Peut-être que la quatrième de couverture va trop vite pour raconter le roman ou peut-être que ce qui m'a marquée est "l'avant-rencontre" réelle des deux "filles" comme ZsaZsa les nomme… Ou peut-être, encore, que dans un roman, on privilégie ce qui résonne en nous ?
ZsaZsa – un touchant surnom - a décidé de prendre une année sabbatique pour se reculer par rapport à sa vie personnelle, son travail de correctrice. Et, également, par rapport à la société elle-même dans laquelle elle peine de plus en plus à trouver une place légitime, un accord de vie avec ses aspirations.
Elle ressent le besoin de solitude, celui de se retirer de l'agitation, la nécessité impérieuse d'une forme de silence dénué de la frénésie du quotidien urbain.
Elle part donc pour les forêts vosgiennes, vers un refuge des plus spartiates, juste le nécessaire, peu de confort mais quelle est la signification du mot "confort" quand on souhaite revenir à l'essentiel ?
ZsaZsa se retire donc dans un abri de la dernière guerre, choisit le dénuement et la vie en pleine nature, même si on est en plein hiver et qu'il faut en supporter toutes les rigueurs, pour tout replacer à sa juste valeur et surtout donner de l'importance aux choses qui sont essentielles pour elle. Elle veut parvenir à rééquilibrer cette balance de l'existence, à la faire pencher du côté nécessaire, du côté primordial, retrouver ce qui constitue l'essence même de l'existence quand on ne l'a pas barbouillée du gris du superficiel et de la futilité.
J'ai - égoïstement - aimé les pages où ZsaZSa se raconte : son enfance atypique, ce père cultivé qui enseigne le chinois à sa fille et l'écoute des oiseaux pour les connaître et communiquer avec eux, cette relation avec un père qui partage ses trésors érudits et donne à toucher le subtil et le fragile. Ces oiseaux et leur présence éphémère, leurs existences si menacées comme le baromètre d'un monde qui se perd dans ses erreurs et ses manquements.
Puis les rencontres, la vie professionnelle, son rapport à notre société. Et tout autant quand elle évoque la nature qui n'est là que pour elle seule, Marguerite "sa voisine" si décalée par sa façon d'être et, en cela, si attachante - n'est-elle pas disponible à toute heure pour ouvrir sa porte ? - Marguerite délicat reflet de cette "Grand-Mère" que j'ai tant admirée dans le livre de
Louis Guilloux "
La Maison du peuple", de ces êtres disponibles toujours solitaires, ouverts à la présence des autres et oublieux d'eux-mêmes.
Il y a, ensuite, cette quête vers le virtuel que représente Kat-Espadô, cela occupe complètement la volonté de ZsaZsa quand elle ne parcourt pas les forêts, la hante…
Cette jeune fille fantasque, extravagante dans ses paroles, son être, ses attitudes, sa présence tout simplement envahit son esprit.
Et il y a la rencontre "réelle" et là, je ne dirai rien de plus : à vous de découvrir !
Mais la rencontre ne serait pas sans les choix antérieurs de ZsaZsa, c'est sa quête qui, d'une certaine façon, "crée" ce besoin d'échanges, qui provoque le regard de l'Autre…
L'écriture de
Claudie Hunzinger est épurée, mais distille à travers des fulgurances d'images, une poésie qui marque l'esprit. On "perçoit" beaucoup au cours de la lecture : des bruits, des odeurs, des peurs et même les silences.
Je referme le livre, les oiseaux se sont envolés, leurs ailes m'ont frôlée, les craquements de bois sec ont cessé, l'heure du crépuscule et son voile de la nuit ne viendra plus m'auréoler de son mystère et de ses craintes, j'ai quitté ZsaZsa, ses questionnements, ses certitudes, ses doutes et sa "rencontre" inespérée.
Je n'ai qu'un regret : avoir lu la dernière page de ce roman et avoir quitté un personnage comme on s'éloigne à regret d'une image que l'on trouve tellement familière, avoir également quitté le refuge des profondeurs de la forêt, l'intimité partagée du monde animal, des souffles de vie. Et par là, avoir perdu à jamais ce partage de connaissances, cette envie de découvrir ce qui a fait l'enfance de ZsaZsa et qui habite si singulièrement son âme…
Les livres de
Claudie Hunzinger m'évoquent l'image d'un long manteau moelleux et chaud dans lequel on se blottit pour trouver un peu de sérénité, un refuge et avoir le courage de regarder le monde qui nous entoure, on y puiserait même cette force pour oser y vivre...