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EAN : 9781092616003
Nouvelles Editions Lignes (23/08/2013)
5/5   1 notes
Résumé :
ous deux originaires de pays des Balkans récemment promus États membres de l’Union européenne, les philosophes Slavoj Žižek et Srećko Horvat observent de quelle façon la promesse de paix, de démocratie et de prospérité que portait l’Europe s’est essoufflée dans la succession des « plans de sauvetage » et des ajustements structurels imposés par les instances communautaires et internationales.

Forts des enseignements de leur histoire récente et ins... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Une Europe démocratique, sociale et libre comme solution durable, réaliste et réalisable

Dans sa préface « La destruction de la Grèce : un modèle pour l'Europe », Alexis Tsipras revient sur le modèle « argent bon marché, main-d'oeuvre bon marché », sur les termes utilisés par les institutions européennes et mondiales « dont la connotation positive est destinée à masquer la catastrophe sociale qu'ils provoquent ».

Dans le cas de la Grèce, il s'agit aussi, et il convient de ne pas l'oublier, « de gens mangeant dans les poubelles et dormant sur les trottoirs, de retraités ne pouvant même acheter leur pain, de ménages privés d'électricité, de malades n'ayant accès ni aux médicaments ni aux soins ; et tout cela, au sein même de la zone euro ».

D'un coté, les « talibans du néolibéralisme » et leurs porte-voix divers et variés, la naturalisation du marché libre et non faussé, le remboursement des dettes, dont ils n'expliquent jamais les constructions, la baisse organisée des recettes publiques au nom du moins d'impôts pour les grands possédants, ceux des propriétés lucratives, et pour les entreprises, les mantras sur « la seule solution », leur seule solution, la non liberté de choisir les politiques à mener au nom des traités qu'ils ont signés en dehors de toute construction démocratique, etc.

De l'autre, comme le note le préfacier : « Face à la crise, il existe donc bien un autre choix : que les sociétés européennes se protègent contre la spéculation du capital boursier ; que l'économie réelle s'émancipe de l'impératif du profit ; que le monétarisme et la politique fiscale autoritaire prennent fin ; que l'on repense la croissance, avec un premier critère l'intérêt de la société ; qu'un nouveau modèle productif soit inventé, fondé sur un travail décent, l'élargissement des biens publics, et la protection de l'environnement ». Des pistes de programmes à discuter et à compléter démocratiquement, dans une recherche d'une nouvelle hégémonie sociale à construire, pour l'émancipation de toutes et tous, des exploitations et discriminations. Ce sont, par ailleurs, les seules pistes réalistes et réalisables, pour un sortie non barbare de la crise.

Regarder l'union européenne réellement existante au prisme des Balkans (première partie du recueil) permet de mettre l'accent sur des dimensions occultées, sur des mécanismes agissant comme autant d'expérimentations de mécaniques sociales et économiques. Ici comme ailleurs, toujours des choix politiques. Les mécanismes de « privatisations » sont bien des expropriations/appropriations capitalistes. Srećko Horvat fournit des indications sur l'ampleur de cette appropriation dans le secteur bancaire : « Si l'on croit certaines estimations, 75% des banques présentes sur le sol serbe, 90% de celles installées en Croatie, et jusqu'à 95% de celles de Bosnie-Herzégovine appartiennent en réalité à des banques allemandes, italiennes et française… »

Un nouvel ordre, un ordre capitaliste néolibéral où les préceptes dominent les droits, où les injonctions gravées dans les traités priment les constitutions (quel qu'en soient, par ailleurs, les fortes limites antidémocratiques) : « puisque satisfaire ces préceptes/attentes est la condition même du maintien de l'ordre constitutionnel, ils priment la Constitution (et, de ce fait, la souveraineté de l'État) ». Reste que Slavoj Žižek ne dit rien sur la « qualité » de cette souveraineté antérieure et sur qui l'exerce réellement, une souveraineté déjà limitée par le droit et le fonctionnement réel du système socio-économique dominant.

