Album incontournable des aventures de Tintin, essentiel dans la vie d'
Hergé.
Au retour, ni
Hergé ni Tintin ne seront plus les mêmes.
Hergé connait des moments difficiles dans sa vie personnelle.
Pourtant en liaison avec Fanny, il n'ose rompre avec Germaine, sa première femme, car cette rupture est impensable notamment du fait de ses valeurs et principes chrétiens.
Depuis quelque temps, il nourrit un remord relatif à l'abandon de cette amitié avec Tchang, laquelle a été à la fois si forte et si fondatrice pour l'oeuvre de Tintin.
Alors qu'il avait entrepris cet album, on lui avait conseillé de tout arrêter, séance tenante.
Cet album est pour
Hergé l'album du renouveau, l'album des réponses, l'album thérapeutique, l'album du pardon à soi-même, l'album de la recherche de la pureté, de l'amitié retrouvée.
Hergé règle le compte à ses démons qui l'empêchent de vivre, de créer.
C'est le dernier départ volontaire de Tintin. Plus jamais, il ne partira à l'aventure. Tintin sera passif : Les Bijoux se passent exclusivement à Moulinsart ; dans 714, Tintin accompagne Tournesol invité à un colloque en Australie ; dans Picaros, Tintin, ne voulant tomber dans le piège tendu par Tapioca, refuse de voler au secours de la Castafiore. Certes, finira-t-il tardivement par y aller par solidarité avec Haddock, mais sans entrain.
Revenons au Tibet, Tintin prend des vacances. Tiens ! c'est la première fois que nous le voyons dans cette situation cocasse. Il y apprend la nouvelle d'une
catastrophe aérienne dans l'Himalaya. Il fait un rêve (« un horrible cauchemar » plus exactement) dans lequel il voit son ancien ami (vieux de de quatorze albums, une amitié vieille de 24 ans !) victime de la
catastrophe aérienne. Une lettre de Tchang crédibilise l'hypothèse que celui-ci pouvait être un des passagers. Un second article de journal confirme sa présence sur ce maudit vol. Les journaux pensent qu'il n'y a vraisemblablement aucun rescapé, car personne ne peut survivre à une telle
catastrophe.
Contre toute logique, contre l'hostilité de l'Himalaya, contre tout le monde (Haddock, mais aussi les sherpas les plus expérimentés, un moment contre lui-même) Tintin va rechercher Tchang dont l'avion qui l'amenait à Londres s'est écrasé le massif de Gosaintham ou Shishapangam à 7.900 mètres d'altitude.
Tintin est mû par une force intérieure inouïe, qu'importe sa vie, seule celle de Tchang compte. Il acceptera d'être abandonné par les siens, même Haddock au grand coeur sera sur le point de le quitter. Sa détermination est toujours mise à l'épreuve. Tintin et Haddock, mais aussi Milou (pardonne-moi) feront une rencontre essentielle : des lamas, des bouddhistes dans un monastère perché dans les montagnes.
Dans cette histoire tragique, où la famille se résume au plus petit noyau : Tintin, Milou, Haddock (on peut légitimement exclure Tournesol dont la présence au tout début n'est qu'anecdotique) et bien sûr Tchang. Il est à noter qu'on ne voit ce dernier que dans seulement deux albums très distants l'un de l'autre, et que, par deux fois, c'est Tintin qui sauve son ami d'une
catastrophe. Mais au Tibet Tintin sauve Tchang pour sauver
Hergé.
Rarement Tintin et
Hergé ont été aussi fusionnels.
Est-il besoin de dire que le dessin d'
Hergé a atteint son apogée. Les montagnes sont sublimes.
Heureusement, Haddock est toujours présent, car il permet, par ses fameuses indélicatesses, de détendre les nombreuses tensions tout au long de l'aventure. Ses jurons se font plus rares.
C'est par excellence, l'album de l'amitié, l'amitié jusqu'à l'acceptation du risque ultime.
Certes, l'amitié entre Tintin et Tchang, mais aussi celle entre Tintin et Haddock. Jamais cette dernière n'a été autant éprouvée ni démontrée.
Est-il besoin de vous en conseiller la lecture ? Celle-ci doit être lente, patiente, curieuse, tellement l'album est riche.