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sur 291 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
« Permets-moi de chanter jusqu'au bout cette berceuse qui t'apportera le sommeil éternel. » (p. 212) À la mort de son grand-père, Paddon, Paula tient la promesse qu'elle lui a faite : raconter son existence. Elle se fonde sur le manuscrit du vieil homme, fatras quasi illisible racontant une vie, ses espoirs et ses déceptions. « L'ordre dans lequel m'arrive ta vie est tout sauf chronologique, oui c'est par fulgurances que je te retrouve. » (p. 29) Élevé par un père alcoolique et brutal et une mère très stricte, Paddon n'a pas été un enfant heureux. Ce n'est qu'à l'université qu'il a entre-aperçu une voie d'épanouissement, grâce à la philosophie et à la réflexion. Hélas, les années passant et la vie suivant son cours souvent tortueux, Paddon a dû renoncer à ses rêves intellectuels. « Tu avais beau écrire, écrire, écrire encore, tu n'avais toujours rien écrit. » (p. 38) Quand il rencontre Miranda, il découvre l'amour et prend conscience du triste destin du peuple indien face à la colonisation blanche. « Oui, on avait réussi à vider les prairies et maintenant on cherchait à les remplir. » (p. 14) Paddon ne quitte jamais son épouse, Karen, et leurs enfants, Frankie, Ruthie et Johnny, mais il est enfin heureux avec Miranda. Jusqu'à ce qu'elle lui soit enlevée. Dépossédé de ses ambitions d'écrivain et blessé au coeur, Paddon s'enfonce dans la dépression et ce n'est qu'au prix d'un effort terrible qu'il en sortira, fêlé à jamais. « Ainsi tu appris à vivre au jour le jour et à marcher très doucement sur la mince croûte de normalité qui s'était formée sur la plaie purulente de tes espoirs. Au-dessous, au fin fond de toi toujours, près de l'os, il y avait la peur. » (p. 183) Mais est-ce autrement que l'on vit, un pas après l'autre, avec prudence ?

Ce très beau roman m'a énormément rappelé Stoner de John Williams. On y suit un homme qui n'est pas extraordinaire, qui n'est pas exceptionnel. « Même si les hommes marchaient constamment à reculons, ils n'en continueraient pas moins d'avancer dans le temps. Nous n'avons d'autre choix que d'avancer. » (p. 69) Paddon est un héros banal, un protagoniste un peu raté. Bref, un personnage profondément émouvant parce qu'accessible et auquel il est si facile de s'identifier. Que son histoire soit racontée par Paula ajoute à l'émotion : dans son monologue ininterrompu, la narratrice tente d'épargner le souvenir de son aïeul tout en voulant composer avec la vérité. Paula honore sa promesse, quoi qu'il lui en coûte. « Tu m'as laissé tes mots et je les couds ensemble en un patchwork dont je voudrais qu'il te serve de linceul. » (p. 199)

Cantique des plaines est une superbe élégie adressée à un ancêtre, mais aussi à la nation amérindienne et au temps qui fuit sans qu'on ne puisse jamais le fixer.
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A l'aide de bribes de souvenirs personnels et de vagues brouillons de manuscrits, Paula tente de retracer la vie de son grand-père Paddon, éternel insatisfait, fils de pionnier alcoolique, professeur par obligation, pianiste amateur et philosophe raté. Nancy Huston en profite pour raconter par la même occasion la saga de toute sa famille, petites gens vivant des existences difficiles dans une époque tourmentée, le XXème siècle et dans un pays torturé par le froid, la faim et la pauvreté, le Grand Nord canadien.
Un très beau livre où l'on ressent à chaque page l'amour de Paula (Nancy Huston ?) pour sa famille et son pays. Très humain, très prenant avec beaucoup de finesse psychologique et de remarques pertinentes sur les caractères des personnages qui nous deviennent vite familiers. Nancy Huston a un style très personnel qui ne peut laisser personne indifférent. En effet, son récit n'est ni linéaire ni chronologique. On part en avant, on retourne en arrière. On va de flash-backs en sauts dans l'avenir assez déstabilisants. On passe même d'un personnage à l'autre au point que cela pourrait demander un important effort au lecteur. D'autant plus que l'auteur s'affranchit totalement de la ponctuation classique, s'interdit l'usage du point et n'a quasiment jamais recours au dialogue pas plus qu'aux habituelles descriptions propres au roman classique.
