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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
“Prisonnier politique”, un terme qui me donne la chaire de poule. On est puni, tout simplement parce que nos idées et convictions ne correspondent pas à ceux qui sont au pouvoir.....et pour ça Hyonu a dû faire dix-huit ans de prison, enfermé dans une cellule. On le rencontre dans les premières pages de ce magnifique roman alors qu'il se prépare à retrouver sa liberté. Nous sommes en Corée du Sud ( et non du Nord) fin années 90.

18 mai 1980 à Kwangju eu lieu un massacre sanglant de civils par les militaires, qui mit fin au " printemps de Seoul" , nom donné à la vague de contestation aspirant a la démocratie suite à l'assassinat du dictateur au pouvoir. La détention de Hyonu y est liée, étant arrêté comme " fomenteur de trouble et d'impuretés sociales ". A l'origine condamné à perpétuité il finira avec dix-huit ans, presque le quart d'une vie humaine, où le monde a beaucoup changé. C'est un retour à la vie, donc aux souvenirs, aux sentiments et à l'usage de la parole. Et les souvenirs sont amers, ceux des années avant et durant la détention, ceux des amis disparus et surtout celui de la femme aimée, morte, Yunhi, la vraie héroine du roman. On va la rencontrer à travers les souvenirs de Hyonu, mais aussi des carnets personnels et des lettres qu'elle a laissés dans sa maison à Kalmoe. Un personnage courageux et sincère que j'ai beaucoup aimé.

C'est une écriture puissante, doublée d'un magnétisme poétique qui nous révèle cette histoire douloureuse, étroitement liée à la vie de l'écrivain et à l'Histoire de la Corée du Sud. Entre vécu et fiction , l'histoire "de l'idéalisme d'une jeunesse, la sienne et celle de ses compagnons en quête d'une utopie, de ce "vieux jardin" toujours cherché et jamais atteint” , avec la présence de la patte de l'américain, comme toujours là où il y a bordel. Pour eux l'occasion à jamais de vendre leurs gadgets mortels, des montagnes d'armes, des avions de combat supersoniques, des vaisseaux de guerre et des porte-avions ( p.375 ). Quand à l'histoire de la Corée du Sud, elle n'a rien à envier aux dictatures sud-américaines ou autres par le monde, vu leur brutalité, leur inhumanité en tout genre de tortures, massacres et disparitions.

Malheureusement tout idéologie utopique, n'arrivant pas à dépasser le stade des idées, se termine en désastre, et on revient à la case de départ; car l'homme même idéaliste, une fois le pouvoir en main n'arrive pas à échapper à sa nature de despote inné. Et ceux qui ont suivi, souffrent ou meurent pour un idéal qui s'avère finalement qu'une illusion. Lutte ou pas lutte, les idéologies suivent leurs cours, naissent, vivent et meurent, laissant la place à d'autres. L'idéal qu'on cite comme liberté , fraternité, égalité pour tous, personnellement je n'y crois plus du tout, une belle phrase, qui reste une belle phrase. Mais l'auteur lui, à la question : y a-t-il encore de l'espoir ? , répond, " Tant qu'il reste possible de s'interroger ainsi, tout peut recommencer." J'espère qu'il a raison.

" Pour parler comme Ernst Bloch, " le Vieux Jardin" serait le portrait d'une génération qui a poursuivi le rêve d'une vie meilleure ". Très triste et très beau, une première rencontre époustouflante avec Hwang Sok-Yong.


“Quel monde avez-vous tant espéré sans qu'il vous soit donné avant de partir ?”

