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Philippe Noble (Traducteur)J. G. Gaarlandt (Auteur de la postface, du colophon, etc.)
EAN : 9782020246286
408 pages
Seuil (18/04/1995)
4.38/5   384 notes
Résumé :
De 1941 à 1943, à Amsterdam, une jeune femme juive de vingt-sept ans tient un journal. Le résultat : un document extraordinaire, tant par la qualité littéraire que par la foi qui en émane. Une foi indéfectible en l'homme alors qu'il accomplit ses plus noirs méfaits. Partie le 7 septembre 1943 du camp de transit de Westerbork, d'où elle envoie d'admirables lettres à ses amis, Etty Hillesum meurt à Auschwitz le 30 novembre de la même année.
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Critiques, Analyses et Avis (53) Voir plus Ajouter une critique
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J'avais une nature trop sensuelle, trop possessive, ce que je trouvais beau, je le désirais de façon beaucoup trop physique, disait-elle. Il est bien difficile de vivre en intelligence avec Dieu et son bas-ventre, ajoutait-elle plus loin.

Mais qui est cette jeune femme en proie à des contradictions si intenses entre corps et âme ? le journal d'Etty Hillesum (publié pour la première fois en 1981) montre une femme dépressive sensuelle et passionnée en quête d'équilibre et de paix, alors même qu'elle est juive et vit à Amsterdam sous la domination nazie. Un journal, écrit entre 1941 et 1943 à l'instigation de son psychologue et amant Julius Spier, qui va devenir celui d'une lectrice de Dostoïeski, de Rilke... de Saint-Augustin et de la Bible.

Des lectures qui approfondissent la croyance d'Etty, si curieuse d'elle-même, en l'homme et en Dieu. En dépit de ce qu'elle voit, Etty résolument mystique n'éprouve pas de haine pour les tortionnaires nazis responsables de l'extermination des juifs. Détachée par le Conseil juif, puis internée dans le camp hollandais de transit de Westerbork, d'où elle sera finalement envoyée à Auschwitz pour y trouver la mort à 27 ans, elle tente de soulager les hommes et envoie des lettres formidables à ses amis.

La vie d'Etty Hillesum est riche de questionnements et de doutes. Par son humanité et sa sincérité, les résonances qu'elle fait naître « J'ai en moi une petite mélodie personnelle », écrivait-elle, ne peuvent que nous toucher. La courte existence d’Etty est un hymne à la foi en Dieu, aux hommes et à la vie, nul besoin d'être croyant pour y puiser toute sa force bienfaitrice.
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Ce livre document est divisé en deux parties dont la plus longue est le Journal d'Etty Hillesum, de 1941 à 1943, intitulé Une vie bouleversée. Journal d'une jeune femme libre, aimant la vie et ses plaisirs , très sujette à l'introspection et à la réflexion ( aidée en cela par Julius Spier, son amant et une sorte de guide spirituel. C'est lui qui fit relire à cette jeune Juive la Bible et lui fit connaître saint Augustin. )
Réflexion sur elle-même mais aussi bien sûr réflexion très lucide sur la souffrance de l'humanité , qui n'a rien d'abstraite pour elle car , en tant que juive, elle va vivre au jour le jour les différentes et progressives brimades, et la fin programmée ( elle en est très vite consciente, contrairement à beaucoup) de son « peuple ».

"Je dis que « je me suis expliquée avec la « Souffrance de l'Humanité » ( ces grands mots me font toujours grincer des dents) mais ce n'est pas tout à fait juste. Je me sens plutôt comme un petit champ de bataille où se vident les querelles, les questions posées par notre époque. Tout ce qu'on peut faire , c'est de rester humblement disponible pour que l'époque fasse de vous un champ de bataille. Ces questions doivent trouver un champ clos où s'affronter, un lieu où s'apaiser, et nous, pauvres hommes, nous devons leur ouvrir notre espace intérieur et ne pas les fuir."

