Un conte du passé, une chronique, une légende villageoise à laquelle se mêle le Petit Peuple, les esprits des campagnes.
" Il arrivait qu'un rejeton de ces esprits élémentaires fût " confié " aux soins des hommes, en remplacement dun bébé qu'on ne devait jamais revoir. La grand-mère y croyait, prétendant que, presque toujours, fous de douleur, les parents, qui n'avaient rien vu venir, jetaient au feu le misérable avorton...Cette croyance jadis populaire, ce mythe du " changelin " servit de fil conducteur au récit qui va suivre... " explique
René Hausman dans les quelques pages d'un prologue en art-book dans lequel il se remémore ces histoires - parfois à dormir debout, c'est vrai, mais que j'écoutais dans la pénombre des soirs anciens - qui ont nourris son imaginaire.
Un récit cruel, un univers d'un réalisme cru hanté par les créatures de féerie. le monstrueux de cette histoire ne vient pas des gnomes qui s'immiscent sur les pages mais bien de la misère humaine - misérable humanité -, sa brutalité, comme en témoigne la première scène, agressive, une scène de noces : la mariée est simplette mais pourra assurer une progéniture à la belle famille ayant du bien tout de même, le marié est une bête, un porc qui attise comme seul désir celui de l'égorger. le viol institutionnel. Raconté comme ça, avec cette rudesse rustique.
Et pourtant il se dégage une beauté de ce récit, une tristesse teintée de fatalité, une compassion, cette beauté que raconte déjà l'illustration de couverture. L'atmosphère de cet album m'a rappelé celle du roman de Philippe Claudel Les Âmes grises. Il y a des silences lourds et chagrins dans cet album, un merveilleux désenchanté à la palette sobre, des couleurs en camaïeux qui n'altèrent en rien la profondeur des planches fouillées et fournies aux tons de la terre relevés de touches lumineuses de vie et d'enfance. Certaines séquences disent tout d'un désarroi qui donne le frisson.
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