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« le vieux jardin »…que de riches évocations émanent de ce titre… le vieux jardin, celui de l'utopie égalitariste, sans cesse cherché, jamais atteint, le jardin des rêves brisés de toute une jeunesse, en l'occurrence la jeunesse coréenne ici dans ce livre, mais de toute jeunesse du monde en réalité, broyée par la dictature militaire. Une jeunesse qui imaginait une caverne s'ouvrant sur un autre monde, ne connaissant ni la douleur, ni la violence, ni les inégalités, ni la pauvreté, ni la faim. Un monde plus harmonieux où pourrait fleurir toutes sortes de fleurs aux couleurs splendides.
Le vieux jardin, celui des souvenirs aussi, fleurs d'un rose de tissu fané mais bien vivaces, ce jardin aux feuilles veloutées, telles des mains protectrices et caressantes, dans lesquelles venir se blottir quand vous vivez l'insoutenable. le cachot. La privation. L'humiliation. L'horreur. Celle d'un prisonnier politique en Corée. Tel est l'objet de ce gros livre absolument magnifique. Appréhendé à travers le prisme d'une histoire d'amour de toute beauté et d'un portrait de femme fort. Femme qui est en vérité le personnage central du roman. Un livre de Sok-Yong Hwang que nous pouvons qualifier de chef d'oeuvre qui m'a laissé hébétée et les larmes aux yeux. Inoubliable. Beau et triste à la fois.

Libéré après dix-huit années de prison, l'opposant politique O Hyônu apprend que la femme qui l'a caché, l'a aidé autrefois et qu'il a profondément aimée, est morte relativement jeune. Elle a laissé de nombreuses lettres, son journal, des peintures et des dessins que O Hyônu découvre à sa libération. Désemparé dans une Corée qu'il ne reconnait plus, l'homme nous raconte ses années de lutte idéaliste, sa rencontre avec Han Yunhi, leur histoire d'amour, parenthèse enchanteresse dans la ville pittoresque de Kalmoe puis l'emprisonnement, les humiliations, les grèves de la faim, la solitude. S'entremêlent à ces souvenirs les écrits de Han Yunhi qui a dû apprendre à vivre sans lui, à travailler, à lutter à sa manière dans un réseau de résistants. Elle relate également son séjour en Allemagne et la chute du mur de Berlin. C'est l'itinéraire d'une peintre coréenne des années 1970 aux années 1990. L'alternance des voix de l'un et de l'autre des deux amants, souvenirs pour l'un, écrits et peintures pour l'autre, nous donne un sentiment d'union, d'entrelacement malgré la séparation et la brièveté de leur union.

J'ai été littéralement émerveillée par ce livre, véritable pépite coréenne. Sa façon de nous décrire les conditions d'incarcération tout d'abord, les sentiments éprouvés par O Hyônu pendant ces dix-huit années d'emprisonnement, est très marquante. Plusieurs images fortes sont gravées à jamais en moi. Notamment les liens d'affection des prisonniers noués avec les animaux, multiples chats errants, pigeons, fourmis, rats et souris qui rodent dans les prisons, ou encore, les sensations corporelles, sensorielles, éprouvées lors de ses nombreuses grèves de la faim des semaines durant.

« le tube fluorescent était tellement usagé que ses extrémités étaient noircies et qu'il émettait un bourdonnement de plus en plus fort. Quand dans mon insomnie nocturne je me retournais, j'avais l'impression que ce bruit traversait mon crâne en y faisant naitre des ondes. La lumière du tube allumée jour et nuit se transformait en bruit pour envahir mon cerveau. Les sensations du corps laissaient place à une conscience de plus en plus vive. Entre le troisième et le quatrième jour, c'était la frontière, une sorte de feuille blanche à la fin d'un chapitre. A partir du cinquième jour et surtout une semaine plus tard, les protestations indignées du corps commençaient à s'apaiser, à disparaitre. Les excrétions s'arrêtaient pratiquement pour n'être plus qu'un filet de liquide blanchâtre. A ce stade-là, toute odeur de cuisine me donnait la nausée. de mon corps émanait une légère puanteur de poisson saumuré, fermenté, ou de sauce soja mijotée, dont s'imprégnaient mes vêtements et ma couverture (…) Pourquoi un estomac vide rend-il les événements du passé si nets ? Prendre ses trois repas par jour, c'est appartenir au présent, c'est appartenir à ce monde. Sans cela, est-ce qu'on est du présent ? »