Ce Journal est destiné ( comme tous les journaux intimes, mais il prend bien sûr ici une autre résonance du fait des évènements historiques et de la précision de l'analyse personnelle ) à mettre en mots ce qu'Etty Hillesum appelle une petite mélodie personnelle:
"J'ai en moi une petite mélodie personnelle qui a parfois terriblement envie d'être convertie en paroles personnelles…. Je voudrais parfois me réfugier avec tout ce qui vit en moi dans quelques mots, trouver pour tout un gîte pour quelques mots. Mais je n'ai pas encore trouvé les mots qui voudront bien m'héberger. C'est bien cela. Je suis à la recherche d'un abri pour moi-même, et la maison qui me l'offrira, je devrai la bâtir pierre par pierre. Ainsi chacun se cherche-t-il une maison, un refuge. Et moi je cherche toujours quelques mots.
J'ai parfois le sentiment que le grand malentendu s'accroit à chaque parole prononcée, à chaque geste. Je voudrais m'immerger dans un grand silence et imposer ce silence à tous les autres. Oui, il est des moments où chaque mot accroît le malentendu , sur cette terre trop agitée."

Ce que l'on remarque à la lecture d'Etty Hillesum, c'est bien sûr ce don d'observation, de mise à distance de la réaction immédiate qui est le fait de ces rares individus passionnés par l' humain, qui parviennent à ne jamais- quelles que soient les circonstances - juger en fonction de critères simplistes… Cela force bien sûr l'admiration, mais permet peut être aussi de comprendre sa résistance à tous moments, et c'est cette résistance personnelle qui lui a permis d'aider tous ceux qu'elle a pu aider ( tous les témoignages de personnes l'ayant connue témoignent d'un être rayonnant ..):
"L'homme forge son destin de l'intérieur, voilà une affirmation bien téméraire. En revanche, l'homme est capable de choisir l'accueil qu'il fera lui-même à ce destin. On ne connaît pas la vie de quelque un si l'on n'en sait que les évènements extérieurs. Pour connaître la vie de quelque un il faut connaître ses rêves, ses rapports avec ses parents, ses états d'âmes, ses désillusions, sa maladie et sa mort."

C'est ainsi qu'après un interrogatoire dans les locaux de la Gestapo, elle note:
"En fait, je n'ai pas peur. Pourtant je ne suis pas brave , mais j'ai le sentiment de toujours avoir à faire et la volonté de comprendre autant que je le pourrai le comportement de tout un chacun. C'était cela qui donnait à cette matinée sa valeur historique: non pas de subir les rugissements d'un misérable gestapiste, mais bien d'avoir pitié de lui au lieu de m'en indigner, et d'avoir envie de lui demander: « as-tu donc eu une enfance malheureuse, ou bien est ce que ta fiancée est partie avec un autre? »Il avait l‘air tourmenté et traqué, mais aussi, je dois le dire, très désagréable et très mou.…
J'aurais voulu commencer tout de suite un traitement psychologique sachant parfaitement que ces garçons sont à plaindre tant qu'ils ne peuvent faire de mal, mais terriblement dangereux, et à éliminer, quand on les lâche comme des fauves sur l'humanité. Ce qui est criminel, c'est le système qui utilise des types comme cela.
Autre leçon de cette matinée: la sensation nette qu'en dépit de toutes les souffrances infligées et toutes les injustices commises, je ne parviens pas à haïr les hommes. Et que toutes les horreurs et les atrocités perpétuées ne constituent pas une menace mystérieuse et lointaine,extérieure à nous, mais qu'elles sont toutes proches de nous et émanent de nous-mêmes, êtres humains. Elles me sont ainsi plus familières et moins effrayantes. L'effrayant c'est que les systèmes, en se développant, dépassent les hommes et les enserrent dans leurs poigne satanique, leurs auteurs aussi bien que leurs victimes , de même que de grands édifices ou des tours, pourtant bâtis par la main de l'homme, s'élèvent au dessus de nous, nous dominent et peuvent s'écrouler sur nous et nous ensevelir."

