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Découverte de cette auteure,mais une très belle découverte qui m'a tenue éveillée jusqu'à deux heures du matin la nuit dernière.
Cette petite femme tatare aux grands yeux verts: Zouleikha,brutalisée par son mari Mourtaza ,et sa belle- mère : la Goule ,va faire preuve d'une incroyable force de caractère face aux événements qu'elle va devoir affronter.
Nous sommes en 1930 ,en Russie ,"Le petit père des peuples" a commencé ,au moyen de la Horde rouge la dékoulakisition,dans la province de Kazan ou vivent les Tatars musulmans.
Le mari de Zouleikha ,ayant été dénoncé comme un " Koulak" ( paysan accapareur ) refuse de donner son bétail et sa nourriture lorsque la Horde rouge fait irruption dans son village,il est fusillé et sa femme emmenée avec d'autres gens du village par les soldats.
Commence alors pour elle une déportation de plusieurs mois dans des conditions inhumaines et atroces. L'assassin de son mari:Ignatov ,lorsqu'il posera son regard sur elle ,aura cette réflexion: "elle n'ira pas loin ,elle ne tiendra pas le coup".
Et ce que Zouleikha ignore lors de son arrestation est qu'elle porte l'enfant de Mourtaza,son mari.
Dans d'horribles conditions ,elle ira au bout de sa grossesse en arrivant à destination ,au fin fond de la Sibérie où les premiers Goulags furent créés. Leur groupe de trente personnes ,épuisé ,sous les ordres d'Ignatov ,arriveront à survivre,dans des conditions extrêmes.
J'ai beaucoup aimé les recherches faîtes par l'auteure:Gouzel Lakhina ,sur ce pan de l'histoire russe où une partie du peuple Tatar musulman ,vivant dans la province de Kazan fut déporté a des milliers de kilomètres, en Sibérie, dans des conditions inhumaines et qui révélèrent les premiers Goulags .
Un très très bon roman ,qui m'a marquée, dans la tradition des grands écrivains russes malgré la jeunesse de Gouzel Lakhina.
A recommander chaleureusement ,⭐⭐⭐⭐⭐
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# COUP DE COeUR #

Le récit que Gouzel IAKHINA nous offre ici est celui d'une jeune tatare, à l'époque de la dékoulakisation, une campagne de répression orchestrée par Staline et son Armée Rouge dans les années 30 aux fins de collectivisation (selon un plan quinquennal de 1928 à 1932). Des milliers de koulaks, petits propriétaires terriens, furent ainsi déportés vers les plaines hostiles de Sibérie. Un sujet que l'auteur connaît de près, témoignage de sa grand-mère ayant vécu les affres de ce long et éprouvant convoi.

Nous suivons les pas de Zouleikha, aussi discrète que miniature, son quotidien de labeur, ses corvées, supervisées par un mari taiseux et qui ne la ménage en rien, et une belle-mère acariâtre et mesquine, surnommée la Goule – c'est dire l'amabilité du personnage. Une vie de labeur que rien ni personne n'épargne, ni enfant ni femme, il semble même que la maternité ait fuit Zouleikha, quatre petits espoirs envolés à son coeur de presque mère. Très vite, le trait se durcit, la marche des déplacés a commencé, la Horde Rouge s'est enflammée, l'emmenant dans son tourbillon et laissant, inerte, son époux derrière elle. Pilant et réquisitionnant leurs biens, leur foi et mettant à sac toute once d'espoir et de courage.

La prouesse narrative de l'auteur réside en ce que lecteur, malgré ce portrait de vie peu édifiant, ne se prendra pas à s'apitoyer sur son triste sort, Zouleikha dégageant une force telle que cela serait lui faire offense. La fatalité semble glisser sur elle – elle – qui se faufile entre les interstices d'un monde sur le point d'imploser.

Une fois débarqués sur les rives de l'Angara, les vies passées seront oubliées, comme nettoyées, il s'agira de se reconstruire au milieu de nulle part, abandonnés de tous – pour peut-être reprendre les rênes de son avenir.