Ces écrits sur la prison sont d'autant plus troublants lorsque nous savons que Sok-Yong Hwang a lui-même été emprisonné pour des raisons politiques et qu'il a fait huit grèves de la faim. Je n'ai pas pu m'empêcher de penser que certains passages étaient sans aucun doute autobiographiques. Et cela se sent tant les descriptions sont réalistes, puissantes, quasi hypnotiques par moment, souvent poétiques par pudeur et délicatesse. Entre vécu et fiction, ce livre mêle l'histoire personnelle de l'auteur au sein de l'Histoire de la Corée du Sud, et la tragédie romancée d'un couple séparé. C'est ainsi que, par le biais de ce récit, Hwang nous raconte également les conditions ouvrières inhumaines durant le boom économique des années 80 alimentant nos marchés, notre surconsommation. Rouage du capitalisme.

Le portrait de femme que nous offre l'auteur est également saisissant tant ce portrait nous dévoile une femme courageuse, forte, indépendante et amoureuse. C'est elle, l'héroïne du roman. La mère courage. Celle qui porte un regard lucide et sage sur la vie.

« Pendant les mois précédant sa mort, mon père et moi en étions arrivés à nous comprendre rien qu'en croisant nos regards. J'avais fini par défaire tous les noeuds. Ma mère avait sans doute compris cet homme beaucoup plus tôt, quand il était dans la montagne. Comme je n'étais pas sa femme mais sa fille, il m'avait fallu plus de temps. C'est vrai, la vie ne fait pas de cadeau. Quand j'y pense maintenant, la vie ne donne les réponses à ses énigmes qu'à ceux qui acceptent les épreuves et les douleurs. C'est normal ».

« le vieux jardin » est un roman politique, un roman historique sur la Corée du Sud de la fin du 20ème Siècle, un roman d'amour, un livre profondément humain, puissant, ambitieux, d'une finesse, d'une pudeur, et d'une intelligence rare. Un chef d'oeuvre de la littérature coréenne sur les illusions perdues de toute Révolution.

« La révolution…et après ? Cela ne devait être possible que dans un hameau perdu sur une montagne sans âme, desservi par un chemin primitif seulement accessible à un chariot ou à un âne. (…) Je décidai de vivre en aimant mon travail, d'une façon encore plus simple et tranquille que Chônghi. le gaz lacrymogène ne me fera plus pleurer. Comme les arbres d'un campus, je resterai calme, sans rien éprouver, gardant simplement quelques feuilles ».
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"Nous changeons comme une montagne de terre peu à peu usée par le vent et la trace que nous laissons dans le monde est bien différente de celle que nous avions imaginée au départ."

***

Figure majeure du paysage littéraire sud-coréen, Hwang Sok-yong a produit une oeuvre abondante qui ausculte l'histoire tumultueuse de son pays.  Une histoire contemporaine, rappelons-le, marquée par l'occupation japonaise (1910-1945), la libération puis la partition de la péninsule au sortir de la seconde guerre mondiale (1945), la guerre de Corée (1950-1953) et pour finir la succession de dictatures militaires (jusqu'en 1987). Fervent partisan de la démocratie et d'un rapprochement entre les deux nations, l'écrivain dissident a connu l'exil ainsi que l'emprisonnement (1993-1998).

Avec le vieux jardin (paru en 2000), il signe un roman d'inspiration autobiographique puissant, profond, sensible, absolument remarquable. Il y est question de combat politique, d'idéalisme,  d'attentes déçues et d'existences brisées mais aussi d'amour transcendant l'adversité. Ses quelques sept cent pages d'une beauté souvent tragique, se lisent avec intense émotion.

En toile de fond, se trouvent les grands bouleversements politiques et sociaux ayant secoué la Corée du Sud depuis les années 80, et plus particulièrement le soulèvement populaire de Kwangju qui fut réprimé de façon sanglante par les autorités. Un traumatisme individuel et collectif toujours béant.

*

Corée du Sud, fin des années 90.

"Mille quatre cent quarante-quatre, c'était depuis longtemps mon nom. J'avais presque oublié le vrai."