Et c'est toujours cette faculté d'essayer d'aller dénicher chez l'autre les raisons de son comportement, cette curiosité incessante pour la chose humaine qui est prodigieuse chez cette très jeune femme, et crée la différences avec d'autres récits.

Et toujours, pourtant, ce sentiment: la vie est si « intéressante » à travers toutes ses épreuves." Une observation détachée, presque démoniaque des évènements reprend toujours le dessus chez moi. Une volonté de voir, d'entendre, d'être là, d'arracher tous ses secrets à la vie, d'observer froidement l'expression des visages humains jusque dans leurs derniers spasmes. le courage aussi de se retrouver face à soi-même et de tirer beaucoup d'enseignements du spectacle de son âme au milieu des troubles de l'époque. Et, plus tard, trouver les mots pour dire tout cela.."

C'est , je crois, cette capacité d'observation, de synthèse immédiate intellectuelle, avec mise en pratique en actes ( c'est beaucoup moins courant…) beaucoup plus que la dimension un peu mystique de certains écrits qui m'ont interpellée. Car si Etty Hillesum croit à un Dieu, et qu'elle lui parle d'ailleurs, c'est plus à un Dieu qui est en l'homme qu'à une image vraiment religieuse. Ce n'est que par la force du raisonnement qu'elle en arrive aux principes fondateurs d'une religion.

"Et je répétai une fois encore, avec ma passion de toujours ( même si je commençais à me trouver ennuyeuse à force d'aboutir toujours aux mêmes conclusions): » C'est la seule solution, vraiment la seule, Klaas, je ne vois pas d'autre issue: que chacun de nous fasse un retour sur lui-même et extirpe et anéantisse en lui tout ce qu'il croit devoir anéantir chez les autres. Et soyons bien convaincus que le moindre atome de haine que nous ajoutons à ce monde nous le rend encore plus inhospitalier qu'il n'est déjà. »
Et Klaas, le vieux partisan, le vétéran de la lutte des classes dit, entre l'étonnement et la consternation: « Mais.. mais ce serait un retour au christianisme! »Et moi, amusée de tant d'embarras, je repris sans m'émouvoir: « Mais oui, le christianisme, pourquoi pas?"

Suivent ce journal les lettres envoyées du camp de Westerbork: " Ici, l'on pourrait écrire des contes. La détresse, ici, a si largement dépassé les bornes de la réalité courante qu'elle en devient irréelle.." Camp d'où elle partira , elle sait comment, pour où et pour quel destin. Avec ses parents et un de ses frères.
Jamais dans ces lettres elle ne se permettra le moindre laisser-aller, la moindre plainte , si ce n'est pour constater qu'il lui est plus difficile de supporter la souffrance de ses proches, que la sienne..
Et jamais la moindre révolte..
"Mais la révolte qui attend pour naître le moment où le malheur nous atteint personnellement n'a rien d'authentique et ne portera jamais de fruits… Et l'absence de haine n'implique pas nécessairement l'absence d'une élémentaire indignation morale.
Je sais que ceux qui haïssent ont à cela de bonnes raisons. Mais pourquoi devrions nous choisir la voie la plus facile, la plus rebattue?"

Et ceci dans une des dernières lettres… qui est une sorte de conclusion de ce livre, démontrant qu'elle a fait le tour des choses et que ce qu'elle écrit est mûrement réfléchi:
"Les gens ne veulent pas l'admettre: un moment vient où l'on ne peut plus "agir", il faut se contenter d'"être" et d'accepter. Et cette acceptation, je la cultive depuis bien longtemps…"
"On me dit parfois: " Oui, mais tu vois toujours le bon côté des choses. » Quelle platitude! Tout est parfaitement bon. Et en même temps parfaitement mauvais. Les deux faces des choses s'équilibrent, partout et toujours. Je n'ai jamais eu l'impression de devoir me forcer à en voir le bon côté, tout est parfaitement bon, tel quel. Toute situation, si déplorable soit-elle, est un absolu et réunit en soi le bon et le mauvais."