Le livre se présente plutôt sous la forme d'un long monologue intérieur. Mais en interpellant Paddon qu'elle a fort peu connu et qui est une énigme pour elle, elle capte l'attention du lecteur et le mène où elle veut. Et ça marche ! On est embarqué comme pirogue au fil d'un torrent verbal et on ne peut plus lâcher le bouquin. Excellent.
Lien : http://www.etpourquoidonc.fr/
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Oeuvre lyrique sur le temps passé et présent et la transmission intergénérationnelle entre un grand-père tourmenté et sa petite-fille en quête de sens
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La métaphore du chant et la question du temps dans Cantique des plaines de Nancy Huston
Au début de Cantique des plaines, la narratrice raconte que, quelque temps après le décès de son grand-père, elle a reçu en héritage le manuscrit inachevé d'un traité de philosophie sur le temps que celui-ci avait vainement tenté de réaliser tout au long de sa vie. Cet héritage était le rappel d'une promesse qu'elle lui avait faite, quand elle était petite, de terminer ce livre. Paula veut tenir sa promesse, mais, comme elle est incapable de lire ce que Paddon a écrit parce que la majorité des pages de son manuscrit sont trop raturées et gribouillées, elle se met plutôt à raconter un récit dans lequel elle lui invente une vie.
Il y a une certaine analogie entre le fait de remplacer ainsi un traité de philosophie sur le temps par un récit de fiction et la thèse de Paul Ricoeur dans Temps et récit selon laquelle « la spéculation sur le temps est une rumination inconclusive à laquelle seule réplique l'activité narrative » (Ricoeur : 24). Cette hypothèse se fonde sur les résultats d'une recherche qui s'est amorcée à partir du moment où je me suis rendu compte de la relation qui peut être tissée entre le roman de Huston et l'ouvrage de Ricoeur grâce à la méditation de saint Augustin sur le temps du livre XI des Confessions. En effet, l'exploration de cette relation m'a fait découvrir, d'une part, que le titre de Cantique des plaines fait référence au canticus qui est utilisé par Augustin, à la fin de sa spéculation, pour démontrer que le temps est une distension de l'âme, et que, d'autre part, c'est justement à partir des conclusions qu'Augustin tire de son expérience de chanter ce cantique que Ricoeur élabore son essai sur le rapport entre le temps et le récit. Dans le présent article, je veux tout simplement présenter les différentes étapes de la recherche qui m'a amené à voir la métaphore du chant comme une réponse à la question du temps, et cela, tout autant dans le roman de Nancy Huston que dans les Confessions de saint Augustin et que dans Temps et récit de Paul Ricoeur.

SAINT AUGUSTIN, TEMPS ET RÉCIT, ET CANTIQUE DES PLAINES
Alors que le premier chapitre de Temps et récit est entièrement constitué d'une analyse de la méditation augustinienne sur le temps au cours de laquelle Ricoeur avoue que « c'est à ces extrapolations [qu'Augustin tire de son expérience de chanter un cantique] simplement suggérées par Augustin, que le présent ouvrage est consacré » (Ricoeur : 49), la narratrice de Cantique des plaines révèle, dans un des premiers chapitres de ce roman, que son grand-père avait l'esprit étroitement « enlacé dans celui d'Augustin » (Huston : 40) :
Tu passais la plupart de tes soirées à la bibliothèque ou ta chambre mais de préférence à la bibliothèque, […] à faire connaissance d'Aristote et d'Augustin et à t'enivrer de leurs énigmes, des abîmes qu'ils ouvraient devant toi avant de t'aider à les franchir (Huston : 39).
Tu rédigeas un brillant mémoire de maîtrise, suggérant que saint Augustin aurait exploité à meilleur escient son savoir encyclopédique et son acuité mentale s'il n'avait pas gaspillé tant d'énergie à se taper la tête contre ce mur imaginaire qui avait nom Dieu (Huston : 42).
Tu prenais alors la résolution de te replonger dans saint Augustin et de ne plus le quitter (Huston : 45).
En plus d'indiquer que Paddon a lu saint Augustin, ce chapitre, dans lequel Paula raconte les années d'études universitaires de son grand-père, démontre qu'elle a, elle aussi, lu Augustin, et plus précisément les Confessions. En effet, elle y cite à plusieurs reprises des passages de cette oeuvre que saint Augustin (354-430) a écrite entre les années 396 et 400 afin de se défendre des accusations de manichéisme1 que répandaient contre lui les donatistes, des intégristes chrétiens qui tentaient de saper son autorité d'évêque en rappelant sans cesse son passé manichéen.
