Politique et manigances dans la Co-sentience
Après un lien très abstrait, néanmoins passionnant, entre la Calibane Fanny Mae et McKie dans L'Étoile et le fouet, on aborde ici une intrigue plus concrète. Je ne dirais pas que ce dernier volet m'a plus emporté que le précédent, mais il est plus riche, plus varié dans ses dimensions humaines et, comme toujours, la plume d'Herbert est savoureuse.
Dosadi est l'exemple même que le plus gros savoir-faire d'un auteur peut devenir un défaut pesant. Franky excelle dans la dimension psychologique ; rares sont les romanciers à connaître et révéler l'esprit humain avec autant de clarté. Toutefois, dans ce roman, il en abuse clairement. Alors que les cycle Dune et du Programme Conscience réalisent un bel équilibre entre tergiversations mentales et action, Dosadi manque de rythme. Pour la première fois avec mon deuxième auteur préféré (il le reste toujours hein), plusieurs séquences de dialogue et d'analyse stratégique m'ont lassé.
Il vous faudra aussi accepter l'originalité et le parti pris d'Herbert d'imaginer une espèce et une société gowachin basées sur un système judiciaire radicalement différent du nôtre et érigé au rang de culte. J'avoue que par moments je n'ai pas tout saisi.
De plus, la nature de la mission de McKie, les manipulations de ses commanditaires, les ramifications, changements de camp, alliances et résignations paraissent quelque peu abscons. Bref, j'ai préféré me laisser porter plutôt que de me triturer les méninges. J'en garde le sentiment que le plan de l'auteur – probablement très clair pour lui – est accepté par ses personnages un peu trop facilement ; certains concepts ou retournements auraient mérité quelques pages de débat (ouais, je sais, j'ai écrit qu'il y avait déjà trop de blabla, mais pour le coup, là, il aurait été plus utile).
Hormis ces petits points noirs, ce roman est très chouette. L'originalité de l'expérience Dosadi – bien que l'on comprenne davantage le crime humain qu'elle représente que son réel objet – nous transporte dans un autre lieu, avec d'autres paysages, d'autres moeurs. Les belligérants sont tous très attachants par leur engagement et leur détermination dans leurs ambitions respectives. Ni méchants ni gentils ici, comme souvent avec Herbert. La nécessaire survie, la souffrance, les jeux de pouvoir… Chaque protagoniste tient son rôle et nous embarque.
Les caractéristiques physiques des différentes espèces présentées se greffent et complètent tout naturellement un tableau aux enjeux multiples, à l'instar des considérations extradimensionnelles amenées par les Taprisiotes, les Calibans, ainsi que par une surprise que l'auteur a su exploiter à merveille.
La relation entre le saboteur/enquêteur/juriste McKie et Jedrik, grain de sable dans le projet Dosadi, évolue avec une évidence si fluide qu'elle frise la résignation de la part du saboteur. Un lien se tisse, jusqu'à l'intimité absolue et le point de non-retour. Les relations humaines, limpides, constituent le point d'orgue de ce livre. L'auteur déverse là tout son talent.
Plusieurs questions restent en suspens. Malgré cela,
Frank Herbert nous propose une fois de plus une aventure totalement dépaysante et immersive. Par ordre de préférence, je placerai ce cycle bien après Dune et le Programme Conscience, mais il n'en reste pas moins bourré de qualités, à commencer par le style impeccable du Maître.
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