Zouleikha est notre passeur, tout au long de ce périple, dans cette page de l'Histoire où finissent par s'unir les destins de différents protagonistes, à l'image de milliers d'autres, l'amour et l'oppression n'épargnant personne et n'opérant aucune distinction de genre. Des personnages d'une épaisseur rare, à la psychologie parfaitement maitrisée, dont les vies vont s'articuler peu à peu autour de celle notre jeune héroïne. Ivan Ignatov, élégant sergent soviétique, zélé dans sa tâche, patriote jusqu'aux bout des ongles. Wolf Karlovitch, une sommité de la chirurgie obstétrique, pris en otage malgré lui au sein même de sa demeure, réquisitionnée par les forces de l'ordre et abritant de nombreux étrangers. Un être en proie à une désillusion insurmontable face aux libertés saccagées et qui trouve un repos salutaire dans une douce folie.

Une écriture solaire dans la tourmente funeste accompagnée d'une sacrée leçon d'histoire et d'humanité.

L'auteur nous régale de sa plume poétique et d'une grande finesse. Comme écrit dans la préface de l'oeuvre par Lioudmila Oulitskaïa, voilà de la littérature qui touche au coeur ! Elle nous enchante de vocabulaire exotique, dose à merveille chaque description, y mêle du folklore local et nous transporte avec une facilité consternante dans cette épopée d'un autre monde, d'un autre temps. Une oeuvre d'une qualité rare que je vous conseille vivement de dévorer.



Lien : https://lesplumots.wixsite.c..
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Gouzel LAKHINA. Zouleikha ouvre les yeux.

Je quitte le camp de Auschwitz pour un autre enfer. Mes choix de lectures, pourtant très éclectiques, me laisse fort dubitative sur ma sélection du moment. Je pars pour une nouvelle destination, encore une déportation. En effet, nous sommes en URSS, sous la domination de STALINE. Je vais avoir le plaisir de partager la « dékoulakisation » de Zouleikha et de ses compagnons d'infortune. ( Je suis vraiment masochiste….). Une solution afin d'éloigner ceux qui ne partagent pas les idées de celui qui tient les rênes du pays. Nous sommes au coeur de la Russie dans les années 1930. A peine âgée de quinze ans, Zouleikha a été mariée à Mourtaza, un homme d'une quarantaine d'années. Elle est devenue l'esclave de la mère de ce dernier… Elle a donné naissance à quatre filles, toutes décédées au cours de leurs premiers mois. le climat est rude au Tartastan et le travail très dur, la belle-mère trop exigeante...Lors d'une expédition punitives des forces gouvernementales, l'époux de Zoulikha est tué par Ignakov. La famille est expropriée et la population soumise à la déportation, près d' Enisseik, très loin de Kazan, un camp situé sur le fleuve Angara, dans la forêt de la Taïga, en Sibérie. Mais le chemin est long et nous partageons ce long voyage en train. Avec ces hommes, ces femmes, ces enfants survivent tant bien que mal à ce périple hors du commun. Au terme du voyage, nous construirons, un camp pour vivre. Cette terre inhospitalière offrira quelques ressources vivrières. Les exilés partagerons des repas frugaux, des brouets insipides et rarement un peu de viande. Ignakov possède une arme et il chasse. Il y a surpopulation....

C'est Ignakov qui a le privilège de gérer le camp et les détenus. Il n'avait pas le choix. Zouleikha, enceinte sera affectée à la cuisine. Elle donnera naissance à un fils, Youssof. Quel sera l'avenir de cet enfant? Parviendra-t-il à grandir, à survivre, et que deviendra-t-il ? Ces hommes, ses femmes déportés en zone inhospitalière, loin de tout, vont assurer leur survie tant bien que ma, bûcheronnant dans cette immense forêt. En raison de la sous-alimentation, du froid, beaucoup mourront. de la précarité, de l'indigence, du malheur ! Et l'autrice décrit avec beaucoup de réalité cet enfer carcéral. Les descriptions de la vie quotidienne sont poignantes. Elle nous met véritablement sur le terrain. Que de misère réunit dans un lieu glacial, inhabitable, désertique. L'écriture est agréable, fluide, pleine de poésie. Des hommes, des femmes hors du commun ont réussi à survivre dans des conditions extrêmes. Ce livre est glacial. C'est un roman autobiographique, l'héroïne est la grand-mère de Gouzel. de l'espoir, de l'humilité de l'entraide et même de l'amour. Une lueur brille à l'horizon ! Je vous conseille la lecture de cette narration, qui nous plonge dans les goulags du despote STALINE. Cette lecture nous dévoile une femme forte, possédant une forte personnalité, qui a su s'adapter à cette tragique situation. Aurions-nous pu réagir comme elle ? Non personnellement je ne possède pas les qualités nécessaires, ni son courage, ni sa volonté. Ce texte me replonge dans les années de détention de Alexandre SOLJENITSYNE qui nous a fait par de sa déportation de son exil… Je vous souhaite une bonne lecture.
( 27/12/2023).