Tout est dit…

Etty Hillesum est morte à Auschwitz le 30 novembre 1943. Elle avait 27 ans.

Beaucoup de citations, je sais,c'est long mais le texte vaut la peine que je le recopie.








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Lire ce journal est une grande leçon de vie. Etty Hillesum nous fait part de son quotidien, de ses angoisses, de ses réflexions sur sa vie, sur l'humain. Tout cela à une époque où , en tant que Juive, elle voyait ses libertés se restreindre de jour en jour. Sans jamais se plaindre, en acceptant les contraintes, quasiment dans un amour universel. Se référant toujours à Dieu, se remettant en question chaque jour, en pensant toujours aux autres. Jusqu'à se faire enfermer dans un camp de d'internement, risquant un départ pour Auschwitz, rien que pour aider son prochain. Elle atteint presque l'état de sainteté dans sa dévotion ultime aux autres. S'oubliant totalement.
C'est un livre également très riche d'un point de vue philosophique. Les quelques citations que j'en ai relevées démontrent la richesse de son questionnement intérieur. Sa recherche du sens de la vie et l'orientation qu'elle a donné à sa vie sont hors du commun et témoignent d'une immense rigueur morale et intellectuelle.
Ce journal se lit aisément, comme un roman. Ce n'est pas seulement un témoignage sur la Shoah mais aussi un recueil de réflexions qui peut s'appliquer aussi bien à toutes les époques.
Les lettres de Westerbork sont peut-être un peu plus factuelles mais offrent un témoignage sur l'enfer qu'était ce camp d'internement.
Un livre essentiel à lire absolument.
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Cette oeuvre est le journal d'une jeune humaniste hollandaise, juste avant la deuxième guerre mondiale, au moment de la montée du nazisme. le journal est suivi par les lettres qu'Etty a écrites depuis le camp de Westerbrok, un endroit où l'on regroupait les juifs, avant de les envoyer dans les camps de concentration en Allemagne et dans lesquelles elle a un regard davantage descriptif du monde, car elle raconte les choses à d'autres et non plus à elle-même. J'ai remarqué chez Etty un grand paradoxe. C'est celui de trouver sans cesse la vie « belle et pleine de sens », c'est-à-dire de pouvoir en faire oeuvre utile en cette période de guerre, mais en même temps, plusieurs fois, elle exprime aussi qu'elle n'y tient pas et qu'elle n'en vaut pas la peine.
Etty a une relation amoureuse avec un chiropracticien plus vieux qu'elle de qui elle est secrétaire. C'est une jeune femme moderne, dynamique, engagée, altruiste. Mais la jeune femme joyeuse qu'elle est, n'en a pas moins des moments de dépression (ils font partie de son tempérament). Par ailleurs, elle ne ressent pas de haine, car elle se dit que les systèmes nous dépassent.
Des réflexions sur la montée du nazisme transparaissent dans ses écrits, comme on aurait pu en avoir peut-être nous-même, si nous avions été confrontés à la même situation. C'est pourquoi on se sent proche de ce personnage. En outre, ses écrits sont encore d'actualité.
Ses sentiments pour S. fluctuent sans cesse. Jalousie vis-à-vis de l'épouse, ou concubine. Passages exprimant sa tristesse. Ensuite, guidée par la foi peut-être, Etty veut de son propre chef aller dans le Camp de Westerbrok, en prenant un boulot d'assistante sociale. Elle veut prendre le risque et partager le sort des autres juifs, et surtout témoigner de la situation. « Serais-je vraiment très heureuse de me soustraire au sort imposé à tant d'autres ». p. 174
Personnalité hors du commun. Là, avec son amant, ils commencent à se dire adieu et à se préparer à la mort, ce sont des moments très tristes qu'elle raconte.
Au fil des pages, le sentiment religieux est de plus en plus présent dans les écrits d'Etty. C'est ce qui guide ses décisions et qui les explique. C'est un livre qui pourrait être relu, car on peut y puiser beaucoup de pensées utiles à nos vies. Il faut donc lire le témoignage de cette jeune femme téméraire et courageuse, une jeune femme qui croyait.

