Bien que je n'aime pas
Stephen King, j'ai toujours été curieuse de découvrir la prose de son fiston, et ''
L'homme-feu'' me faisait de l'oeil depuis pas mal de temps. le pitch est très intriguant, les idées ont l'air hallucinantes, et c'est donc parti ! L'histoire suit Harper, une jeune infirmière grande amatrice de livres et films pour enfants, qui tâche de survivre dans un monde ravagé. Depuis quelques mois, une nouvelle maladie est apparue, l'Écaille du Dragon, et ses effets sont assez horribles puisque l'infecté voit sa peau se couvrir de tatouages avant de subitement brûler vif, seul ou en entraînant beaucoup d'autres personnes dans la mort...
Sur la forme, j'ai apprécié le style de Joe Hill, que je trouve beaucoup plus agréable que celui de King. Malgré un léger abus de phrases non verbales (ce qui est d'ailleurs amusant parce qu'en France, les maisons d'éditions les traquent sans aucune pitié), le style est agréable et fluide. Par contre, le fils a emprunté une très mauvaise habitude de son père : spoiler la suite à la fin de ses chapitres, et c'est vraiment quelque chose qui m'agace. Franchement, je ne vois pas l'intérêt de m'annoncer que ''holalala, lui il va mourir !'' ou encore ''mais ils ne se revirent jamais !'', ça flingue le suspens et ça n'a aucun intérêt.
Sur le fond, on se retrouve face à un nouveau roman traitant d'apocalypse via virus, mais la maladie proposée change vraiment de ce qu'on voit en général, et j'ai trouvé que l'utilisation du feu était très intéressante. Malheureusement, j'ai trouvé que cette Écaille était assez mal utilisée. le feu est l'une des principales peur qui existe chez absolument tous les animaux, humains compris, c'est une terreur atavique qui pousse à la fuite sans pouvoir se contrôler. Je m'attendais donc à trouver des personnages marqués par cette peur (surtout que la maladie n'est apparue qu'il y a quelques mois, il n'y a donc pas encore d'habitude) mais non. Pas d'angoisse viscérale et vicieuse qui se glisserait dans les chambres et les couloirs, ni parmi les personnes saines ni parmi les malades. Ces derniers n'expriment pas vraiment de peur, ils semblent juste attendre (mention spéciale à Renée qui, sur le point d'exploser, sort tranquillou avec son pot de fleur), et j'ai trouvé ça assez improbable.
De plus, l'auteur a essayé d'amener des justifications et des explications à cette spore, mais j'ai trouvé ça un peu bancal. le passage sur ''le gouvernement sait comme ça se transmet mais ne dit rien'' m'a également fait lever les yeux au ciel, de même que la congrégation religieuse qui sait comment maîtriser l'Écaille mais décide de ne le dire à personne. Difficile de trouver des justifications à des gens qui gardent pour eux deux informations aussi vitales pour l'humanité.
Enfin, je n'ai pas vraiment apprécié le développement qui se fait autour de la spore
en ce qui concerne ses pouvoirs. Ceux-ci sont totalement cheatés, au point que l'auteur doit en coller plein à tronche à John pour qu'il soit dans les vapes et ne torchent donc pas l'histoire en 10 pages. le gamin aussi est assez incohérent : pendant les trois quarts du bouquin, il n'utilise pas ce super pouvoir parce qu'il est traumatisé par la mort de sa mère... et puis pouf magie, il s'en sert hyper souvent, mais chaque fois pour des utilisations anodines, histoire là aussi de ne pas torcher trop vite l'histoire. Sans oublier Harper, qui apprend super vite....
Côté personnages, ils sont très stéréotypés et aucun ne m'a vraiment marquée. Harper est agaçante au possible, ses constantes mentions à
Mary Poppins et autres livres/films pour enfants deviennent lassantes au bout d'un moment, et ce n'est que l'un de ses nombreux défauts. Harper est une véritable adulescente, elle se comporte littéralement comme une gamine : elle ment, n'en fait qu'à sa tête, se fout des règles, se fout de blesser les autres... Elle est immature, irréfléchie et irresponsable. le passage de l'expédition à sa maison m'a donné des envies de meurtres :
elle ment à Allie, la met délibérément dans la mouise, part chez elle seule, sans personne, alors qu'elle est enceinte, puis revient et cache une partie de son ravitaillement à la communauté. Lorsqu'on lui demande de prendre un caillou dans sa bouche pour faire pénitence, elle refuse absolument, préférant que Allie endosse sa punition, et elle refuse obstinément de comprendre que si elle avait été capturée (ce qui a bien failli être le cas), les miliciens l'auraient très facilement forcée à parler (ne serait-ce qu'en menaçant son bébé) et qu'elle aurait provoqué la mort de toute la communauté. Pire, elle osera cracher à la tronche d'Allie ! Mais Harper est la gentille héroïne, donc malgré tout ce qu'elle a pris dans la tronche, c'est Allie, pourtant victime du comportement de Harper, qui viendra lui présenter des excuses. Pour moi, Harper n'est pas une héroïne, et c'est là que je m'interroge : l'auteur voulait-il délibérément nous présenter une héroïne assez ''toxique'', ou alors s'est-il laissé emporter dans les clichés sans s'en rendre compte ? Quoi qu'il en soit, je n'ai pas du tout aimé ce personnage.