Lien : https://lucette.dutour@orang..
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La lecture du livre « Les enfants de la Volga » cet automne, m'a tellement impressionnée qu'il était naturel que je poursuive la découverte de l'univers littéraire de Gouzel Iakhina en lisant ce premier roman, accueilli avec enthousiasme notamment par les lecteurs de Babelio.
« Zouleikha ouvre les yeux » est bien un chef d'oeuvre, avec une écriture riche et sensible, une trame romanesque hors du commun, des personnages traités avec un profond humanisme, qui renvoie le lecteur aux plus grands noms de la littérature russe ; on peut évoquer Vassili Grossman pour la façon dont les personnages sont tout entiers avalés et pétris par l'histoire, on pense aussi à Tchinguiz Aïtmatov qui a si bien su raconter dans ses livres, la vie simple des habitants de la république socialiste de Kirghizie, au temps passé de l'URSS.
Gouzel Iakhina est russe, elle est née à Kazan, aujourd'hui capitale du Tatarstan au sein de la fédération de Russie, avec Zouleikha, elle met en scène dans son livre les Tatars de la Volga, leurs croyances, les mythes et les légendes qui structurent leur culture, elle met en scène leur destin, qui se mêle à celui des autres peuples de l'union soviétique au fil des années noires du stalinisme des années trente aux lendemains de la guerre.
Lorsque le récit commence, Zhouléikha est bien loin d'incarner la nouvelle société que la révolution bolchévique a eu le projet d'enfanter. Dans son village de Ioulbach, dans la région de Kazan, elle vit recluse, trimant sans compter sur l'exploitation, souffre-douleur de la belle-mère, méprisée par le mari et pourtant soumise aveuglément à cet ordre des choses dont elle accepte la réalité sans même penser qu'elle pourrait changer un jour. C'est sans compter sur la violence et la répression qui s'abattent après 1928 dans les campagnes du pays, ravalant les paysans au titre de profiteurs, dans une vague de dékoulakisation qui emporte tout le monde, sans discernement, sans jugement, sans aucune autre logique que le travail forcé au bénéfice du nouvel État tentaculaire et sanguinaire, là-bas en Sibérie, où la vie mesure sa fragilité aux forces du froid et de l'espace. le lecteur suivra donc Zouleikha de Kazan aux rives de l'Angara, dans un périple dantesque, six mois dans un train à bestiaux, promené au gré des caprices bureaucratiques du choix de la destination finale. La vie n'y pèse pas lourd et la mainmise du régime poursuit sa traque dans la peau d'individus sans conscience, prêts à tout pour asseoir leur petit pouvoir, Gorelov, Kouznets, sont de ceux-là, ils restent au fil de la narration, grands gagnants de la tragédie humaine qu'ils contribuent à nouer. Zouleikha elle, ouvre les yeux, dans ce bout du monde inhospitalier où la lutte s'impose pour survivre, héroïne sans médaille triomphante sur le terrain de la vie gagnée pouce à pouce, jour après jour. Elle gagne pour elle, pour Youssef qu'elle met au monde et qu'elle réussit à faire grandir au défi de toute logique, pour Ignatov, commandant et serviteur patenté du régime, qui au fil du roman, réussit à s'humaniser et à sortir de la barbarie. D'autre figures illuminent le roman aux cotés de Zouléika : le docteur Wolf Karlovitch qui brise la folie dans laquelle il est emprisonné en vouant sa vie à soigner, Konstantin Arnoldovitch qui réussira à faire pousser des céréales, Ikonnikov ( comment ne pas penser à celui de V Grossman dans Vie et destin) le peintre, qui couvre de fresques le plafond du club, et transforme en une nuit la tâche rouge qu'il a lancée au plafond en étendard de la révolution sous couvert d'agit-prop, tous sont fracassés et magnifiques, ils disent la résistance et le triomphe malgré tout de la liberté , dans ce village du bout du monde, ce Simrouk qu'ils ont baptisé et où ils ont réussi à imposer la vie. Youssef se saisira de cette vie en lançant le bateau de Loukka sur l'Angara pour rejoindre le pays de l'ouest et y frayer sa route.