Les Confessions se composent de treize livres. Les neuf premiers forment un récit autobiographique dans lequel Augustin raconte son cheminement spirituel depuis son enfance, en Afrique du Nord, jusqu'à son baptême tardif en 387, en Italie, et, la même année, la mort de sa mère. Ce récit n'inclut donc pas son retour en Afrique, l'année suivante, ni sa nomination comme évêque d'Hippone (près de Carthage) en 395. le livre X est la description de son état d'esprit au moment où il écrit, et les livres XI à XIII sont des réflexions philosophiques sur les Saintes Écritures. Ainsi, dans le livre XI, il tente de répondre au principal argument utilisé par les manichéens pour attaquer les fondements de la foi chrétienne. En effet, les disciples de Mani prenaient un malin plaisir à demander aux chrétiens ce que faisait Dieu avant de créer le ciel et la terre. Sa méditation s'amorce donc par une spéculation sur le commencement de la Genèse : « Au commencement Dieu fit le ciel et la terre… » à partir de laquelle il développe une réflexion sur le concept d'éternité dans laquelle est enchâssée une méditation sur le temps.
Parmi les cinq passages des Confessions que l'on trouve dans le texte de Cantique des plaines, où ils sont cités en caractères italiques sans que la narratrice ne précise de quel ouvrage elle les tire, deux proviennent du livre X :
Si je vous trouve hors de ma mémoire, disait le converti impitoyablement lucide, c'est que je ne me souviens plus de Vous, Mais comment Vous trouverai-je si je ne me souviens plus de vous ? (Huston : 42) et (Augustin : X, 17, 26)2,
Persuadé qu'en dépit de ton athéisme tu comprenais et partageais son désir d'une chose qui n'était la beauté des corps, ni leur éclat qui passe… ni le ciel, ni la terre, ni aucune espèce de corps (Huston : 45) et (Augustin : X, 6, 8),
et trois du livre XI.
Avant que Dieu fît le ciel et la terre, avais-tu lu une fois en proie à des frissons à deux heures du matin, les pieds sur le radiateur, Il ne faisait rien. Car s'Il eût fait quelque chose, qu'eût-Il fait sinon une créature ? (Huston : 40) et (Augustin : XI, 12, 14).
Tu décidas que le temps était la clef du problème du paradis, grâce à un passage de saint Augustin qui te fit rire tout haut : Ce n'est pas dans le temps, disait Augustin en s'adressant à Dieu, que Vous précédez le temps : autrement Vous n'auriez pas précédé le temps (Huston : 40) et (Augustin : XI, 13, 16)
Ou encore, concernant le décret inaugural de Dieu Que le ciel et la terre soient : Un corps, quel qu'il fût, condition de l'existence d'une telle voix, n'eût pas existé, si Vous ne l'eussiez créé. Mais pour créer ce corps grâce auquel auraient pu être émises ces paroles, de quelles paroles Vous êtes-Vous servi ? (Huston : 40) et (Augustin : XI, 6, 8).
Ces trois derniers extraits se caractérisent par le fait qu'ils reproduisent l'essentiel de la réponse de saint Augustin à la question de savoir ce que faisait Dieu avant de créer le ciel et la terre. Ils sont l'amorce de sa méditation sur le temps, la question du commencement étant aussi la question du temps, car c'est après avoir spéculé sur le sens de l'éternité divine et après s'être plaint de la dissemblance entre sa propre finitude et l'infinitude de Dieu, qu'Augustin prend conscience du contraste entre le temps et l'éternité, et qu'il lance sa fameuse boutade du chapitre 14 : « Qu'est-ce donc que le temps ? Si personne ne me pose la question, je sais, si quelqu'un pose la question et que je veuille expliquer, je ne sais plus » (XI, 14, 18). Question à laquelle il tente ensuite de répondre dans les quatorze chapitres suivants avant d'aboutir, au chapitre 28, à son exemple de la récitation d'un canticus et aux extrapolations qu'il en tire. Extrapolations, à partir desquelles Paul Ricoeur développe l'hypothèse de base de Temps et récit, à savoir que « le temps devient temps humain dans la mesure où il est articulé de manière narrative ; en retour le récit est significatif dans la mesure où il dessine les traits de l'expérience temporelle » (Ricoeur : 17.).
