Une vie bouleversée de Etty Hillesum
Les pires souffrances de l’homme sont celles qu’il redoute, car le grand obstacle c’est toujours la représentation et non la réalité. La réalité on la prend en charge avec toute la souffrance, toutes les difficultés qui s’y attachent – on la prend en charge, on la hisse sur ses épaules et c’est en la portant que l’on accroît son endurance
A chaque instant de sa vie il faut être prêt à une révision déchirante et à un nouveau départ dans un cadre entièrement différent.
je parviens à maintenir ma sincérité, ma disponibilité et la volonté d'être ce que je dois être et de faire ce que ma conscience me dicte en une époque comme celle-ci, alors tout rentrera dans l'ordre. Je crois que la vie m'impose de hautes exigences et a de grands projets pour moi, à condition que je ne me ferme pas à ma voix intérieure, que je lui obéisse, que je reste sincère et disponible, sans vouloir rejeter non plus mes sentiments.
12-10-42. Toutes mes impressions sont là, comme des étoiles scintillant sur le velours sombre de ma mémoire.
L’âge de l’état civil n’est pas celui de l’âme. Je pense qu’à la naissance, l’âme a déjà atteint un certain âge qui ne change plus désormais. On peut naître avec une âme de douze ans. Mais on peut naître aussi avec une âme de mille ans, il y a parfois des enfants de douze ans chez qui l’on voit très bien que l’âme a mille ans. Je crois que l’âme est lap art de l’être humain la plus inconsciente, surtout chez l’Européen de l’Ouest ; l’Oriental « vit » beaucoup plus son âme. L’Occidental au fond ne sait pas très bien qu’en faire, il en a honte comme d’une chose indécente. L’âme est bien autre chose que ce que nous appelons le « tempérament ». Il est des gens qui ont beaucoup de « tempérament » mais bien peu d’âme.
Hier j’ai demandé à Maria, en parlant d’une certaine personne : « Est-elle intelligente ? – Oui, m’a-t-elle répondu, mais seulement cérébralement. »
S. disait toujours de Tide : « Elle a l’intelligence de l’âme. »
Quand nous évoquions notre différence d’âge, S. et moi, il me disait toujours : « Mais qui vous dit que votre âme n’est pas plus âgée que la mienne ? »
Parfois je prends feu et flamme, de toutes parts, lorsque je sens (comme en ce moment) se lever en moi en vraie grandeur et me submerger de reconnaissance cette amitié et tous ces êtres que j’ai connus depuis un an. Me voici malade, anémique, plus ou moins grabataire, et pourtant chaque minute est si féconde, si pleine – que sera-ce lorsque je serai guérie ? Je ne cesse de faire monter vers toi le même alléluia, mon Dieu, tant je t’ai de gratitude d’avoir bien voulu me donner une telle vie.
Une âme est un composé de feu et de cristal de roche. Austère et dure comme l’Ancien Testament, mais douce comme le geste délicat du bout de ses doigts lorsqu’il caressait, parfois, mes cils. (pp. 243-244)
Partout où s'étend le ciel on est chez soi. En tout lieu de cette terre on est chez soi, lorsqu'on porte tout en soi.
On est partout chez soi. Partout où s’étend le ciel on est chez soi. En tout lieu de cette terre on est chez soi lorsqu’on porte tout en soi
Un jour, j’irai les visiter un par un, tous ceux qui sont passés entre mes mains, là-bas sur ce coin de lande. Et si je ne les trouve pas, je trouverai leurs tombeaux. Je ne pourrai plus rester tranquillement assise à ce bureau. Je veux parcourir le monde, aller m’assurer de mes propres yeux, de mes propres oreilles de ce qu’il est advenu de tous ceux que nous avons laissés partir.
Nous avons tant à changer en nous-mêmes que nous ne devrions même pas nous préoccuper de haïr ceux que nous appelons nos ennemis.
Même si je n'y survis pas, ma façon de mourir apportera une réponse au "qui suis-je ?"
Cette peur de ne pas tout avoir dans la vie, c’est elle justement qui vous fait tout manquer. Elle vous empêche d’atteindre l’essentiel.