Un roman superbe que vous ne lâcherez pas.
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1930 au Tatarstan. Zouleikha est une jeune paysanne docile et travailleuse, asservie à un mari de 30 ans de plus qu'elle et à sa belle-mère dont elle doit vider le pot de chambre chaque matin. Et comme Zouleikha a perdu ses 4 filles, elle n'est bonne qu'à servir. Aussi quand son mari est assassiné sous ses yeux par la police de Staline, elle est plus désemparée que vraiment éplorée... Déportée vers la Sibérie, elle entame alors un long voyage de 6 mois avec des compagnons d'infortune de toutes origines et de toutes confessions. C'est alors qu'elle découvre qu'elle est enceinte.
Un grand roman d'aventure qui m'a rappelé Michel Strogoff, un vrai plaisir de lecture !
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Mariée avant 1915, à 15 ans, avec un homme de 45 ans, Zouleikha a eu 3 filles, trois filles décédées alors qu'elles étaient bébés...depuis elle vit avec cet homme rustre dans une masure à coté de la maison de la Goule, sa belle-mère âgée, portant la méchanceté dans la peau.
Zouleika en est devenue le souffre-douleur, l'esclave presque, chargée de lui préparer le bain, d'être à ses petits soins. le bonheur lui est une notion inconnue.
Mais c'est une vie normale, pour l'époque et les lieux. Les familles vivent au jour le jour à coté des animaux...mais la vie de Zouleikha sera bousculée au moment où des hommes envoyés par Moscou, par Staline expulsent Zouleikha de leur masure. C'était la dékoulakisation. Elle a 5 minutes pour ramasser ses affaires et n'aura même pas le temps de s'incliner sur le corps de son mari, tué par les soldats. Ils réquisitionnent le bétail, le cheval, les terres.
Zouleika fait alors partie de la foule des paysans candidats involontaires à l'exil, à la déportation en Sibérie, sur ordre du moustachu, Petit Père des peuples, qui souhaite mettre en valeur ce territoire paumé, froid, hostile. D'autres l'accompagnent, des paysans comme elle, mais aussi des hommes qui avaient une belle vie, et qui du jour au lendemain, sont devenus des parias des ennemis au régime, des peintres, des médecins, des hommes et femmes chrétiens ou musulmans et même athées...
On fait connaissance avec Wolf Karlovitch, ancien chirurgien. Il fut professeur à l'université de Kazan et il vit, dorénavant, dans un appartement communautaire ....dans son appartement devenu appartement communautaire en 1921. On découvrira également Ignatov, militaire assurant la direction de cette colonie de déportés.
Aucun métier, aucune religion, aucun statut, aucun métier, aucune compétence, aucun passé ne protège de la possible déportation qui peut arriver sans prévenir, sans raison. Intellectuel ou manuel, chacun peut être menacé
Aimé et reconnu jusqu'à présent, banni demain, sans motif, sans justification.
Elle va voyager, avec ces parias comme compagnons, avec Wolf Karlovitch, pendant plusieurs mois dans un wagon à bestiaux dans lequel elle découvrira qu'elle est enceinte.
Arrivée au terme du voyage, ils seront tous chargés de défricher la forêt à la scie et à hache et de mettre en valeur un territoire en pleine Sibérie. Premier hiver sibérien, dans des cabanes de fortune, sans vêtements adaptés...beaucoup meurent du grand froid difficile à supporter sans chauffage adapté.
Zouliekha quant à elle donnera la vie à un fils.