Le fait que Paula ait choisi de reproduire ces trois extraits de la réponse de saint Augustin à la question des donatistes pour illustrer les années d'études de son grand-père n'est pas innocent, car, s'ils sont l'amorce de la méditation d'Augustin sur le temps, tout comme ils sont au coeur de l'analyse que fait Ricoeur de la méditation augustinienne, ils sont aussi les prémices du traité sur le temps que Paddon a ensuite tenté de réaliser, tout en faisant partie de la problématique du commencement du roman qu'elle s'apprête à écrire.
LA MÉLODIE DU TEMPS
Immédiatement après avoir cité ces trois extraits, tous regroupés dans la même page, la narratrice raconte :
Tu accordas tous tes sens Paddon pour recevoir ce thème [la question du temps], chaque fois que retentissait dans tes lectures sa mélodie étrange : de quelle nature était le phénomène du temps ? était-ce une chose concrète ou bien abstraite ? réelle ou imaginaire ? universelle, culturelle ou individuelle ? (Huston : 41),
et, plus loin, elle ajoute : « Tu avais trouvé ce que tu considérais comme un sujet en or pour ta thèse de doctorat : l'histoire du temps – une analyse des conceptions et descriptions humaines du temps à travers les âges » (Huston : 46). Thèse de doctorat qu'il n'entreprit jamais, car il dut abandonner ses études, et ce n'est que beaucoup plus tard qu'il tenta sporadiquement de reprendre ce projet sans jamais réussir à le mener à terme. Au-delà de ce que ces anecdotes peuvent apporter à l'intrigue, il faut noter dans le premier des deux derniers passages cités l'association de la question du temps à une métaphore musicale : la « mélodie étrange ». Paula avait d'ailleurs déjà associé la question du temps et le chant quelques pages plus haut, à la fin du chapitre précédent, lorsqu'en racontant quelques péripéties de l'enfance de son grand-père dans un petit village près de Calgary, elle décrit un office religieux pendant lequel le jeune Paddon devait attendre que le pasteur finisse de parler, puis,
le petit orgue émettait sa note stridente et le dernier cantique [je souligne] roulait à travers la plaine comme une boule d'amarante morte, piquante et pleine de vide […]. C'est alors, est-ce alors, que furent plantées les toutes premières graines de ton travail sur le temps (Huston : 36).
Le lien entre le titre de la version française de Cantique des plaines et l'association entre le chant, la plaine et la question du temps saute aux yeux dans cette citation. Cependant, d'autres passages lient encore plus clairement le titre de la version anglaise de ce roman, Plainsong, à cette association :
La messe te parut interminable : des troupes d'enfants de choeur […] en psalmodiant des phrases latines lugubres qui s'appuyaient longuement sur la même note et remontaient en demi-ton à la fin puis redescendaient aussitôt, et le choeur et l'assemblée des fidèles leur répondaient dans la même tonalité triste : c'était cela le plain-chant [je souligne], toujours cette même mélodie plaintive vacillant autour d'une note unique (Huston : 210)
Après ce genre de soirée, ta confusion mentale était telle que tu aurais voulu courir à nouveau le long de la voie ferrée, ne plus voir que les deux lignes droites parallèles et les centaines de traverses perpendiculaires rayant le sol plat à l'infini, […] rendant ton esprit aussi lisse et vide et muet que les plaines, oui, Paddon, jusqu'à ce que tu sois non seulement seul mais au-delà de la solitude, jusqu'à ce que tu ne sois plus toi et qu'il ne reste que le chant, cette longue ligne de notes plaintives, cette lamentation immobile ; le plain-chant, dans toute sa splendeur monocorde. (Huston : 220)
Il est vrai qu'il n'y a pas de liens explicites entre le chant et la question du temps dans ces extraits, sauf que la recherche permet de découvrir que le plain-chant, plainsong en anglais et canticus planus en latin, dont il est question dans ces deux extraits, est en rapport avec la question du temps dans la méditation de saint Augustin du livre XI des Confessions. En effet, même si Augustin ne précise pas le nom du cantique qu'il récite à la fin de la démonstration de sa théorie du temps, cantique que France Farago qualifie de « mélodie du temps » (Farago : 34) dans son essai sur saint Augustin, il est fort probable qu'il s'agit d'un plain-chant. En effet, tout au long de sa confession, Augustin entretient une relation privilégiée avec ce type de chant, et plus précisément avec le Deus creator omnium, un cantique de saint Ambroise. La mise en lumière de cette relation ouvre une nouvelle piste à la recherche en proposant d'interpréter le titre de Cantique des plaines, et d'analyser les enjeux de ce roman dans une perspective qui diffère de celle qui proposée par la plupart des analyses critiques qui se sont jusqu'ici penchées sur cette oeuvre et qui ont surtout privilégié la question de la quête identitaire en rapport avec les origines albertaines de Nancy Huston.