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Amsterdam début 1941, les allemands ont envahis la Hollande, l'histoire se déroule dans cette ambiance angoissante de montée du nazisme.
Etty une jeune femme juive de 27 ans, issue d'une famille d'intellectuels non pratiquants, vient d'être diplômée d'une maîtrise de droit. Jeune femme libre dans sa pensée et dans ses actes. Angoissée, souffrant de syndrome dépressif dans ce contexte peu sécurisant d'occupation , elle cherche et se tourne vers des thérapies nouvelles telles que la psychanalyse pour résoudre son mal être.
Auprès de Julius Spier elle trouve une aide. Ancien élève de Jung, psycho-chirologue et juif comme elle, il devient son thérapeute, son ami, son amant, son amour, « l'accoucheur de son âme » comme elle aime le définir.
Il l'aide en un premier temps à structurer sa pensée, pour cela il lui donne un certain nombre d'exercices à faire chaque jour. Entre autres, elle écrit son journal, source véritable de son cheminement intérieur et de ses prises de positions. Un journal comme un outil pour s'expliquer avec elle même.

Ils font preuve dans leur démarche d'une grande ouverture intellectuelle et spirituelle au delà de leurs éducation, cela dans un désir de comprendre et d'aimer l'humanité. Pour l'aider, il lui demande de lire la bible, les évangiles, Saint Augustin, Dostoievski, Tolstoï,Rilke...
Julius Spier la guide au delà de l'amour qu'elle lui porte, au delà de l'amour affectif, mais plutôt vers un amour plus grand, sans possession. C'est l'éclosion pour elle d'un véritable cheminement spirituel.
Julius va mourir la veille de sa déportation, dans une dernière lettre Etty lui confie : « J'avais encore mille choses à te demander et à apprendre de ta bouche. Désormais, je devrais m'en tirer toute seule. Je me sens très forte tu sais, je sais que je vais réussir ma vie. C'est toi qui m'a appris à libérer les forces dont je dispose. Tu m'as appris à prononcer sans honte le nom de Dieu. Tu as servi de médiateur entre Dieu et moi. Toi le médiateur, tu te retires et mon chemin désormais mène directement à Dieu. »
Elle va demander à rejoindre le camp de Westerbrook, alors que ses amitiés lui permettraient de demeurer préservée encore des camps et de rester sur Amsterdam. Elle se sent porteuse d'une mission. Elle sait qu'elle doit mettre de la lumière là où les ténèbres sont les plus épaisses. Jour après jour elle couche son témoignage dans son journal, véritable photographie historique de la vie des camps. Elle creuse là le sillon d'un chemin plein d'espoir. le durcissement de ses conditions de vie ne font qu'approfondir son respect de la vie, et coïncident avec l'émergence d'une sagesse. Par vague monte en elle l'amour pour le tout, de celui qu'elle appelle Dieu, mais qui n'appartient à aucune religion, aucun dogme. Elle le rejoint au tréfond d'elle même. Elle est une éveilleuse.

