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sur 1788 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Salut, moi c'est Tommy quand vous lirez mon message j'aurais fini.
Mon quatrième don approche. Vous découvrirez dans ce carnet mes animaux imaginaires.
Mes souvenirs se bousculent, il parait que c'est normal.
Mon enfance commença à Hailsham une école perdue dans la campagne anglaise. Je me souviens de Ruth et Kath mes amies. Ruth avait un caractère pas facile, elle faisait la pluie et le beau temps, c'était la chef du groupe, Kath était plus calme, plus lisse mais savait se rebiffer quand Ruth allait trop loin.
je me souviens de nos conversations près de l'étang. Les gardiens de l'école étaient gentils; nos enseignants aussi. Notre préférée était mademoiselle Lucy.
Une fois par an madame arrivait dans son éternel tailleur gris, l'école était en effervescence; elle venait chercher nos créations artistiques, nos poèmes, nos dessins, nos sculptures pour sa galerie.
Moi je n'étais pas doué pour les arts plastiques. Mademoiselle Lucy m'a dit que ce n'était pas grave.
Aujourd'hui j'ai un nouveau accompagnant, j'ai dit à Kath que je voulais changer.....
J'ai dans la tête la chanson de la cassette de Kath " Auprès de moi toujours".
J'ai découvert Kazuo Ishiguro et son roman "auprès de moi toujours" grâce à Guillaume Gallienne et son émission " ça ne peut pas faire de mal".
J'ai eu un peu de mal à rentrer dans la première partie du roman, c'était lent, très lent je ne savais pas où Kazuo Ishiro voulait m'emmener, et puis dans la deuxième partie du récit tout s'explique, tout s'imbrique pour finir en douche froide.
Je suis ressorti de ce roman avec la boule au ventre.
J'aimerais vous en dire plus, mais je ne peux pas et surtout je ne veux pas.
J'aimerais que vous le découvriez vous aussi, même si parfois le roman vous tombe des mains.
Il vaut la peine d'être lu.
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Kath laisse ses souvenirs affleurer. Elle revient sur sa jeunesse passée avec Ruth et Tommy à Hailsham, un pensionnat privilégié installé dans la campagne anglaise. Lentement, progressivement elle nous fait connaître ses amis, leur vie et leurs préoccupations durant cette époque désormais révolue, pour finir par nous révéler une vérité terrible.

Kazuo Ishiguro n'a pas son pareil pour traiter des sujets profonds avec des phrases simples et en apparence inoffensives. Prenant ainsi le lecteur par surprise, il le conduit à se poser des questions essentielles, sur le sens de la vie, sur la valeur qu'on lui donne, sur ce qu'il restera de notre existence.

Presque contemplatif tellement les images y sont belles et le rythme paisible, ce remarquable roman anticipatif amène aussi à une réflexion sur une question qui peut se poser à tous dans un avenir pas si lointain, et c'est assez angoissant.
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Sentiment étrange à l'issue de cette lecture. Je vois parfaitement quel était le but de l'auteur, son choix du développement de son récit, ce qu'il voulait obtenir comme atmosphère et je trouve qu'il a parfaitement réussi ce qu'il envisageait... et pourtant l'expérience ne fut pas un réel plaisir.

Je classerais ce livre aux côtés du Désert des Tartares ou de la montagne magique, ces livres où l'attente elle-même compte plus que ce qu'il y a au bout. Au fur et à mesure du récit, on comprend qui sont les personnages et quelle est leur destinée, alors que le personnage principal s'adresse à nous dès le début comme si nous le savions déjà et comme si nous étions nous-mêmes concernés. Cet astuce narrative a tout pour nous permettre de nous immerger dans l'histoire... et cela n'a pourtant pas fonctionné avec moi qui suis pourtant friand de ces livres d'atmosphère.