Les deux auteurs soulignent, entre autres, la « tendance générale à restreindre la démocratie », le rôle de la dette dans la dégradation des situations économiques, la montée des extrêmes-droites dont une partie revendique sa filiation avec le nazisme. La « leçon » de Walter Benjamin, citée par Srećko Horvat me semble utile « Chaque fascisme est l'envers d'une révolution ratée ». Les auteurs indiquent la nécessité d'une « gauche européenne unifiée » en prenant l'exemple de Syriza.

Slavoj Žižek et Srećko Horvat développent ensuite autour d'un horizon d'émancipation radicale et universelle. Je ne suis pas sûr que le terme « culture de référence (Leitkultur) » soit le plus approprié, ni celui de multiculturalisme, ni d'ailleurs celui de « conflit » entre les deux, tel que l'écrit Slavoj Žižek : « il n'est pas un conflit entre cultures, mais un conflit entre différentes visions des modalités de coexistence de ces différentes cultures, un conflit sur les règles et pratiques que ces cultures ont à partager si elles doivent coexister ». Mais il s'agit bien d'aller « au-delà de la simple tolérance » et à ne pas simplement respecter les autres, mais de créer un cadre de « combat commun, puisque nos problèmes, aujourd'hui sont communs ».

Il s'agit donc d'un véritable plaidoyer, illustrés d'exemples concrets de ces autres européen-ne-s si souvent oublié-e-s, à nous passer de nos « sauveurs » autoproclamés.

Dans une troisième partie sur « la crise », les auteurs insistent sur les mécanismes de la dette, du fonctionnement du système capitaliste (« Les crises et faillites financières viennent nous rappeler, de manière flagrante, que la circulation du capital n'est pas un circuit fermé pouvant se suffire à lui-même – à savoir une circulation orientée vers la production et la vente de biens réels, qui satisfont les besoins réels des gens »), de l'Europe réellement existante, de la non-séparabilité entre « l'eau fangeuse de la spéculation boursière » et « le bébé joufflu de l'économie réelle » car « dans les faits, l'eau fangeuse coule dans les veines du bébé joufflu ». Je reste plus dubitatif sur les spéculations sur le « capitalisme cognitif » ou sur la notion de « servitude ».

La jonction avec le contenu de certains opéras, pour curieuse quelle soit, n'en reste pas moins stimulante.

Sommaire :

I. L'union européenne au prisme des Balkans
Srećko Horvat : « Danke Deutschland  ! ». L'avenir (leur) appartient
Slavoj Žižek : Quand les aveugles guident les aveugles… … la démocratie dans le fossé
Srećko Horvat : Les nazis vivent-ils sur la Lune  ? La nef (européenne) des fous
Srećko Horvat : « Bye-Bye les Balkans  ! » ; Pourquoi l'Europe a besoin de la Croatie davantage que la Croatie n'a besoin de l'Europe

II. Construire une autre Europe
Slavoj Žižek : L'union européenne doit forger sa culture commune. Un horizon d'émancipation radicale et universelle
Srećko Horvat : Guerre et Paix en Europe. « Chez les insouciants »
Slavoj Žižek : Sauvez-nous de nos sauveurs. le caractère illusoire des « élections libres »
Slavoj Žižek : Lamentable fiction. L'austérité continue de sévir et de servir les banques
Srećko Horvat : Pour finir au goulag, riez du goulag  ! La diabolisation de la gauche radicale)
Slavoj Žižek : C'est une Thatcher de gauche qu'il nous faut. le Maître et la multitude

III. la crise, quelle crise  ?
Slavoj Žižek : Une dette qui ne pardonne pas

Je « passe» sur « la révolte anti-communiste en Hongrie » en 1956, dont la lecture peut-être variée, il s'agit bien d'une révolte contre l'ordre dictatorial du parti communiste au pouvoir, même si je ne crois pas que cela soit la lecture de Slavoj Žižek. Je « passe » sur la référence à Staline. Je « passe » sur les appréciations sur le stalinisme comme « forme inauthentique de communisme » aux yeux d'un « communiste critique » et donc probablement pas pour d'« autres communistes ». L'odeur dégagée par ces expressions n'en reste pas moins forte, pestilentielle, diraient certain-e-s…