LE PLAIN-CHANT : DEUS CREATOR OMNIUM
Il n'y avait pas longtemps qu'on avait adopté dans l'Église de Milan, cette manière de se consoler et de s'encourager, où les frères avec enthousiasme chantaient ensemble dans l'union des voix et des coeurs […] institution qui, depuis lors jusqu'à ce jour, s'est maintenue et que déjà un grand nombre et presque la totalité de tes ouailles, même dans le reste du monde, ont imitée (IX, 7, 15)
Ce passage, qui inaugure le chapitre 7 du livre IX des Confessions, a une grande valeur historique, car il est l'un des rares témoins de l'apparition des chants dans la liturgie chrétienne. Innovation qu'Augustin attribue à saint Ambroise, l'évêque qui l'a baptisé en 387.
L'habitude de prier le matin et le soir remonte à la tradition juive et les hymnes ambroisiens sont une synthèse de l'héritage juif, grec et latin. Avant eux, la liturgie des premiers siècles de la chrétienté se limitait à la récitation des psaumes. Ce qu'on appelle, psalmodier. Un récitant déclamait les vers et les fidèles répondaient par un alléluia ou un amen qui signifie : c'est vrai ! Les hymnes de saint Ambroise représentent un changement important, car ils sont chantés par toute l'assemblée. Quelques siècles plus tard, à la fin du VIe siècle, ils seront codifiés par saint Grégoire et porteront son nom. le chant grégorien est un chant a capella, sans accompagnement musical, et monodique, c'est-à-dire sans simultanéités sonores. Tout le monde chante à l'unisson. On l'appelle aussi plain-chant, parce que, comme la plaine, c'est un chant plat, uni et égal.
L'histoire, telle que relatée par Augustin dans ses Confessions, se déroule à Milan, pendant les années 386 et 387. Justine, la mère du jeune empereur Valentinien, avait fait adopter un décret qui obligeait les chrétiens de la ville à rendre une partie de leurs églises au clergé arien, une secte hérésiarque. Les fidèles avaient alors occupé ces édifices pour empêcher leur passation et l'armée impériale les encerclait afin d'appliquer la loi. La mère d'Augustin, Monique, qui était chrétienne, était parmi eux, et Augustin, non encore converti à cette époque, assistait à ces événements de l'extérieur, en spectateur. Cette guerre d'usure a duré des mois, et les hymnes des heures ont aidé les chrétiens à gagner cette bataille en contribuant au maintien de leur moral. À partir de ce moment, les hymnes ont pris une grande place dans la liturgie chrétienne, notamment dans les offices des heures dans les monastères où ils se sont transmis jusqu'à aujourd'hui.
Plus loin, dans le même livre IX, au chapitre 12, Augustin fait encore une fois référence aux hymnes de saint Ambroise alors que, au lendemain des obsèques de sa mère, il entonne le Deus creator omnium afin de dénouer l'angoisse qu'il ressent :
Mais voici que la levée du corps s'est faite : nous partons, nous revenons, sans une larme. Car, même pendant ces prières que nous avons épanchées en toi, tandis que l'on offrait pour elle le sacrifice de notre rachat devant son cadavre déjà posé près de la tombe […], je n'ai pas pleuré ! Mais toute la journée, je fus accablé par la tristesse […]. Ensuite je m'endormis ; à mon réveil, je trouvai en grande partie ma souffrance adoucie, et, dans la solitude de mon lit, je me rappelai les vers si vrais de ton Ambroise :
Dieu créateur de toutes choses,
qui règles les cieux, qui revêts
le jour de seyante lumière,
la nuit des grâces du sommeil,
afin qu'aux membres détendus
le repos rende aisé l'ouvrage,
qu'il soulage l'esprit lassé
et des deuils qu'il dénoue l'angoisse (IX, 12, 32)
Ce chant « rend grâce à Dieu pour le jour écoulé et lui présente ses demandes pour la nuit qui vient » (Fontaine : 231). Il représente donc en lui-même toute la structure du temps : passé, présent et futur. En chantant cet hymne, le fidèle se remémore le passé et exprime ses souhaits pour le futur, tout en demandant consolation pour l'angoisse qui l'habite dans le présent de sa prière.
