Citations sur Les autos tamponneuses (90)
Car sa mort n'est rien pour Alain, sinon un sommeil plus long, une nuit sans insomnie, où le temps ne compte pas. Ce qu'on appelle l’éternité, je suppose.
Pourquoi se croise-t-on les bras? On croise les bras quand on est sage. Quand on est seul. Quand on a peur. Quand on a froid. Quand on n'est pas sûr de soi. Quand on ne veut pas tomber. Quand personne ne vous serre contre lui.
Ce n'est pas de l'indifférence, c'est du respect et de la prudence. De la prudence car, si on ne prend pas ses distances, le mort finit par saisir le vif. On doit aux morts le respect, les laisser tranquilles, car ils ne nous appartiennent plus, ils ne sont plus de ce monde où, croyant chérir leur mémoire en les pleurant, nous pleurnichons surtout sur nous.
Je sais depuis longtemps qu'il faut choisir ses livres comme ses fromages : au pif. On ouvre, on met le nez dedans : si ça sent, on prend ; si ça ne sent pas, on repose. Ça sent mauvais ? Ça sent bon ? Mieux vaut un livre qui pue qu'un livre sans odeur. Un livre doit avoir un arôme, du nez, des parfums, du fumet. Comme un fromage. Comme un vin, une viande, du foin coupé ou du réséda, si vous préférez : un livre doit d'abord sentir. Puis, faire ressentir.
- Les hommes qui ne travaillent pas se relâchent, Pierre. Jamais ils ne devraient rentrer à la maison, jamais. Ils doivent mourir à la tâche, au combat, la main sur le métier. C'est leur honneur, leur devoir, leur gloire. Les hommes, on les aime absents. Celui qui rentre saccage tout. La place d'un homme, c'est dehors. À l'intérieur, sa place est prise, qu'est-ce que tu crois ? Si tu veux la reprendre, il te faudra bander l'arc, tuer les prétendants et purifier le palais au soufre.
Je suis seul. Donc libre.
Je suis libre. Donc seul.
Je n'ai jamais eu l'esprit de corps, nom chic pour la moutonnerie : les moutons ont l'esprit de corps.
Autre signe de vieillissement : il me semble que le monde ne veut plus avancer. L'Occident a planté par terre un gros cul qu'il lui est devenu impossible de remuer. L'époque est désenchantée, perdant son élan, son allant, son allure, tombant aux mains des binoclards, chaisières et prêcheurs, qui chipotent sur tous les plaisirs. L'époque est aux puritains, la barbe !
Donc, tant que les personnages de roman peuvent encore fumer, je ne me prive pas. Que les lecteurs tournent la page, s'ils sont gênés.
Françoise de PEN HOËL : voyons Nelly, faites attention, mon tapis Louis XIII.
Nelly PILOU : Il vient de chez Saint-Maclou, votre tapis
.Françoise de PEN HOËL : Peut-être, mais il est dans le salon Louis XIII, alors il devient un tapis Louis XIII.