Prendre de la hauteur
On rentre dans ce très beau roman par la porte de la poésie, celle de
Baudelaire, un
Baudelaire animé par le Spleen, ce mal de vivre profond qu'on peut trainer en soi, inexorablement.
Alma et Vadim ne se connaissent pas et pourtant ils sont mus l'un comme l'autre par cette même souffrance mélancolique.
Vadim est le plus touchant et le plus mordant des deux. Un adolescent à la dérive, noyant son chagrin dans les bières rachetées au SDF du coin, cherchant à fuir le monde, fuir ses mauvaises pensées, fuir son corps et retrouver le chemin de ceux qui ne sont plus auprès de lui- Vadim a besoin de ses fantômes-"sans eux, je suis pire que seul". Alors il boit parfois sur le toit de leurs rendez-vous. Son état est un désastre, il est au bord du précipice de sa vie- jusqu'à la chute...
Alma, sa plaie ouverte à elle, c'est Ben. Quand le lecteur la rencontre elle a le coeur et l'esprit en plein chaos, sans dessus dessous. Elle, c'est l'amour qui lui fait mal. Elle y croit encore, comme une désespérée, incapable de passer à autre chose. Elle ne lutte plus contre Ben, asservie à une relation chimérique: "Moitié de femmes, moitié d'amante, moitié de rien". Alors que Vadim boit et joue au bord du ciel avec le vide, Alma, elle, elle court, beaucoup, jusqu'à s'en faire mal pour sentir son corps et se donner l'illusion qu'elle est encore là.
Sophie Henrionnet nous raconte avec vivacité et sensibilité deux histoires croisées, deux solitudes perdues dans une recherche inconsolable de l'Idéal, mais épuisés, ils n'y croient plus vraiment, victimes d'un Spleen qui s'accroche à eux. Or, depuis "les balcons du ciel" leurs destins vont s'unir...
Deux très beaux personnages qu'on a envie d'aider, de réconforter, de guider, mais qui finalement nous apprendront qu'ils ont surtout besoin de l'un et de l'autre, pour enfin voir plus loin...
C'est doux, triste et parsemé d'humour à la fois. Une lecture bien agréable que je vous conseille.