« Lorsqu'elle s'était approchée de lui près de la bibliothèque, il avait eu pour la première fois l'occasion de lui parler seul à seule. Elle releva le livre qu'il tenait entre ses mains, puis en lut le titre à l'envers. Elle sourit et cita Lorca : Quiero dormir el sueño de las manzanas, alejarme del tumulto de las cementerios… (Je désire dormir du sommeil des pommes, loin du tumulte des cimetières) »
Légendes d'automne,
Jim Harrison @jimharrisonauthor @editions1018 #paldautomne
Légendes d'automne, c'est ce film sublime avec Brad Pitt que l'on a tous déjà vu au moins une fois dans sa vie…
Mais c'est avant tout un recueil de trois novellas, une des plus belles oeuvres de Big Jim!
La première s'intitule Vengeance et le sujet dont elle traite semble assez limpide… mais au-delà de la vengeance en tant que telle il y a une histoire d'amour belle et sauvage qui voit le jour autour d'un livre… il y a le déchaînement des passions, la brutalité de l'homme, le déferlement de haine et ce qu'il engendre…
Et parfois, dans cette noirceur, un peu de beauté volée au temps qui passe!
La seconde a pour titre L'homme qui renonça à son nom, titre somme toute énigmatique et qui ne permet pas d'imaginer le fil du récit… un homme qui « décida qu'il avait envie, non pas de fuir le monde, mais de s'enfuir dans le monde : son existence n'avait rien de particulièrement détestable ni de répugnant, mais elle souffrait d'une certaine absence d'épaisseur et d'intensité; il craignait de se contenter de rêver sa vie jusqu'à sa mort, telle une modeste rivière qui traverse lentement un pré vers un grand fleuve situé juste derrière une haie d'arbres. »
Enfin, la troisième,
Légendes d'automne, ma préférée!
Dans celle-ci, on retrouve le talent de l'auteur dans toute sa splendeur!
Que dire? La beauté de la nature, les peuples autochtones, l'Histoire, des personnages sombres, torturés, l'implacable destin…
Il y a dans cette histoire une profondeur et une beauté philosophique peu communes!
« Il saisit la selle de Samuel comme s'il tenait la fatalité elle-même entre ses mains, la destinée occupant toujours les profondeurs les plus ténébreuses de l'âme féminine. Pandore, Méduse, les Bacchantes, les Furies sont certes des déesses qui transcendent la notion de sexe, mais femmes avant toute chose. À quoi bon tenter de raisonner avec la mort? Autant vouloir peser la terre ou le coeur de la beauté! »
Ce que j'aime dans ce texte c'est la sauvagerie humaine qui se mêle à la nature indomptée, c'est la fougue de Tristan qui s'exprime à travers des rites des peuples premiers comme à travers des actes que l'on peut juger insensés ou fous, c'est sa férocité rebelle, son insoumission qui nous galvanisent et nous émeuvent tout à la fois!
Tristan frappé par le sort, Tristan l'aventurier sauvage, celui qui est autant un enfant de la terre, élevé par Un-Coup, qu'un enfant blanc qui souhaite s'affranchir de la norme, du chemin tracé pour lui...
Tristan est comme Ulysse, il fait un long voyage...
« La vie de Tristan semblait se dérouler par périodes de sept années. Il devait maintenant connaître sept années de grâce, un moment de sa vie d'un bonheur si parfait que, bien des années plus tard, il s'en remémorerait tous les détails, reconstituant sans peine le livre des jours et revivant cette chronique sacrée avec une telle lenteur que chaque page en était tournée d'une main légèrement impatiente. »
... mais les Erinyes ne sont jamais loin! Et la fatalité s'acharne... inéluctable!
La plume de Big Jim atteint son apogée dans ce texte, d'une grâce et d'une splendeur infinies!
Une ode à l'Amérique authentique!