Condamné à perpétuité pour avoir mené des activités clandestines sous l'ancien régime dictatorial, l'opposant politique O Hyônu est finalement libéré après dix-huit ans de détention. Une fois dehors, il découvre que le monde connu jadis a fortement changé, brouillant ainsi ses derniers repères et que la femme dont il était amoureux s'est éteinte des suites d'un cancer quelques années plus tôt.

Après un court séjour chez sa soeur aînée - soutien indéfectible, il prendra la route en direction de Kal­moé. Au coeur de ce petit village perdu entre collines et montagnes, se trouve la maison où tous deux ont vécu leur passion. Lui, en cavale. Elle, sa protectrice. Des mois idylliques arrachés à une vie en sursis, avant que la réalité ne les rattrape et les sépare.

"Comme un navire qui s'éloigne du quai après avoir hissé la toile, notre amour s'apprêtait à traverser un océan où il affronterait d'innombrables vagues et tempêtes. Il venait pourtant à peine de s'éveiller."

Les murs portent encore les traces de leur passage et parmi les affaires d'Han Yunhi figurent, entre autres, de nombreuses lettres et carnets manuscrits. Un leg précieux, inespéré, salutaire. Des écrits intimes retraçant le quotidien face au gouffre de l'absence. Professeure et artiste-peintre, elle lui raconte les différents combats menés tête haute depuis son départ jusqu'à ce que la maladie l'emporte.

"Je reste cette existence vague qui attend que tu reviennes à la vie dans cet univers de poussière. Alors j'irai bien."

Gardés enfouis au fond de sa mémoire, "parce-que les entretenir n'aide pas à survivre", les souvenirs et sentiments d'O Hyônu eux aussi ressurgissent. Son parcours d'activiste et de fugitif, les idéaux poursuivis, sa rencontre avec celle qu'il n'oubliera jamais, son arrestation puis l'épreuve carcérale et son cortège d'humiliations, les grèves de la faim…

À travers ce personnage, nous le ressentons, l'auteur dévoile un pan important de sa propre expérience. Des passages criant de vérité, amenés avec pudeur et retenue, qui  enserrent le coeur. En parallèle,  il nous offre également d'inspirantes réflexions sur les affres du temps et de la perte, l'engagement, le sens du sacrifice pour une cause plus grande que soi,  la désillusion…

"Un détenu traverse des moments critiques : quand il se met en route vers la prison après la sentence; au bout de trois d'emprisonnement dans une cellule d'isolement; au début de la dixième année; quand sa femme refait sa vie; quand un membre de sa famille décède, surtout sa mère; quand son enfant est malade; quand un gardien qu'il haïssait revient; quand il est puni injustement; quand, dans un cachot plongé dans les ténèbres, sans la moindre fenêtre, il doit manger les mains menottées dans le dos et les pieds enchaînés en rampant comme un animal. Dans ces moments-là, il peut passer de l'autre côté. Son âme abandonne son corps pour se créer son propre univers."

*

Chapitre après chapitre, les deux voix s'alternent, s'entrelacent, se confondent, s'interpellent, se complètent, se répondent. Aussi brève que fut leur relation,  nous en mesurons  progressivement toute la force et la profondeur. En dépit des années écoulées, bravant la mort, un dialogue semble s'instaurer entre eux.

"Tu dois avoir un certain âge, toi aussi, à présent. Les valeurs pour lesquelles nous nous sommes battus ont été atomisées, mais elles brillent encore parmi la poussière de ce bas monde. Tant que nous vivrons, nous devrons recommencer, encore et encore. Qu'as-tu trouvé dans cette obscurité et cette solitude encerclées de murs? N'as-tu pas aperçu par hasard, en te glissant entre deux rochers, un monde plein de fleurs aux multiples couleurs dans la splendeur du soleil? As-tu trouvé notre vieux jardin?"

Au fur et à mesure que nous reconstituons le puzzle de ces destins en prise avec les soubresauts de l'Histoire, apparaissent de magnifiques portraits, sculptés avec finesse et précision. Des rencontres qui me marqueront durablement et auxquelles j'associe les mots courage, grandeur, abnégation, exemplarité. 