Mais, ce n'est pas tout, car une lecture de la méditation sur le temps du livre XI révèle que saint Augustin se sert à nouveau du Deus creator omnium (XI, 27, 35), une fois, explicitement, quand il tente de résoudre l'aporie de la mesure du temps, et, une autre fois, sans toutefois le nommer spécifiquement, quand il récite un « un chant [qu'il connaît] » (XI, 28, 38) pour démontrer que le temps est la distension d'une âme à la fois tendue et distendue. Ainsi, le chant métaphorise le temps dans la méditation augustinienne tout comme la « mélodie étrange » métaphorise la question du temps dans Cantique des plaines.

LE CHANT DANS LA MÉDITATION DE SAINT AUGUSTIN
À partir de sa célèbre question « Qu'est-ce en effet que le temps ? » (XI, 14, 17), Augustin commence par se demander si le temps existe puisque le passé n'est plus, que le futur n'est pas encore et que le présent ne dure pas parce que s'il durait il ne serait pas du temps mais l'éternité. Pourtant, enchaîne-t-il, nous parlons du temps pour dire par exemple que cent ans est plus long que dix jours. C'est ainsi que l'existence du temps peut s'affirmer par l'entremise de l'expérience du langage, car si nous pouvons comparer des temps longs à des temps courts dans ce que nous disons, c'est que le temps existe. Comment, en effet, pourrions-nous mesurer quelque chose qui n'existe pas ?
Si le langage témoigne de l'existence du temps, il n'explique cependant pas comment il se mesure. Toutefois, il révèle que c'est quand il passe que nous pouvons le mesurer. La notion du passage amène nécessairement la question de savoir où s'effectue ce passage et Augustin y répond en se disant que les choses du passé sont dans le souvenir qu'elles laissent dans l'âme en passant dans le présent, et, de même, les choses du futur sont dans la prévision que nous effectuons dans le présent. Il est d
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Paula cherche à retracer la vie de son grand-père, Paddon, décédé. Par le biais d'anciennes notes lui appartenant, elle tente de faire revivre cet homme qu'elle adore tant.
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Mais Céline est bien autre chose que grosse et très vite on s'attache à elle. Céline aime la vie, la nature. Céline aime avec tout son coeur, mais les "gens" ne la comprennent pas. Céline vit dans sa maison loin des "autres" . Céline donne de tout son coeur, et accompagne un voisin âgé en fin de vie... Céline c'est la passion.
Céline est ainsi... elle s' est forgée cette carapace d'amour parce que la vie ne l'a pas épargnée et Céline et aussi plein de failles, de douleurs.
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Cela faisait longtemps que je n'avais pas eu un coup de coeur de lecture !
C'est chose faite avec ce "cantique des plaines". Je crois que plus que l'histoire en elle-même, j'ai été totalement sous le charme de l'écriture de Nancy Huston : son rythme et sa musicalité.
A la mort de son grand-père, Paddon, la narratrice récupère des notes et s'attèle à une promesse qu'elle lui a faite étant enfant : rédiger le livre qu'il n'a jamais eu le temps d'écrire (sur le temps d'ailleurs). Et finalement, c'est une véritable saga qui va naître de cette promesse. L'histoire de cette famille depuis la fin des années 1800 jusqu'aux années 1960. Paddon, le personnage central n'a rien d'un héros, d'ailleurs par beaucoup de ses comportements il n'est pas un personnage qui pousse à être aimé : il a la main leste sur ces enfants, il trompe sa femme,... Mais son histoire, celle d'un homme qui passe à côté de sa vie et de ses rêves, fait ressortir l'histoire de la société, le poids des conventions et aussi l'histoire du Canada avec la manière dont les nouveaux arrivants ont traité les peuples premiers. C'est un roman qui fourmille de tellement de choses que je suis littéralement tombée sous le charme. Je n'ai qu'une envie, découvrir les autres livres de cette auteur !
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