Si j'essaie d'analyser le pourquoi en pointant les différences avec les autres récits que j'ai cités et appréciés, je pense que le fait qu'une romance soit au coeur du récit a dû jouer. Les livres de Buzatti ou de Mann restaient plus centrés sur l'aspect philosophique. Ici, les petites histoires des personnages ont un caractère "futile" en comparaison avec leur destin et leur raison d'être sur terre. L'aspect philosophique est bien présent, mais traité indirectement, on comprend petit à petit ce qui fait que leur vie, leurs études doivent se dérouler telles qu'elles se déroulent. Toutes ces petites histoires ne font que renforcer l'effet recherché pour le final, pas si étonnant mais plutôt effroyablement logique dans la déception qu'il procure.

Toutes mes impressions peuvent elles aussi sembler logiques quand on connait le fin mot de l'histoire, car comment s'attacher profondément à de tels personnages ? C'est bien leur raison d'être que de ne pas avoir à solliciter l'empathie et c'est donc finalement, comme je le disais en introduction, une preuve de la parfaite réussite du travail de l'auteur. Cependant, alors que j'ai souvent pris plaisir à des récits où la construction comptait plus que l'histoire, je ne suis pas parvenu ici à me détacher de mes sensations de lassitude.

Si vous avez l'impression que ma critique tourne autour du sujet sans l'aborder réellement... eh bien vous êtes totalement préparés à la lecture de cet ouvrage !
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Kath, ses amis de toujours Ruth et Tommy, ont été élèves à Hailsham dans les années quatre-vingt-dix. Un monde parfait où le bien-être des enfants passe avant tout, où leur créativité artistique est sans cesse stimulée, tandis qu'une pratique sportive assidue leur assure une santé à toute épreuve.

Kathy H., la narratrice, à présent âgée de trente-et-un ans, est accompagnante depuis plus de onze ans. Un travail dans lequel elle excelle, ce qui explique qu'on lui ait demandé de poursuivre encore quelques mois, bien au-delà de la durée habituelle de cette tâche. Une tâche qui consiste à accompagner les donneurs d'organes, dans un parcours aussi douloureux que mortifère.

Les donneurs sont pour la plupart des anciens élèves d'Hailsham ou d'un autre centre éducatif, où des accompagnateurs bienveillants et des professeurs impliqués ont veillé sur eux comme sur leurs propres enfants. Kath a perdu tout contact avec ses amis d'enfance, et son travail harassant qui la conduit à être sans cesse sur les routes, roulant d'un centre à l'autre pour se tenir aux côtés des donneurs qui lui ont été confiés, ne lui laisse que le temps de songer au lieu de son enfance.

« Auprès de moi toujours », dont le titre est aussi celui d'une chanson que chantait Kath adolescente, est un roman doux-amer où la narratrice tente de comprendre ce qui se jouait à Hailsham, où tout n'était que luxe, calme et volupté. le retour sur les brouilles enfantines entre Kath et ses amies, les crises de nerf de Tommy, nous propose un regard enfantin sur un endroit à part, le lieu d'une enfance heureuse. Écrit à hauteur d'enfant, il nous décrit l'innocence de ces jeunes enfants privilégiés, éduqués dans un cadre enchanteur.

L'adolescence de Kath, Ruth et d'un Tommy assagi est aussi le moment des questions existentielles. Si les protagonistes ont bien saisi qu'ils ne pourraient pas avoir d'enfants et devaient développer leurs capacités physiques et artistiques, de nombreuses questions restent sans réponse, telles des portes closes masquant une vérité qui se dérobe sans cesse. Pourquoi leur demande-t-on de produire sans cesse de nouvelles « oeuvres artistiques » destinées à Madame, une femme qui rend régulièrement visite aux enfants et semble être la figure tutélaire du lieu ? Quelle est la véritable fonction de ce centre éducatif ? Qu'adviendra-t-il des pensionnaires lorsqu'ils quitteront Hailsham ?

