Dans «
la soustraction des possibles »,
Joseph Incardona nous plonge dans un monde passionnant campé dans les années 80, en Suisse, avec en toile de fond le capitalisme triomphant des économies soviétiques, la levée des inhibitions des nouveaux riches, l'argent, l'amour et le sexe qui autorisent tous les rêves y compris ceux des anciens pauvres !
L'écriture est vive, percutante, le ton est désabusé et le cynisme de
Joseph Incardona ne nous laisse aucun espoir : dès le départ on sent que cela finira mal.
L'auteur nous offre une remarquable et ambitieuse fresque humaine qui flirte avec les codes du roman noir, une véritable satire du monde de la haute finance helvétique portée par un triangle amoureux, avant l'ère de l'informatique et des téléphones portables ; du temps où l'on transfère les fonds à l'ancienne, d'un pays à l'autre, dans des valises, que l'on confie à des individus comme Aldo Bianchi, jeune et séduisant professeur de tennis, qui se chargent du transport contre rémunération.
Dans la ville de Genève aseptisée comme le veut le cliché, l'auteur nous décrit la relation un peu « malsaine » qui se noue entre Aldo et son élève, Odile Langlois, femme d'âge mur superbe, entretenue par la vie confortable et oisive que lui procure son mari banquier toujours absent. le couple illégitime n'échappe pas à la caricature, elle est follement amoureuse et dépendante de son jeune amant, il est fasciné et piégé par son argent et le luxe.
Très vite une autre rencontre s'impose et nous rentrons dans une nouvelle histoire celle du couple improbable qui va se former entre Aldo et Svetlana, jeune employée bancaire arriviste, dure, intransigeante dans son désir de revanche sur ses d'origines, son besoin de reconnaissance et son avidité maladive.
Le triangle redoutable est posé, source de complexité, de trahison, d'intrigue et de crime.
Tous les ingrédients sont là : amour, richesse, pouvoir, cupidité, érotisme, désir et trahison, avidité et sexe, blanchiment d'argent et transactions financières, pour nous emporter jusqu'au dénouement tragique de cette histoire.
Les personnages sont décrits sans concession, qu'ils soient secondaires ou principaux, des petits truands occasionnels aux réseaux internationaux de la prostitution, aux grands banquiers, aux femmes de l'art, en passant par la mafia corse, on comprend vite que les jeux sont faits : ce monde n'est pas accessible à tous.
Genève fait également office de personnage central tant la ville a de l'importance : villas de rêve, jaguars, golfs et restaurants luxueux, yachts, c'est dans ce décor que nous invite dès l'ouverture
Joseph Incardona. Mais derrière l'opulence du milieu, derrière les paysages somptueux, c'est une mécanique implacable qui est mise en place par l'auteur tour à tour narrateur et interventionniste dans ses propos envers ses personnages mais aussi le lecteur.
Joseph Incardona a l'art de manier les mots autant que les intrigues, d'imbriquer des rouages les uns dans les autres pour nous faire vivre un moment de lecture privilégié d'une rare intensité.
Un véritable coup de coeur pour moi, j'ai été captivée et emballée par ce roman dès les premières lignes, et je ne serais pas étonnée que cela fasse un superbe scénario de film,
Jacques Audiard pourrait l'adapter magistralement ! Bonus, la superbe couverture dorée comme un lingot qui nous nargue et nous invite à ouvrir les pages, qui attire irrémédiablement le lecteur. Un beau roman, d'une grande qualité, dans un bel écrin. Addictif.