Dès les premiers chapitres du roman les minutieuses descriptions des personnages, des paysages, alternent avec le drame et la violence des événements
On perçoit que l'aventure sera longue, que l'avenir ne sera pas un avenir de dentelles.
Peu de surprises à attendre, donc. On n'apprend rien de bien nouveau lorsqu'on s'est intéressé à cette période, aux déportations russes, au régime soviétique, à Soljenitsyne, lu il y a bien longtemps. Les autres auteurs avaient connu cette détresse, Gouzel Iakhina l'a imaginée, sans doute en se fondant en partie sur leurs vies.
Son écriture est toutefois précise, agréable et surtout nous procure de nombreuses émotions. Poésie et beauté de certaines images alternent avec la mort, avec la violence de certaines situations, avec le drame de certains événements. Gouzel Iakhina permettra à ceux qui n'ont pas té contemporains du régime soviétique d'en savoir un peu plus, sans avoir à feuilleter des livres anciens d'auteurs de plus en plus oubliés.
Un roman dans la tradition dramatique des romans russes, romans longs, fouillés et monotones parfois, une monotonie qui traduit sans doute bien cette vie sans relief de ces parias, de ces déportés, bons uniquement à travailler, sans espoir, sans autre avenir que celui d'un lendemain fait de jours toujours identiques et ceci jusqu'à la mort. Dramatiques atmosphères sans perspectives
L'amour peut parfois surgir, un amour qui donnera un peu de relief à la vie.
J'avais été bouleversé notamment par Alexandre Soljenitsyne et Varlam Chalamov, il y a bien longtemps, ils témoignaient de souffrances vécues. Je n'ai rien découvert avec "Zouleikha ouvre les yeux". le scénario et l'histoire sont malgré tout plaisants et agréables. Ils passionneront et attireront certainement des générations plus jeunes de lecteurs, qui découvriront cette période et ces crimes.
L'écriture romancée n'a, malgré tout, pas la force du témoignage de ces auteurs qui ont vécu cette souffrance dans leur chair.
Lien : https://mesbelleslectures.co..
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Au début des années 30, Zouleikha est une paysanne tatare dans un village près de Kazan. Elle a été mariée toute jeune à un koulak, un paysan prospère : il y a de beaux coffres, des rideaux de dentelle, des bijoux. Mais ils appartiennent tous à sa belle-mère, une vieille harpie qui régente son fils et reproche à sa bru de n'avoir donné naissance qu'à des filles : quatre filles mortes en bas âge. Les quatre minuscules tombes occupent toutes les pensées de Zouleikha, dont l'amour maternel frustré se déverse dans des rites païens qui la réconfortent.
Mais le stalinisme est en marche, et il arrive au village sous les traits d'Ivan, un jeune officier profondément révolutionnaire venu pour la dékoulakisation : la disparition des paysans aisés en tant que classe, voire leur disparition physique. Dans toute la jeune URSS leurs biens sont confisqués et leurs familles entières déportées au Goulag - une institution toute récente elle aussi.
Voici le contexte historique de ce roman, et il est restitué avec minutie : la traditionnelle soumission à l'époux, l'irruption du stalinisme, la déportation en Sibérie sont remarquablement incarnés dans les personnages de Zouleikha et d'Ivan.
Le convoi interminable, l'arrivée loin de tout au beau milieu de la taïga, le tragique premier hivernage sont des moments très forts, parfois à couper le souffle tant l'écriture est belle et évocatrice.
J'ai été un petit peu moins convaincue par les derniers chapitres, mais cela reste une très belle découverte, d'une qualité assez exceptionnelle pour un premier roman.
Traduction parfaite de Maud Mabillard.