Pour quel combat, serions-nous prêts aujourd'hui à donner notre vie? 

Décrit comme un "roman politique et d'amour", l'ouvrage rend également un émouvant hommage à toutes les générations portées par la flamme de la résistance; celles qui ont survécu et celles qui furent sacrifiées sur l'autel de la dictature.

Sa chronologie éclatée et les petites longueurs observées en cours de lecture, n'auront à aucun moment affaibli mon intérêt. J'ai tourné les pages avec fascination et admiration, littéralement séduite par la prose envoûtante, poétique, subtilement évocatrice et éclairée d'Hwang Sok-yong

Un coup de coeur.

***

"Toi au-dedans et moi au-dehors, nous avons vécu ce monde. Ce fut parfois difficile, mais réconcilions-nous avec les jours passés."

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La littérature Coréenne, je ne connais que très peu. C'est également le cas de la culture et l'histoire de ce pays.

Je savais qu'il y avait eu une guerre dans les années 50, que le pays était passé d'un pays pauvre à une puissance économique, que c'est un pays très misogyne. Je savais la séparation Nord / Sud. J'avais vaguement conscience du rôle américain.

En lisant ce roman : "Le vieux jardin" j'ai découvert un peu plus ce pays. Quelle découverte.

L'évolution de ce pays s'est faite sous des dictatures qui ont broyées ses opposants politiques. Ce livre raconte l'histoire d'un homme. Militant communiste, il va être arrêté, torturé et condamné à perpétuité. on n'est pas dans les années 50... non dans les années 80 / 90.

Après 18 ans, il sort de prison. le livre raconte son parcours et son expérience. Les pages sur sa vie en prison sont très réalistes. Les grèves de la faim sont relatées avec les différentes phases psychologiques. c'est très fort.

Et surtout il raconte en parallèle l'histoire d'une femme qu'il a rencontré quelques mois avant son arrestation. Ils se sont aimés et ne se reverront jamais car n'étant pas mariés, ni de sa famille, elle n'obtient pas de permis de visite. Interdit également les lettres. Elle meurt avant sa sortie.

Mais elle va lui laisser des cahiers qu'il va lire à sa sortie.

C'est puissant. On passe de la vie en prison, à la vie de cette femme. Une femme qui va vivre une vie à la fois libre et enfermée.

On va la retrouver à Berlin lors de l'ouverture du mur de Berlin. Bien entendu le parallèle avec les 2 Corées est fait. Plus que ce parallèle, ce qui est intéressant ce sont les réflexions des personnages sur l'évolution de l'histoire et comment une utopie se fracasse face aux réalités. Comment des destins humains ont été balayés par L Histoire.

Hwang Sok-yong, l'auteur, a été emprisonné 7 ans en 1993...

On ne peut s'empêcher de penser à Erri de Lucas et son ouvrage Impossible.