Après un début moderato, qui évoque un roman enfantin, « Auprès de moi toujours » prend une dimension tragique à l'adolescence des protagonistes, tandis que s'accumulent les questions sans réponses et que des rumeurs étranges se répandent parmi les élèves. le roman de Kazuo Ishiguro évoque ainsi un tableau impressionniste, déroulant le cheminement de Kath et de ses amis, alors que le début du récit livre la réponse à la plupart des questions qui taraudent les jeunes élèves.

Dès les premières pages, l'horrible vérité sur la véritable fonction de l'institution nous est livrée : Hailsham est un lieu destiné à « fabriquer » des donneurs d'organe, et des accompagnants qui, une fois leur mission accomplie, deviendront également donneurs, jusqu'à ce que mort s'ensuive. En nous révélant l'infertilité des élèves, l'auteur laisse au lecteur le soin de deviner leur véritable nature : ils sont des clones, destinés à donner leurs organes à de riches familles touchées par la maladie.

***

Roman introspectif et presque immobile, « Auprès de moi toujours », comporte plusieurs niveaux de lecture. Un premier niveau nous emporte dans la complexité des relations du trio amoureux composé de Kath, Ruth et Tommy, en revenant sur ces petits mensonges anodins, qui se transforment en failles béantes. Un second niveau de lecture aborde les nombreuses questions que se posent les personnages, des questions qui semblent de peu d'importance telle que la destinée de toutes ces oeuvres « artistiques » collectées par Madame, et des questions existentielles, relatives à la raison de leur présence à Hailsham. Et pourtant. Toute la profondeur de l'ouvrage se dévoile au sein de son troisième niveau de lecture. Une lecture qui nous est suggérée et qui n'est jamais clairement explicitée par l'auteur, même si elle constitue le coeur du propos de cette dystopie.

Toute la magie de la prose d'Ishiguro consiste à ne jamais formuler l'essence même des questions que pose le roman. En procédant par petites touches, en revenant sur les broutilles qui émaillent l'enfance de Kath, puis en s'attardant sur les questionnements de son adolescence après nous avoir dévoilé son destin d'adulte, Kazuo Ishiguro cache son jeu et nous laisse le soin de deviner le dessous des cartes.

Sous un faux air de roman « so British », attaché aux convenances hypocrites de la haute société anglaise, « Auprès de moi toujours » nous dépeint un monde effarant, qui a rompu avec la morale la plus élémentaire. Une société qui fabrique des clones et les élève dans les meilleures conditions afin de les transformer en donneurs en pleine santé, en mesure de sauver les riches de ce monde atteints de maladies nécessitant un don d'organe. Une société dans laquelle ces mêmes clones commencent leur vie d'adulte par un travail épuisant qui consiste à « accompagner » les donneurs dans leur chemin de croix. Une société qui tente de se convaincre que les clones n'ont pas d'âme pour mieux légitimer son impardonnable entreprise criminelle.

Le lecteur prend peu à peu conscience qu'il y a quelque chose de pourri au royaume d'Hailsham. La force de percussion du roman consiste à se contenter de suggérer et à laisser le lecteur tirer ses propres conclusions. Quel est ce monde qui crée et élève des clones pour soigner ses propres enfants ? Qui tente d'oublier que ce sont des êtres humains qu'on assassine au nom du Bien ? Et si votre enfant était atteint d'une maladie rénale incurable, auriez-vous recours à un don d'un clone compatible et en pleine santé ?

Kazuo Ishiguro n'affirme pas. Tel un Socrate des temps modernes, il pratique une forme de maïeutique en conduisant son lecteur à se poser les véritables questions du roman, et à tenter d'y répondre. « Auprès de moi toujours » nous rappelle que la Littérature n'assène pas des Vérités à son lecteur, mais provoque un questionnement intérieur, et le conduit à tenter de formuler ses propres Réponses. Et ce, quand bien même ces Réponses éclairent la nature humaine d'une lueur sombre comme une nuit sans lune.