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Zouleikha, paysanne tatare, ouvre les yeux ? Mais sur quoi ?

La vie d'avant, pleine de peurs et de soumission? La belle-mère, la Goule, vieille femme rêche et mauvaise. le mari, tout-puissant ?

Zouleikha leur survivra pourtant mais pour un destin aux contours indistincts : la dékoulakisation et l'exil en Sibérie.

C'est un long voyage, qui s'arrêtera pour beaucoup dans une tombe à ciel ouvert. Pour la jeune femme, la vie sera la plus forte. L'ironie aussi : elle qui n'a eu que 4 filles mortes peu après la naissance, conduira sa grossesse jusqu'à son terme pour accoucher d'un fils dans le froid sibérien.

Là où l'hiver règne en maître, la lumière pointe ça et là car la vie malgré tout continue. L'amitié, l'entraide, la peinture, la chasse sans oublier l'amour.

Ivan Ignatov commandant de la communauté de déplacés, est là, tout prêt. Mais sombrer dans les bras d'un homme, meurtrier de son mari, sans être engagée dans les liens du mariage n'est-ce pas là un pêché mortel ?

Zouleikha ouvre les yeux sur sa foi, ses certitudes, sur sa vie de femme et de mère.

« L'assassin de son mari la regardait avec les yeux de son mari et elle se transformait en miel. »

Pas de romantisme dégoulinant mais plutôt une histoire d'amour complexe, en pointillés face aux devoirs de chacun : devoir de son rang et devoir de mère.

Dans un récit limpide,poignant et intense, Gouzel Iakhina dépeint les horreurs de la chasse aux ennemis du peuple mené en Union Soviétique en n'oubliant pas ces éclats de lumière qui transpercent même l'hiver sibérien.

Une pépite trop méconnue à découvrir.
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Zouleikha ouvre les yeux' est l'histoire d'une femme dont la vie rime avec souffrance, résistance et résilience.

Dès les premières pages, Gouzel Iakhina a conquis mon coeur. Avec une plume habile, 'poétique' elle nous plonge dans l'enfer des années 1930 de l'URSS stalinienne.

Dans le cadre de sa politique collectiviste, le pouvoir communiste s'approprie les terres et les produits agricoles des propriétaires terriens ‘les koulaks'.
Mourtaza, un petit paysan, qui refuse de se soumettre à ce diktat, est abattu froidement par l'armée rouge, devant sa femme Zouleikha. Cette dernière est quand à elle, déportée dans un goulag en Sibérie avec un ‘troupeau' de koulaks.
La taïga, le froid, le travail forcé, les privations, la faim, la maladie, la mort, une survie difficile les attend.

Zouleikha, l'héroïne principale, est la seule musulmane du goulag. A travers sa vie d'avant, on découvre la minorité musulmane du Tatarstan, une minorité dont on parle rarement dans la littérature russe.

Autour d'elle, gravitent des dékoulakisés et des déportés pour d'autres raisons, que vous aimerez surement, le médecin (mon préféré), l'artiste peintre, le pêcheur…

Tout est absolument remarquable dans le roman : le contexte historique, la crédibilité des personnages, la (sur)vie au jour le jour dans le goulag, la solidarité et la résilience des détenus et la description minutieuse du moindre petit détail. Ce qui dénote un travail d'investigation et de documentation très méticuleux de l'écrivaine.

La fin du roman est somptueuse, totalement imprévisible.
Un bouquet d'étoiles pour ce bijou de la littérature russe.
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Une fresque magnifique qui déroule, sur plusieurs années, la difficile vie de Zouleikha, de son fils, mais également d'autres compatriotes déportés en même temps que Zouleikha, lors de la dékoulakisation.
Il y a également le personnage d'Ivan, une personnalité complexe très intéressante, dont le caractère évoluera au fil des années et de l'histoire, qui tiendra un rôle central dans le parcours de Zouleikha.

Un récit de qualité, d'une grande richesse, et une mention spéciale à la traductrice (Maud MAUBILLARD) sans laquelle le texte n'aurait certainement pas la même saveur.
Certains passages sont dures : la brutalité avec laquelle les paysans ont été dépossédés de tous leurs biens, la déportation forcée vers des territoires reculés et hostiles (on ne peut s'empêcher de faire le parallèle avec la manière dont ont été traités les juifs durant l'holocauste), la rudesse de la vie sibérienne.
Heureusement, la place laissée à la nature (qui joue un rôle à part entière dans le roman), avec de très belles descriptions des saisons, de la faune, de la flore apporte un peu de douceur face à l'horreur de cet épisode historique.
Quant au volet politique de cette période, il est abordé sans parti-pris.
Un très beau livre à lire tranquillement, en prenant son temps.
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