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Je viens de terminer cette lecture dans des larmes, réelles, avec l'envie dans les dernières pages d'arriver à la fin et lorsque celle-ci est venue, l'envie de continuer, tout en sachant que la fin était là.
Ce livre que j'ai découvert tout à fait par hasard et au feeling, est sublissime. Oui j'ose cette entorse à notre langue.
Je ne vais pas le résumer, je ne vais pas découvrir toutes les histoires. Elles sont nombreuses, histoires et vies qui se croisent dans ce roman absolument fleuve, riche, dense, et qui m'a fait passer d'une froideur glaçante à des émotions d'une tendresse incroyable.
J'essaye de donner le cadre : il s'agit de l'histoire, de la vie d'un jeune coréen qui milite pour les droits démocratiques dans son pays, la Corée du sud, dont bon nombre d'entre nous ignore qu'elle a été une affreuse dictature soutenue, et même créée par les Etats-Unis. Des massacres, il y en a eu et ils sont absolument horribles : Jeju, gwangju....et ce sont des milliers de morts, torturés, exécutés, croupissant dans des prisons comme le héros de ce livre.
Il raconte son combat. Puis sa vie en prison. Ces pages sont magnifiquement atroces... comment il observe la vie d'une fourmi dans sa cellule qui l'isole de tout... Puis lorsqu'il recouvre la liberté, alors que la vie devrait renaître, il découvre tout ce qui a disparu. Comment la vie, l'espoir, l'envie, l'envie d'aimer, pourraient revenir ?
La Corée ? elle aura changé entre temps mais pour devenir quoi ? Un vaste marché commercial.
Il raconte au passage quelles ont été les conditions de vie des ouvriers et ouvrières coréennes pendant ce fameux boom économique des années 70 et 80.... Et encore des massacres pour les combattants des droits syndicaux. Et pendant ce temps on désindustrialisait ici pour profiter au sens fort, donc des milliers d'européens étaient mis au chômage pendant que des milliers de coréens étaient asservis et travaillaient dans des conditions inhumaines.
Hwang a une vision (étant donné les dates de rédaction du livre) très perspicace, très humaine, et globale. Mais il est désespéré. Comment aujourd'hui combattre ce monde de merde, basé sur la consommation, le profit, le gain alors qu'il suffirait de vivre près du "Vieux Jardin".
Ce roman est éminemment politique et d'une intelligence peu commune.
Conclusion, je m'apprête à lire ses autres oeuvres.
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Une grande fresque dans l'histoire de la Corée et du monde qui s'ancre à la fin du XXe siècle, mais aussi une histoire d'amour, une plongée dans la culture coréenne, une interrogation sur les valeurs et principes qui fondent les relations sociales. O Hyônu, incarcéré depuis 18 ans pour des raisons politiques est libéré et lâché dans un monde qui a beaucoup changé. Nous apprenons peu à peu son histoire, ses luttes, et en filigrane des événements qui se sont passés dans son pays. En parallèle, se déroule la vie de Han Yunhi, la femme avec qui il a vécu une brève et intense histoire d'amour peu de temps avant d'être arrêté. Elle est morte pendant l'incarcération de O Hyônu, mais elle a laissé des carnets, une sorte de journal intime. Les deux chemins de vie se passent loin l'un de l'autre, avec le court intermède de la cohabitation dans une maison isolée à la campagne, moment de répit et de sérénité. Les 18 ans ont été très différents pour chacun des deux protagonistes principaux : O Hyônu enfermé dans les murs étouffants de la prison, luttant pour survivre, pour échapper à la folie, et une vie plus remplie, même si compliquée, pour Han Yunhi, qui tentait de réaliser sa vocation d'artiste, qui a voyagé, a assisté à la chute du mur de Berlin, a vu changer le monde.

Un roman d'une grande ambition, aussi bien en ce qui concerne le sujet que la forme, très travaillée. Galeries de portraits très forts, chronique du temps qui passe, réflexion sur la façon d'organiser la société, sur les choix de valeurs qui structurent une vie… les thèmes et les sujets abordés sont nombreux. le traitement, comme souvent chez les auteurs coréens et asiatiques en général, est pudique, et donc en partie elliptique, ce qui peut être parfois un peu déroutant pour les lecteurs qui n'ont pas l'habitude de ces littératures. Même si ici l'auteur explicite davantage, et qu'un certain lyrisme est présent dans les portraits de ces générations sacrifiées. L'histoire tourmentée et violente de la Corée de la fin du XXe siècle, pas forcément bien connue en Europe, et quelque peu en décalage avec l'image dynamique et moderne du pays actuellement, prend vie grâce aux personnages du roman de Hwang Sok-Yong. Mais le livre baigne aussi dans une description délicate d'états d'âme, de ressentis, d'ambiances et de paysages.

A la fois fort, intense et très poétique, le vieux jardin est un livre marquant pour le lecteur qui aura réussi à pénétrer à l'intérieur de son univers si particulier.
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Libéré après 18 ans, un prisonnier politique découvre que la femme qu'il aimait est morte, laissant derrière elle des carnets racontant la vie qu'elle a menée sans lui.