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Kathy, Ruth et Tommy ont grandi ensemble à Hailsham, une école perdue dans la campagne anglaise qu'ils ne quittaient pratiquement jamais. Une ambiance mystérieuse plane sur cette école, l'éducation y est très traditionnelle et à aucun moment n'apparaît un quelconque lien avec les parents, la famille ou d'autres proches. Les enseignants et éducateurs prennent le nom de gardiens. Dès le plus jeune âge les enfants sont encouragés à être créatifs et à développer leur art, que ce soit par la peinture, le dessin ou la poésie. Les enfants deviennent des adolescents, les amitiés se nouent et leurs aventures prennent des allures disproportionnées par rapport à la réalité des faits.

Le récit débute au moment où Kathy, devenue une jeune femme solitaire, raconte sa vie depuis son enfance à Hailsham et analyse l'impact que son enfance a eu sur sa vie d'adulte. le lecteur réalise rapidement que ces enfants ne sont pas comme les autres mais Ishiguro ne distille les informations que par petites touches, sans jamais entrer dans des détails, et on comprend peu à peu…

Une des forces du roman est de toujours suggérer, avec souvent des retours en arrière, sans jamais expliquer ; l'auteur garde ses distances avec le lecteur. Les personnages eux-mêmes imaginent, devinent, font courir des rumeurs…

Ceux-ci n'expriment jamais de révolte et acceptent leur sort face à l'avenir auquel on les destine. Aucun sentiment d'injustice ne se dégage en eux. le sujet est habilement traité, l'écriture est subtile, avec beaucoup de finesse et de retenue, mais rapidement s'installe un malaise lorsque le lecteur croit deviner où l'auteur souhaite l'entraîner…

Un beau livre dérangeant par l'absence de révolte de ses personnages dans un monde avec ses règles et sa cruauté. L'attitude passive des personnages est due à l'éducation qu'ils ont reçue et qui les empêche de se révolter. Cette résignation contrarie à dessein le lecteur qui s'interroge sur le sens de la vie et sur les dérives possibles. Un roman déroutant.
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Encore un livre douloureusement beau, du genre à laisser une écorchure dans le coeur.
Kath est une "accompagnante" qui suit des "donneurs" dans divers centres de convalescence britanniques, à la fin des années 90. Elle raconte son métier, sa vie, et ses liens d'amour-amitié avec Ruth et Tommy. Tous trois se connaissent depuis toujours, ayant passé leur jeunesse à Hailsham sous l'oeil vigilant des "gardiens" qui les encourageaient à peindre et écrire des poèmes. Et qui les préparaient à un destin peu commun.

Impossible d'en révéler davantage, sous peine de rompre le charme triste et merveilleux de cette histoire. Une fois encore, Kazuo Ishiguro m'a conquise avec la petite musique mélancolique qui m'avait tant plu dans "Les vestiges du jour". Ici aussi, il est question de retenue et d'acceptation, et j'ai aimé la délicatesse avec laquelle l'auteur aborde ces thèmes, et la suavité de son style.
J'ai également apprécié la façon dont son écriture élégante accentue les singularités de l'intrigue, comme un disque qui sauterait sous un diamant. Une ambiance étrange se dégage alors de ce roman qui paraissait inoffensif, et qui bascule peu à peu dans une autre dimension, terrible.
Sous des dehors innocents, ce roman perturbe et bouleverse en abordant un sujet très fort avec une douceur résignée. Progressivement, toutes les attitudes des personnages prennent sens, et l'on s'attache de plus en plus à eux. J'ai vraiment été surprise et touchée par cette lecture, d'une humanité qui s'imprègne subtilement mais profondément.

Alors, que vous ayez vu l'adaptation cinématographique ou pas, n'hésitez pas à vous glisser dans ce livre (bien supérieur au film), qui restera en vous toujours.
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Impression mitigée sur cette uchronie tout en nuances et sans heurts, du moins jusqu'à un certain point.

Outre la parfaite maîtrise du récit, on ne peut que souligner l'originalité de ce roman d'anticipation sans pipettes ni technologie, sans même un contexte environnemental ou socio-économique posé d'emblée, constitué pour l'essentiel du simple récit sur une quinzaine d'année du quotidien d'élèves évoluant dans le contexte privilégié, protégé mais également familier d'un établissement scolaire dans la campagne anglaise.