Pour Slavoj Žižek « C'est une Thatcher de gauche qu'il nous faut ». Même pris au troisième degré, même pour appuyer des réflexions sur limites de la spontanéité, que l'auteur assimile trop vite à l'auto-organisation, cela fait froid dans le dos. D'autant que l'auteur n'en reste pas là : « La plupart des gens (moi y compris) veulent rester passifs » ; les changements sociaux, pour ne pas parler de révolution, devraient donc être dirigés par une élite peut-être éclairée (« Ils ont besoin d'une élite de qualité – raison pour laquelle un homme politique digne de ce nom ne défend pas seulement les intérêts du peuple : à travers lui, le peuple découvre ce qu'il "veut vraiment" »), une « Thatcher de gauche », « un chef leur permettant de s'extirper du marécage », un « Maître devient nécessaire dès lors qu'il s'agit d'extraire les individus du bourbier de leur inertie et de les inciter à lutter pour leur émancipation et leur liberté, dans un dépassement d'eux-mêmes qui les transcende », ou pourquoi pas une poignée de philosophes !. Curieuse conception de l'auto-émancipation.

Pour le dire simplement, l'idée « communiste » de Slavoj Žižek ou de son ami Alain Badiou, est bien une hypothèse, a minima, aux relents staliniens. Pour le dire plus vulgairement, c'est une hypothèse qui ne tire aucune leçon du siècle sanglant, c'est le choix d'une hypothèse de dictature contre l'émancipation, c'est, à mes yeux, une hypothèse abjecte.

S'il convient effectivement de nous sauver de nos sauveurs, il faut aussi nous sauver de certains universitaires, philosophes ou non, qui semblent oublier le lieu d'où ils parlent et les contradictions des rapports sociaux.

Les hypothèses réellement émancipatrices ne peuvent être que démocratiques et l'auto-organisation des individu-e-s et des groupes sociaux, décisive pour construire une alternative crédible et majoritaire à celle, toujours barbare, de sauveurs auto-proclamés…

Comme l'indique Alexis Tsipras, il s'agit de transformer « les résistances sociales, qui ne cessent d'émerger et de croître, en une affaire de solidarité et de stratégie collective, pour tous les peuples d'Europe ». Ou, pour le dire comme Slavoj Žižek, au delà du vocabulaire chrétien : « Ce dont nous avons besoin, ce n'est donc pas de miséricorde ; mais du courage de prendre des décisions permettant de mettre fin au besoin même de miséricorde »
Lien : http://entreleslignesentrele..
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Citations et extraits (4) Ajouter une citation
Face à la crise, il existe donc bien un autre choix : que les sociétés européennes se protègent contre la spéculation du capital boursier ; que l’économie réelle s’émancipe de l’impératif du profit ; que le monétarisme et la politique fiscale autoritaire prennent fin ; que l’on repense la croissance, avec un premier critère l’intérêt de la société ; qu’un nouveau modèle productif soit inventé, fondé sur un travail décent, l’élargissement des biens publics, et la protection de l’environnement
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les résistances sociales, qui ne cessent d’émerger et de croître, en une affaire de solidarité et de stratégie collective, pour tous les peuples d’Europe
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Les crises et faillites financières viennent nous rappeler, de manière flagrante, que la circulation du capital n’est pas un circuit fermé pouvant se suffire à lui-même – à savoir une circulation orientée vers la production et la vente de biens réels, qui satisfont les besoins réels des gens
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Si l’on croit certaines estimations, 75% des banques présentes sur le sol serbe, 90% de celles installées en Croatie, et jusqu’à 95% de celles de Bosnie-Herzégovine appartiennent en réalité à des banques allemandes, italiennes et française…
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