Dans la même lignée, j'ai aussi eu du mal avec Renée, qui est juste l'incarnation de la sagesse et de la gentillesse. D'une manière globale, les personnages sont très manichéens - soit très gentils soit très méchants - et ça les rend inintéressants. Pire, ça décrédibilise certains moments du bouquins,
comme le moment où le camp est attaqué et que les gens se réfugient dans l'église : tous les pro-Carol brûlent et meurent, tous les pro-Harper survivent. Et concernant les pro-Harper anonymes, on a l'impression qu'ils n'existent même pas, ce sont des personnages qui n'apparaissent même pas..
Côté survie, celle-ci passe totalement à l'as. Lorsque le camp manque de nourriture et de médicament, rien n'est fait. Celui-ci se situe pourtant tout près de la ville, et pourtant personne n'a l'idée d'aller piller une des nombreuses maisons abandonnées (sauf la géniale Harper, bien sûr), c'est totalement incohérent. Et chaque fois que nos héros changent d'endroit, il y a de la nourriture et de l'eau comme par magie (par exemple à la fin, où la chute était tellement évidente que je l'ai trouvé abusée).
Dans la même lignée, beaucoup de problèmes sont gommés. Harper vit ainsi sa grossesse sans aucune douleur, aucune nausée, sans rien du tout. A huit/neuf mois, elle est toujours capable de marcher pendant des heures, sans un soleil qui cogne fort, et de crapahuter partout.
Autre problème du livre : celui-ci ne creuse jamais ses idées, ce qui donne le sentiment d'un énorme gâchis. Au début par exemple, on apprend que Harper et Jakob ont fait un pacte de suicide au cas où l'un d'eux/les deux seraient contaminés, et j'ai trouvé cette idée vraiment intéressante.
Après tout, brûler vif est une peur atavique, et il parait naturel de vouloir mourir de manière moins douloureuse et horrible,
après un verre de vin et une bonne soirée en amoureux. Malheureusement, cette idée est traitée avec un manque total de subtilité : Harper joue les mères courage qui veut à tout prix donner naissance à son enfant (le livre loupant là encore une question à se poser : est-il vraiment raisonnable de vouloir enfanter dans une telle situation ?) et Jakob devient un fou violent, sexiste et qui veut juste massacrer sa femme. Ce revirement dans son caractère relève du n'importe quoi, et ça en fait un méchant qui manque totalement de consistance.
La congrégation religieuse aussi manque de consistance d'ailleurs : l'idée est bonne, mais le revirement qui s'opère durant le bouquin est à peine abordé, tout ça est beaucoup trop survolé. Pourtant, le thème de la foi et de ses dérives est intéressant, mais là tout s'opère sans subtilité. Mère Carol devient une dictatrice d'un coup de baguette magique, et la congrégation devient méchante (mais alors gentiment méchante, parce qu'on est bien loin d'une ambiance oppressante comme celle qui entoure l'ordre religieux de Silent Hill par exemple).
Au final, je trouve ça assez frustrant qu'un bouquin de quasiment 1000 pages (j'ai la version poche) puisse être aussi long tout en oubliant de traiter et d'approfondir ses sujets principaux. A la place,
Joe Hill nous perd dans des sous-intrigues sans intérêt (qui est le voleur ? Qui est l'agresseur ?), et dont les révélations sont capillotractées et sans intérêt également. A la place de nous sortir ces très longs passages, l'auteur aurait mieux fait d'explorer la psychologie de ses personnages, de nous présenter leurs doutes, leurs peurs, leurs faiblesses... de même, je n'ai pas apprécié cette fin, que j'ai senti arriver de très loin et qui devenait de plus en plus évidente au fil des chapitres..
En bref, de bonnes idées mais qui ne sont pas assez exploitées et qui manquent de subtilité. le bouquin reste agréable à lire malgré des longueurs, mais quel dommage de passer à côté de bonnes idées comme celles-là.