L'histoire est racontée à la première personne du singulier par une "élève" dont on ne cesse de se demander si ses pensées évoquent une extrême sensibilité ou un cheminement intellectuel singulièrement robotique. Ce choix narratif donne une profondeur troublante aux questionnements que soulève le thème du livre qui, s'il n'est révélé qu'à la fin, se laisse rapidement deviner (mais ceci n'étant pas une raison pour spoiler, je reste avec ma frustration de ne pouvoir en dire plus).

Malgré cela, et même si je soupçonne que cela constitue le tour de force du roman, je dois confesser un certain ennui tout au long de la lecture face à la banalité du récit, à l'enchaînement languide de tous ces presque rien qui le composent (parole, objet, geste), face aussi à une certaine évanescence des personnages et à leur difficulté à donner du sens aux signaux qui les entourent.

On comprend bien que c'est précisément l'intention de l'auteur de nous placer dans la peau de ses personnages, de nous contraindre comme eux à l'intérieur de leurs constructions mentales biaisées par une connaissance incomplète de leur cosmogonie, dont la révélation finale est ainsi amplifiée dans toute sa terrifiante douleur.

Un roman qui m'a subjuguée, mais pas passionnée : une bien belle oeuvre littéraire, en somme!
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Elle s'appelle Kathy H. Elle est accompagnante depuis plus de dix ans et considère que dans cette fonction, elle est à l'écoute des donneurs dont elle a la charge. On lui envie même de pouvoir choisir en partie ceux ou celles qu'elle doit accompagner. C'est ainsi que, naturellement, elle se tourne vers d'anciens élèves de Hailsham, dont Ruth et Tommy, ses amis d'enfance. Alors elle se revoit là-bas, où elle a grandi parmi les Juniors avant de passer chez les Seniors, sous la surveillance de gardiens.
De petits incidents, propres à l'enfance, se rappellent à elle, comme les humiliations subies par Tommy dont les colères éclataient sans tarder, laissant exploser ses hurlements, injures et gesticulations.
Elle repense à tous ces moments qui ont marqué son enfance, puis son adolescence, et comprend bien que leurs vies à Hailsham ne devaient pas être similaires à celles des autres, mais sans réellement en saisir en quoi ni pourquoi. Difficile de prendre conscience de cette différence alors que tout semble normal, à quelques détails près…

Et justement, cette différence, Kazuo Ishiguro tente de l'effacer en s'attardant sur tous les sentiments, tous les moments de rire et de plaisir partagés, toutes les soirées d'échanges avec Ruth, les déceptions, les mesquineries, les jalousies qui parsèment le parcours habituel de l'existence d'une Kathy ou d'une autre, comme tout être humain en éprouve à chaque étape de sa vie d'enfant, d'adolescent, d'adulte. Par les évocations de Kathy c'est tout ce qui caractérise un être humain que l'auteur déploie avec une grande minutie y compris le besoin de posséder quelques objets, la nécessité de se projeter dans le monde environnant et d'y prendre sa place, la capacité à se souvenir, même si certains faits restent flous, d'autres sont toujours bien présents. À travers l'amitié puis l'amour qui unissent notre trio, l'instinct du lien social prend sa place.
Les pages se remplissent et, même si la progression est lente, c'est difficile de laisser les souvenirs de la narratrice en suspens, surtout avec cette plume qui nous happe sans jamais rencontrer de résistance. On veut savoir ! Et pourtant, la certitude de glisser vers quelque chose de profondément dérangeant est là dès le début.
En attendant, on se questionne, presque autant que certains élèves d'Hailsham. Pourquoi Madame vient-elle chercher à chaque nouvelle saison les meilleures oeuvres artistiques des enfants ? Où vont-elles et quelle explication peut-on en tirer ? Quelle importance peut revêtir le fait d'être créateur, de peindre, de dessiner ou de composer des poèmes ? Peut-il s'agir de révéler l'âme dudit créateur ? Et pourquoi n'est-il pas envisageable de faire des projets d'avenir ?
Des paroles étranges, énigmatiques, restent en suspens de la part des gardiens et la gêne cadenasse les questionnements des élèves, ce qui entretient alors la nébuleuse qui entoure l'avenir de chacun d'eux. Des théories prennent forme, élaborées par quelques cerveaux mais seront-elles un jour vérifiables ?

