Stairway Anthology

Comme son titre l'indique, ce recueil est une anthologie de 10 récits courts. le recueil commence par une introduction de 2 pages, rédigée par Matt Hawkins. Il explique comment il en est venu à travailler dans le monde des comics, en partant d'une rencontre avec Rob Liefeld qui signait avec d'autres membres de l'éditeur Image Comics, au cours d'une convention. Quelques années plus tard, il est devenu le président de Top Cow, la branche d'Image détenue par Marc Silvestri, et un scénariste accompli, avec des séries comme The Tithe, Postal (avec Bryan Hill), Think Tank, Aphrodite IX, Swing, The Clock, etc. Il explique que cette anthologie a été rendue possible par un financement participatif, et que c'est une façon pour lui et pour les 3 autres responsables du projet (Henry Barajasn Ryan Cady Elena, Slacedo) de donner à leur tour leur chance à de nouveaux créateurs. Cette anthologie est indépendante de l'histoire appelée Stairway que Hawkins avait réalisé avec Raffaele Ienco en 2018. Ce tome se termine avec les 31 premières pages de Stairway.

AIN't us : 8 pages, par Christopher Preece, Balazs Valyogos, Tomi Varga. Quelques années dans le futur à New York, des drones sont chargés par une agence gouvernementale de piquer tous les animaux errants dans la ville. Ce jour-là, Willis emménage dans la ville, aidé par son père et sa mère, accompagnés par leur chien Racky, la soeur de Willis. Antartica : 6 pages, Simon Birks, Alberto JA, Chris Northrop. Hannah Curtis, ingénieure, arrive à la base de recherche Smith-Petersen, en Antarctique, en conduisant sa voiture. Elle est fraîchement accueillie par le responsable qui lui indique qu'elle est en retard. Il lui intime de revêtir sa tenue de travail car ils ont une intervention à effectuer immédiatement à l'extérieur. En réponse à sa question, il lui répond qu'elle n'a pas le temps de passer aux toilettes. Bee Afraid : 7 pages, par Octavio Karbank, Eva Cabrera, Kelly Fitzpatrick. Un jeune homme se dirige vers son appartement en portant son sac de commission. En s'avançant dans le couloir du hall d'entrée, il entend un grand bruit suspect. Il va jusqu'à son appartement et note une fissure dans le mur par laquelle il regarde et aperçoit un spectacle horrifiant à l'intérieur. Big guns, stupid rednecks : 7 pages, Austin Hamblin, Kurt Belcher, Donny Tran, Chris Nortrop. Clint, un policier est de retour dans sa ville natale, dans l'Amérique profonde. Il est à la recherche de son frère Clay. Il doit interroger des connaissances susceptibles de l'avoir croisé récemment, qui ne voient pas d'un bon oeil l'idée de s'adresser à un policier. Bounty : 6 pages, par Carlos Giffoni, Andrea Mutti, Pippa Bowland. Dans un futur lointain, Saul est un chasseur de primes. Il est en planque prêt à descendre sa cible à l'aide d'un fusil à longue portée, mais des chasseurs plus jeunes que lui font irruption sans finesse, et laissent fuir la cible.

Killshot : 6 pages, par Joseph A. Michael, Atilio Rojo. Dans une station spatiale, une équipe de chercheurs reçoit la confirmation que la race humaine vit ses dernières heures. Ils tentent le coup de la dernière chance : envoyer une balle d'arme à feu dans le passé pour tuer Adolf Hitler. Pinkerton : 10 pages, par Mark Schmidt, Donny Tran, Pippa Bowland. À l'été 1819, naît Allan Pinkerton à Glasgow en Écosse : le monde de la police s'en trouvera à jamais changé. Il développera les techniques modernes d'investigation et fondera la plus grande agence de détectives privés. Silence : 8 pages, par Omar Spahi, Livio Ramondelli, Peejay Catacutan. En 2073, 10 ans après la guerre mondiale M, la ville de Piano City est sous une bulle et ses habitants sont rationnés. Jenny prépare un maigre repas pour petit frère, elle-même jeunant. Puis elle sort pour essayer de trouver un peu de nourriture. Spirit of 666 : 6 pages, par Kevin Cuffe & Bob Frantz, Christian Dibari, Simon Gough. Les soldats se préparent à soutenir l'assaut du fort William et Mary dans le New Hampshire en 1776. Une armée de démons sort du bois et s'avancent vers les fortifications. Temporal Intelligence Agency : 6 pages, par Frank Martin & Atilio Rojo. Miss Wells et Mister Black sont dans le bureau d'un sénateur au Capitol pour demander une augmentation de budget de leur service. le sénateur refuse. Miss Black se rend aux toilettes.

