Comment conjuguer poésie et vie en société !
Parmi les nombreux livres pour enfants que je connaisse, «
Un c'est bien, deux c'est mieux » reste très spécial pour moi. En effet, les textes sont écrits en strophes, plus précisément en tercets et le vocabulaire ou les expressions employés s'avèrent soutenus par rapport aux ouvrages classiques.
En toute connaissance de cause, ce livre peut-il vraiment convenir à des petits enfants dès 3 ans ? Sceptique au départ, je me suis rendu compte qu'il plaisait énormément à nos enfants et qu'il était moteur pour apprendre de belles expressions de notre langue française. Et grâce à cette critique, je vais enfin tenter de répondre, au moins en partie, à la question que je me pose depuis toutes ces années : comment éditer une version française aussi réussie d'un ouvrage américain ?
L'auteur des textes,
Mary Ann Hoberman, né en 1930 à Stamford dans le Connecticut aux Etats-Unis, a obtenu fin des années 80 une maîtrise en littérature anglaise de l'Université de Yale. Etonnant à cet âge de passer un tel diplôme alors qu'elle n'avait qu'un niveau bac auparavant!
Ainsi,
Mary Ann Hoberman a enseigné la littérature en élémentaire et au collège. Elle a co-fondé une troupe de théâtre pour enfants et un groupe donnant des lectures de poésie théâtralisées. Mais depuis son premier livre publié en 1957, son activité principale a été d'écrire pour les enfants.
Par ailleurs, l'illustratrice de «
Un c'est bien, deux c'est mieux » est Marjorie A. Priceman, auteur et/ou illustrateur de plus de trente livres pour enfants.
Pour résumer l'histoire en quelques lignes, un chien nommé Oliver Tolliver et une chatte Emilie Peggoty tentent de lier amitié au cours du récit. Oliver Tolliver est très fier de sa petite maison dont tous les objets sont d'un seul exemplaire: une table, une chaise, un plat, une cuillère... Mais quand il invite Emilie Peggoty dans sa demeure, il découvre à sa grande surprise que son hôte n'apprécie pas du tout sa façon de vivre, incompatible avec toute vie sociale à deux ou plusieurs. Comment Oliver va-t-il faire de la place pour deux ? A vous de connaître la suite…
Avant de vous laisser chercher ce livre rare aujourd'hui, je vais essayer de répondre à la question qui hantait mes nuits (je dors tout de même très bien, je vous rassure) et j'ai donc retrouvé le début du texte original en anglais sous le titre « One of each » :
Oliver Toliver lived all alone
In a little old tumbledown house in his own
It had one little window and one little door
And one little carpet that covered the floor
It hat one little table and one little chair
And one little closet and one little stair
La traduction française datant de 1998 propose délibérément de s'affranchir du texte original pour respecter les tercets, les idées contenues dans le récit et heureusement la langue française.
Comme il est tranquille, Oliver Toliver,
Tout seul dans sa maison à la porte bleu-vert,
Son unique fenêtre, ses deux volets ouverts
Et un petit tapis tacheté couleur fraise
Une petite table, sa petite chaise
Un petit escalier pour monter à son aise
Comme je le pensais, la traduction française a été adaptée et correspond beaucoup plus aux subtilités de la langue française. J'oserais même, la traduction me parait plus harmonieuse et plus soutenue. Je fais donc appel aux experts de la langue française et anglaise pour me conforter ou au contraire critiquer mon analyse. Tous les avis sont les bienvenus, surtout provenant de la reine des citations de poésie.
Pour conclure, je ne sais combien de fois j'ai pu lire ce livre mais, plus je l'ai lu, plus j'ai pris plaisir à le lire aux enfants. Selon moi, il est possible, par petite dose, d'inculquer aux enfants la beauté de notre langue et de ne pas sous-estimer la capacité des enfants à s'approprier des mots ou expressions différents du langage courant. Merci aux éditions Circonflexe d'avoir pris le risque d'éditer ce magnifique album et d'avoir proposé une traduction aussi recherchée.
Merci enfin à vous d'avoir lu jusqu'au bout cette critique très éloignée de mes romans noirs habituels, mais qui me tenait vraiment à coeur.
Bonne lecture si vous réussissez à le trouver en médiathèque ou d'occasion. A priori, il n'est plus édité, sauf erreur de ma part. Espérons qu'un jour, une maison d'édition rééditera ce bijou orné de vers et de rimes…