« Bonjour les Babélionautes ! Aujourd'hui, je vais vous parler de
L'homme feu, signé
Joe Hill.
Or donc, une mystérieuse spore décime l'humanité : les contaminés développent de splendides marques noires pailletées d'or sur la peau, puis meurent en brûlant vifs. Harper, jeune infirmière dévouée, contracte à son tour la maladie et tombe enceinte aussi. Son époux change complètement de comportement… Harper prend la route, décidée à mettre au monde son enfant coûte que coûte.
-Donc, c'est la fin du monde ?
-Oui, on peut le dire.
-J'ai pas envie de lire ça ! J'veux pas voir comment les gens meurent, et comment les villes sont détruites, et comment il n'y a plus d'espoir… j'parie que la narration va me faire pleurer sur tout ce qu'on perd !
-Hé bien non, détrompe-toi. La narration est étrangement calme. Certes, l'horreur est perceptible, on parle de gens qui meurent en brûlant, tout de même ; mais l'auteur adopte un style calme, apaisé, poétique parfois.
D'ailleurs, je trouve qu'il a saisi à merveille l'ambivalence du feu : fascinant et horrifiant à la fois. Un spectacle horrible et merveilleux en même temps.
-C'est quand même l'arnaque, le titre et la couv'… moi, je m'attendais à une route-voyage* et à un récit initiatique !
-Hem… en effet, or l'héroïne va chercher un abri pour se protéger jusqu'à la naissance de son enfant. Tu parlais plus haut du récit de la destruction d'un monde, c'en est le sujet, oui, mais à vrai dire, le véritable sujet serait plutôt « comment les humains réagissent en cas de danger réel ou supposé ».
-Et comment ils réagissent ?
-Ils se divisent en groupes qui vont s'affronter, tous convaincus de faire le bien. J'ai trouvé le travail sur lesdits groupes très intéressants : ils paraissent vouloir le bien de l'humanité, protéger leurs proches, et se permettent les pires exactions pour parvenir à leurs fins.
D'un côté comme de l'autre, pas de liberté et pas de respect pour autrui : uniquement des agissements égoïstes. Il paraît que la série Walking Dead fonctionne comme cela elle aussi : elle ne met pas l'accent sur l'horreur, mais reste axée sur les mécanismes de survie des groupes.
-Il y a un truc qui m'a bien énervée ! le narrateur, il n'arrête pas de spoiler !
-Ah ? Moi, ça m'a amusée, au contraire : vu le poids de la bête (un peu plus de 600 pages…), ça me faisait bien plaisir qu'il m'annonce ce qui allait arriver. Il m'aidait à patienter jusque-là. Et puis toutes ses allusions ou citations d'oeuvre m'ont aidée à ne pas décrocher et à me sentir proche des persos : nous évoluons dans le même univers.
-Et puis, c'est pas plausible, Déidamie ! Je trouve les personnages un peu trop en forme après des mois et des mois de privation !
-Oui. Là-dessus, j'avais de gros doutes aussi. En revanche, j'ai adoré le traitement des caractères. Ils paraissent… tellement vrais. La romance en revanche me laisse un peu perplexe, mais pourquoi pas…
-Ben, qu'est-ce qui te pose problème ? Ils se rencontrent, se plaisent, tombent amoureux et puis voilà ! En plus, j'adore comme ils se taquinent sans cesse ! C'est pas gnan-gnan, les échanges sont pêchus…
-Oui, d'accord, mais selon l'histoire de l'un des deux, cet amour me paraît venir trop tôt.
-Et puis, c'est trop long.
-Oui. Je suis d'accord. Il y a toute une partie que je trouve longuette, mais on ne peut pas dire laquelle.
-Et ce qui est super, c'est l'absence de sordide !
-Oui, c'est vrai.
Joe Hill m'a permis de comprendre pourquoi je n'aimais pas les quelques oeuvres de
Stephen King que j'ai lues : je trouve qu'elles ne cessent de surenchérir les horreurs et le texte me devient vite insupportable.
Le texte de son fils reste au contraire soutenable, mesuré en quelque sorte, il reste dans ce que je peux tolérer comme souffrance.
Quand j'ai terminé ce livre, je n'ai pas pu m'empêcher de faire le parallèle entre ce récit et la pandémie de VIH.
-Tu exagères, Déidamie. Ces maladies ne sont pas comparables !
-Non, en effet, mais la pandémie a donné l'occasion de voter des mesures absurdes pour isoler les malades ou les contraindre à déclarer leur sérologie. Certains pays sont toujours interdits aux séropos. Dans la vie quotidienne, déclarer qu'on porte le virus expose à l'exclusion, et ce, même si on ne présente aucun danger.
Je me dis que si on avait pu les isoler complètement et les déshumaniser dans les années 1980 comme dans ce roman, on l'aurait fait.
Quoi qu'il en soit, le roman ne décrit pas seulement ce qu'on peut commettre de dégueulasse. Il offre aussi de belles notes d'espoir et rend hommage à la volonté de vivre quelles que soient les difficultés.
*Road-trip.