi, même des pommes pourries tombées de l'arbre. Ensuite ce sont ses réveils, la tête pleine de brindilles, le sol couvert de terre alors que la porte est restée fermée. Puis ce sont les poupées, qui dès qu'elle s'approche d'elles se mettent à bouger…

« La scène tenait du rêve, une scène absurde mais lourde d'un sens aussi inquiétant qu'insondable, quand le familier devient étranger. D'un coup le monde avait tout de la mauvaise maladie ».

Triss croit devenir folle. Mais, et s'il y avait une autre raison ? Une raison encore plus étrange et bizarre ? Une raison que seule Pen connaîtrait ? Une raison cruelle mais qui expliquerait tout ? Triss part en quête de vérité, en quête de l'impensable et de sa propre identité, seule contre toute une ville. Seule ? Pas tout à fait, mais ça ce sera à vous de le découvrir…

« Les feuilles dans mes cheveux, la boue par terre dans ma chambre – ce n'est pas moi qui les ai apportées du dehors. Et ce n'est pas Pen qui les a répandues.
Elles sont moi. »

Le mot de la fin

Le chant du coucou m'a absolument fascinée. Il m'a prise aux tripes. La tension était telle que je m'agrippais littéralement aux pages ! Et je sentais chaque mot gonfler et gonfler encore et encore, prendre toute la place à mesure que j'avançais dans l'histoire, à mesure que l'auteur semblait avoir planté ses griffes à l'intérieur de mon coeur.

À tous les fans de Poe, des contes horrifiques et des histoires brillamment menées, lisez-le !
Lien : https://lesdreamdreamdunebou..
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critiques presse (1)
Elbakin.net
11 mai 2018
C’est avant tout le caractère étrange et inquiétant de cette histoire qui s’impose à nous et le roman aurait à peu de choses près pu paraître dans une collection ouvertement Jeunesse.
Lire la critique sur le site : Elbakin.net
Citations et extraits (7) Voir plus Ajouter une citation
Nous vivions dans les régions reculées, au fond des forêts, dans les montagnes désolées, là où personne n'allait. Parce que personne ne connaissait ces pays. Des pays perdus. Qui ne figuraient sur aucune carte. Et... c'était ce qu'il nous fallait. Nous ne pouvons pas survivre là où règne la certitude, où tout est connu, cartographié, commenté, divisé en colonnes. La certitude nous empoisonne.
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Le rire lui échappa alors. Elle roula sur le plan de travail en riant avec les craquements et les convulsions d'une forêt dans la tourmente. Elle rit à en faire vibrer les fenêtres, frémir et se coucher les flammes dans la cheminée. Des mots lui sortirent d'entre les lèvres, mais ce n'étaient pas les siens, pas plus que n'était humaine la voix qui les prononçait.
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« Ils m’ont fait une drôle d’impression, mais… » Violet ne termina pas sa phrase, le front soucieux.
« C’est comme s’ils étaient habillés d’un mensonge qui ne leur va pas. » Trista s’efforça de se mettre les idées en ordre. « Ils l’ont mal boutonné, alors il est trop ample par endroits et il ne tient pas à d’autres. »
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La scène tenait du rêve, une scène absurde mais lourde d’un sens aussi inquiétant qu’insondable, quand le familier devient étranger. D’un coup le monde avait tout de la mauvaise maladie.
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Que deviennent les laissés-pour-compte? Sommes-nous comme des fruits qui pourrissent par terre quand le vent les a fait tomber de l'arbre?
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Libraire au Rayon Jeunesse, Jérémy vous présente trois idées de romans pour les jeunes lecteurs !
Voici les livres qu'il vous invite à découvrir :
À partir de 8 ans : "Les Lapins de la Couronne d'Angleterre" de Santa et Simon S. Montefiore, illustrations de Kate Hindley, aux éditions Little Urban : https://www.librairiedialogues.fr/livre/16845342-les-lapins-de-la-couronne-d-angleterre-le-complot-santa-montefiore-little-urban À partir de 10 ans : "N.É.O." de Michel Bussi, aux éditions Pocket Jeunesse : https://www.librairiedialogues.fr/livre/17421391-n-e-o-t1-la-chute-du-soleil-de-fer-michel-bussi-pocket-jeunesse À partir de 12 ans : "L'Île aux mensonges" de Frances Hardinge, aux éditions Folio Junior : https://www.librairiedialogues.fr/livre/16716722-l-ile-aux-mensonges-hardinge-frances-gallimard-jeunesse
Et pour nous suivre, c'est là : INSTA : https://www.instagram.com/librairiedialogues FACEBOOK : https://www.facebook.com/librairie.dialogues/ TWITTER : https://twitter.com/Dialogues
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