Dans ce roman-témoignage à deux voix, nous suivons en parallèle O Hyônu, incarcéré pour avoir critiqué le gouvernement et avoir manifesté pacifiquement, et YunHi, qui vit les changements sociaux et politiques de la fin du 20e siècle en Corée du sud, alors qu'ils ne peuvent avoir aucun contact l'un avec l'autre.

Le récit se déroule entre 1980 et le début des années 2000, le Soulèvement de Gwangju servant de point d'ancrage à l'intrigue. Il raconte l'engagement des étudiants coréens contre la dictature et la corruption, leurs manifestations réprimées dans le sang et la violence. Les condamnations à perpétuité. L'incarcération, dans des conditions effroyables. Mais aussi le combat de ceux restés libres, la vie des proches, sympathisants ou citoyens ordinaires. La solidarité, la peur. La dérive de la femme aimée, les familles brisées.

L'ambiance est douce-amère, parfois poétique, souvent rude, qu'on nous décrive l'environnement où évoluent les personnages, la vie dans la Corée du Sud de la fin du 20e siècle sous la dictature militaire ou les conditions d'incarcération des prisonniers, en particulier politiques.

On oscille entre 1980 et 2000, on navigue, pas toujours chronologiquement, entre l'avant et l'après, entre les souvenirs des protagonistes et les difficultés de réadaptation du Hyônu, entre les idées politiques et les carnets intimes de YunHi.

C'est un roman en partie autobiographique, ce qui rend la lecture d'autant plus touchante et prenante. le texte est dense et demande de l'investissement et de la concentration de la part du lecteur. Impossible d'en ressortir indifférent-e.

Un must-read si vous vous intéressez à la Corée et/ou à l'Histoire du 20e siècle. A lire également si vous cherchez un récit de destins contrariés ou empreints de nostalgie.
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Ce roman de Hwang Sok-yong est tout simplement bouleversant. Nous y découvrons les idéaux et les rêves de jeunes gens en Corée du Sud pendant la dictature militaire. Véritable fresque historique de son temps (les années 80), ce roman peut être considéré comme un témoignage afin de ne pas oublier ce qui s'est passé et les souffrances endurées pour obtenir les avantages actuels.
Nous suivons avec plaisir le quotidien de deux personnages : O Hyônu et Han Yunhi. La narration est très agréable et originale, alternant entre les récits des deux protagonistes, tous deux à la première personne. J'ai aimé le fait que O Hyônu lise les cahiers de Han Yunhi et découvre peu à peu ses pensées, ses doutes et ses actions. À travers leur histoire, nous en apprenons plus sur la lutte d'une génération, mais également sur le côté sombre du régime : répressions et massacres, tortures, peine de mort pour les "rouges" et personnes trop actives politiquement.
Les sentiments de ces jeunes gens sont très touchants et énoncés avec simplicité. J'ai beaucoup aimé l'amour de O Hyônu et Han Yunhi, paisible et émouvant.
Ce roman est donc une lecture que je conseille vivement !
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J'ai pris du temps, beaucoup de temps pour apprécier chaque page, chaque ligne, chaque mot, qui vous amènent vers une réflexion à la fois sur les sociétés et les destins de chacun. Voyage à travers le temps, le tragique qui naît de la fougue de la jeunesse à la recherche d'un idéal, galvanisé par l'amour d'une femme, l'enfermement d'un artiste qui résulte de sa soif de liberté, de démocratie, d'idéal politique. Un livre puissant, sublime, par sa pudeur, tranchant avec la violence des sujets abordés : la mort, l'emprisonnement, la torture, la douleur... Une plume apaisée mais amère sur la vie, nos idéaux, nos aspirations, l'amour unique.
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C'est avec un immense sentiment de reconnaissance que je referme ce superbe roman ; cette fresque historique magnifique dotée d'un pouvoir merveilleux : celui de permettre au lecteur de se réapproprier le temps.
De le toucher, de la palper, de le faire sien.
Le temps de la lecture, de la belle phrase, de la langueur, celui du roman, de la description, de l'imagination, celui de l'Histoire avec un grand H et celui de l'amour surtout.