Il faut un peu de temps au lecteur pour bien saisir le principe de cette anthologie. Il s'agit donc bien de 10 récits courts de 6 à 8 pages, tous indépendants les uns les autres, avec très peu de créateurs en commun, pour des histoires toutes originales, aucune ne se rattachant à une série déjà continue que ce soit pour la continuer ou comme histoire dérivée, ou s'inscrivant dans un univers partagé. La première histoire déconcerte fortement car elle donne l'impression de s'arrêter alors qu'elle commence vraiment. La seconde fonctionne également comme un prologue alléchant, et s'arrête encore plus brutalement. Il en va de même pour toutes les autres. le lecteur se gratte la tête, il vérifie : il n'y a vraiment aucune annonce de série continue ou d'histoire poursuivant celles-ci. Les auteurs sont quasiment tous inconnus, à parti Atilio Rojo qui a déjà illustré des miniséries Top Cow, et Andrea Mutti qui a réalisé de nombreuses séries avec différents scénaristes, publiées par Image Comics. Donc il s'agit bien d'une anthologie de type galop d'essai : des créateurs débutants réalisent des histoires courtes qui seront majoritairement sans lendemain. En tout cas il n'y a nulle promesse qu'il y ait une suite pour aucun de ces récits.

Une fois qu'il a capté le principe, le lecteur se dit qu'il faut donc qu'il prenne chaque nouvelle en l'état et qu'il se demande s'il y trouve un quelconque intérêt dans un format aussi court, avec un parti pris de réaliser ce qui s'apparente à des amorces de récit, destinées à ne jamais être développées ou complétées. du coup, il se focalise plus les concepts installés, et parfois sur les personnages, plus rarement sur l'intrigue proprement dite car il ne s'agit pas d'histoires à chute. Les scénaristes font preuve d'une bonne dose d'inventivité, aucun récit ne ressemblant à un autre. Certains reprennent des concepts assez classiques : des démons envahissant la réalité à partir d'un appartement banal, des chasseurs de primes, un policier devant aider son frère de l'autre côté de la loi, assassiner Hitler grâce au voyage temporel, se retrouver malgré soi impliqué dans un réseau de résistants, lutter contre une horde de démons au dix-huitième siècle. Quelques histoires sortent du lot par une idée plus originale : des drones neutralisant les animaux sans maître dans la mégapole, une agence gouvernementale de voyage temporel à la recherche d'une rallonge de budgets, la première affaire d'Allan Pinkerton. Cette dernière histoire est certainement la plus grosse surprise, puisqu'elle relate un fait historique, par comparaison avec toutes les autres qui ne sont que pure fiction. Certains scénaristes intègrent un peu d'humour comme ce pauvre jeune homme allant chercher une épée et une armure dans une convention de geeks, ou la jeune scientifique qui ne se laisse pas impressionner en Antarctique, ou encore les méthodes de l'agence de voyage dans le temps.

Le lecteur prend donc finalement plus de plaisir qu'il ne pensait à découvrir ces petits bouts d'histoires hétéroclites. Il peut partir avec l'idée préconçue que la partie graphique va pécher par amateurisme. La première histoire le détrompe d'entrée de jeu avec des dessins très soignés dans un registre réaliste, et une mise en couleurs très professionnelle. Soit l'artiste dispose déjà d'un niveau professionnel, soit le fait de ne dessiner que six pages lui a permis de passer le temps nécessaire à peaufiner chaque page, chaque case. La deuxième histoire passe à des dessins plus classiques, avec un trait de contour bien encré, et la narration visuelle est tout autant professionnelle, même si un peu moins sophistiquée dans les dessins que la première. Pour la troisième, le dessinateur adopte un ton plus comique, avec une approche moins détaillée, mais entièrement adaptée à la nature du récit. À ce point-là de l'anthologie, le lecteur a perdu tous ses a priori négatifs et accueille chaque nouvelle histoire avec une réelle curiosité. Dans l'histoire suivante, la représentation d'un patelin de ploucs rend très bien une atmosphère de série B. Les dessins de l'histoire du chasseur de primes sont rugueux à souhait, pour rendre compte de la dureté de ce type de vie, et de l'environnement dans lequel elle se déroule. L'assassinat du Führer bénéficie de dessins très léchés, avec une mise en couleurs sophistiquée, le tout plongeant le lecteur dans un monde de science-fiction consistant et un peu angoissant. Impossible de résister à la tension de la traque organisée par Pinkerton dans les bois aux alentours de Chicago. le monde après la guerre mondiale M baigne également dans des décors futuristes convaincants. le passage dans un fort éloigné de tout en 1776 propose des dessins plus frustes, mais assez rugueux pour montrer la violence du conflit. Atilio Rojo est en pleine forme pour le dernier récit, dans un registre réaliste et détaillé du plus bel effet, une dernière histoire complète, amusante et très jolie à regarder.

L'expérience montre que les comics servant de tremplin à de nouveaux créateurs manquent souvent de professionnalisme et de rigueur, surtout sur le plan visuel. Rien de tout ça ici : chaque dessinateur impressionne par ses compétences, avec la majeure partie des récits bénéficiant de planches magnifiques. Dans un premier temps, le lecteur se retrouve décontenancé par le parti pris d'histoires s'apparentant plus à des prologues qu'à des nouvelles. Une fois passé ce moment de surprise, il prend plaisir à ces courts chapitres, savourant l'inventivité des créateurs, et regrettant la plupart du temps qu'elles ne déboucheront pas sur une minisérie en bonne et due forme, voire sur une série pour une ou deux d'entre elles.