. Petit à petit, elle sublime cette énergie d'amour vers un amour universel. Au sein même des camps, elle rayonne , elle veut aider celui qu'elle appelle Dieu dans sa tâche. Par l'écriture, elle continue ce dialogue avec elle même, avec la vie pour tenter de comprendre l'incompréhensible... Elle sait qu'elle sera écrivain. Elle témoigne, envoie autant de lettres qu'elle peut... Partout, elle écrit. Ce recueil de tout ce qu'elle a écrit nous plonge au coeur de cette introspection et de cette quête. C'est presque une initiation.
On ne ressort pas le même en lisant ce livre…
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Citations et extraits (198) Voir plus Ajouter une citation
La femme cherche toujours l’homme unique à qui elle donnera son savoir, sa chaleur, son amour, son énergie créatrice. Elle cherche l’homme, non l’humanité. Cette question féminine n’est pas si simple. Parfois, en voyant dans la rue une jolie femme, élégante, soignée, hyper-féminine, un peu bête, je sens mon équilibre vaciller. Mon intelligence, mes luttes avec moi-même, ma souffrance m’apparaissent comme un poids oppressant, une chose laide, anti féminine, et je voudrais être belle et bête, une jolie poupée désirée par un homme. Etrange, de vouloir ainsi être désirée par un homme, comme si c’était la consécration suprême de notre condition de femmes. L’amitié, la considération, l’amour qu’on nous porte en tant qu’être humain, c’est bien beau, mais tout ce que nous voulons, en fin de compte, n’est-ce pas un qu’un homme nous désire en tant que femme ?
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Je sais comment libérer peu à peu mes forces créatrices des contingences matérielles, de la représentation de la faim, du froid et des périls. Car le grand obstacle, c’est toujours la représentation et non la réalité. La réalité, on la prend en charge avec toute la souffrance, toutes les difficultés qui s’y attachent – on la prend en charge, on la hisse sur ses épaules et c’est en la portant que l’on accroît son endurance. Mais la représentation de la souffrance – qui n’est pas la souffrance, car celle-ci est féconde et peut vous rendre la vie précieuse – il faut la briser. Et en brisant ces représentations qui emprisonnent la vie derrière leurs grilles, on libère en soi-même la vie réelle avec toutes ses forces, et l’on devient capable de supporter la souffrance réelle, dans sa propre vie et dans celle de l’humanité.
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On a parfois du mal à concevoir et à admettre, mon Dieu, tout ce que tes créatures terrestres s'infligent les unes aux autres en ces temps déchaînés. Mais je ne m'enferme pas pour autant dans ma chambre, mon Dieu, je continue à tout regarder en face, je ne me sauve devant rien, je cherche à comprendre et à disséquer les pires exactions, j'essaie toujours de retrouver la trace de l'homme dans sa nudité, sa fragilité, de cet homme bien souvent introuvable. Enseveli parmi les ruines monstrueuses de ses actes absurdes. ... Je regarde ton monde au fond des yeux, mon Dieu, je ne fuis pas la réalité pour me réfugier dans de beaux rêves - je veux dire qu'il y a place pour de beaux rêves à côté de la plus cruelle réalité - et je m'entête à louer ta création, mon Dieu, en dépit de tout !"
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Si Dieu cesse de m’aider se sera à moi d’aider Dieu…Je prendrai pour principe « d’aider Dieu » autant que possible, et si j’y réussis, eh bien je serai là pour les autres aussi…Oui, mon Dieu, tu sembles assez peu capable de modifier une situation finalement indissociable de cette vie. Je ne t’en demande pas compte. C’est à toi , au contraire, de nous appeler à rendre compte un jour. Il m’apparaît de plus en plus clairement, à chaque pulsation de mon cœur, que tu ne peux pas nous aider, mais que c’es à nous de t’aider et de défendre jusqu’au bout la demeure qui t’abrites en nous… Je vais t’aider, mon Dieu, à ne pas t’éteindre en moi, mais je ne puis rien garantir d’avance. Une chose cependant m’apparaît de plus en plus clairement : ce n’et pas toi qui peux nous aider, mais nous qui pouvons t ‘aider- et ce faisant, nous nous aidons nous-mêmes (12 Juillet 1942).
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Note du 3 juillet 1942
En disant "J'ai réglé mes comptes avec la vie", je veux dire : l'éventualité de la mort est intégrée à ma vie ; regarder la mort en face et l'accepter comme partie intégrante de la vie, c'est élargir la vie. A l'inverse, sacrifier dès maintenant à la mort un morceau de cette vie, par peur de la mort et refus de l'accepter, c'est le meilleur moyen de ne garder qu'un pauvre petit bout de vie mutilée, méritant à peine le nom de vie. Cela semble un paradoxe : en excluant la mort de sa vie on se prive d'une vie complète et en l'y accueillant on élargit et on enrichit sa vie.
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Vidéo de Etty Hillesum
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