Je crois que de ce roman est né un film (que je n'ai pas vu, il en va de soit). Et je suis absolument certaine que jamais je ne souhaiterai le voir tant les images qui sont nées dans mon esprit tout au long de cette lecture sont aussi vives que vivantes. Je peux, après ces 700 pages dévorées, me remémorer le moindre restaurant dans lequel Han et Song ont mangé, le décor de la plus petite des chambres dans laquelle ils ont vécu, imaginer le moindre recoin de la cellule de O Hyônu, la moindre petite tache sur le plafond. J'ai le sentiment d'avoir sillonné les rues de Séoul avec Monsieur O quand il était recherché, d'avoir mangé des kimshi avec Han dans le petit paradis de Kalmoe et d'avoir tapé à la machine les tracts politiques à distribuer en cachette aux sorties des usines. Des petites braises que je me réjouis de raviver à la seule évocation de cette lecture.

Il y a dans le Vieux Jardin, roman peut-être le plus autobiographique de Hwang Sok-Yong, une éblouissante histoire d'amour. de celles capables de surnager bien au-dessus des vicissitudes du quotidien (même si ces vicissitudes impliquent la mort, la torture, l'abandon, l'emprisonnement à vie, la chute d'un mur, la vie de part et d'autre d'un autre, la fuite et la douleur). Une histoire d'amour donc entre O Hyônu, opposant politique sud coréen dans les années 80 et Han Yunhi, artiste peintre. Cette histoire se trouve narrée en deux temps : celui de la jeunesse, retraçant avec une fougue et une délicatesse surprenante les quelques mois d'une passion naissante dans la Corée des dictatures. Puis la séparation, brutale et sans appel suite à l'emprisonnement de O Hyônu dans les geôles coréennes.

Quand O Hyônu sort de prison, après dix-huit ans d'isolement, il ne retrouve de Yunhi que son journal intime, ses cahiers et quelques lettres. Se dresse alors en filigrane le magnifique portrait d'une femme engagée, éprise de liberté et celui, plus universel encore, de toute une génération en proie au rêve d'une vie meilleure.

C'est un roman infiniment apaisé malgré la violence de son sujet et son caractère hautement autobiographique ; un roman qui donne le temps au temps. Ne manifestant aucune volonté de briller ou de se transformer en une oeuvre étincelante. Et pourtant ! Ce roman est étincelant, puissant, incroyablement évocateur et extrêmement dense.

Tu l'as compris : tu as sous les yeux une superbe fresque historique, romantique et engagée, rédigée par un auteur qui, toute sa vie lutta contre l'oppression, qui de 1993 à 1998 fut expédié en prison pour avoir osé se rendre à Pyongyang afin de soutenir les artistes du nord, et qui fit dix-huit grèves de la faim pour obtenir ne serait-ce qu'un stylo-bille. Un écrivain du défi, un écrivain idéaliste dans un monde privé d'idéal.

Il nous livre un roman âpre et sublime, passionnant et terrifiant, fortement ancré dans la réalité politique de son pays. Crois-moi, on a sincèrement le sentiment de vivre tout ce que les personnages vivent sous nos yeux, on se sent un peu « opposant politique » après avoir fréquenté tout ce petit monde durant 700 pages, on découvre et apprivoise l'histoire et la culture de cette mythique et mal-connue Corée.

Le Vieux Jardin c'est aussi une rugosité poétique délicieuse et « une immense compassion pour la solitude de l'homme qui voit sa liberté bafouée. » (Marine Landrot, Télérama).

C'est un roman ambitieux, tant sur le plan de la forme que sur celui du fond. Les portraits de cette génération sacrifiée sont forts, les personnages puissants, attachants et terriblement humains ; le temps qui passe est une entité palpable, imperméable, âpre. C'est un très grand livre, un beau roman historique offrant une réflexion politique constante et passionnée sur l'engagement, un ouvrage dénonçant toutes les oppressions, un texte sur la Mémoire et une très belle ode à un amour que l'on sait condamné. C'est pudique, mélancolique, amer et désillusionné. C'est émouvant de force et de dureté, infiniment poignant, définitivement envoutant…bref, un roman à faire sien de toute urgence.
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