Sous un premier abord qui semble une succession de banalités, Kazuo Ishiguro mène une profonde analyse de différents thèmes très concrets qui nous touchent profondément. Saisissant de réalisme, ce roman d'anticipation n'en est que plus troublant, révoltant, écoeurant… On ne sort pas indemne de cette lecture et tous les personnages éveillent progressivement en nous de bouleversantes constatations.
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Un roman troublant.
Kathy, Ruth et Tommy sont les pensionnaires d'une école qui paraît idéale , un endroit
coupée du monde , un havre de paix , loin de toute contingence matérielle.Ils y sont bien mains un petit doute les taraude.Oh , pas grandchose , de petits détails sans importance . Un personnage mystérieux, Madame, qui vient régulièrement choisir parmi leurs créations les plus brillantes pour sa Galerie.Pourquoi sont ils si privilégiés ? Même si les barrières sont lâches, pourquoi vivent ils hors du mond.Ils grandissent, changent d'endroit pour un lieu tout aussi agréable et sans contrainte.La sexualité apparaît mais ils savent qu'ils ne pourront pas avoir d'enfants
Kazuo-Ishiguro est bien malin qui sait par petites touches distiller un tel suspens dans une ambiance bien feutrée.Ici, pas de violence , pas de vision apocalyptique , pas de méchants exploiteurs.Il y a un secret que tout le monde semble accepter dans cette vie où tout semble couler de source. Il faudra attendre les dernières pages du roman pour comprendre, à postériori, les attitudes des nos trois jeune gens tout au long de leur vie
C'est sûr qu'il y a des longueurs mais je pense que le rythme lent fait parti du livre et Ishiguro l'assume .Ce n'est pas un livre facile ,justement en raison de longues digressions qui peuvent apparaître inutiles. Mais c'est un livre surprenant , faussement simple et dérangeant .Allez jusqu'au bout du livre sinon vous n'y comprendrez rien
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L'eugénisme, le clonage, le "don" ou le trafic d'organes sont des thèmes dont la littérature et le cinéma se sont repus - avec plus ou moins de bonheur - depuis des lustres.

Ne voir que cela dans le roman de Kazuo Ishiguro me semble un peu court...Cela dit, je ne dénie à aucun lecteur l'authentique et sincère bon droit de voir dans une lecture autre chose que ce que j'y vois, y compris celui de n'y rien voir du tout et mieux encore d'y voir l'opposé que ce que je suis persuadé y avoir vu...

Le pitch - mot volontairement utilisé pour faire comprendre à qui s'intéresse à mon propos que je n'ai nullement l'intention ici de me lancer dans un énième résumé explicatif de l'oeuvre - est une histoire - le fameux "triangle" - d'amour et d'amitié entre la narratrice Kath, sa meilleure amie Ruth, et son meilleur, meilleur ami Tommy, dans l'Angleterre provinciale de la seconde moitié du XXème siècle, une Angleterre post seconde Guerre Mondiale qui, après les millions de morts du conflit, a décidé de se lancer dans le clonage aux fins de dons d'organes et d'éradication des maladies...
Les trois protagonistes sont donc des êtres humains clonés ou peut-être ne sont-ils que des clones... c'est en partie la question que pose ce roman, ce thème en entraînant bien d'autres... m'a-t-il semblé...

Le parti pris de l'auteur est celui d'un narratif et d'une narratrice qui, de par le contexte et les circonstances, interpellent sans pathos, sans amertume et sans rébellion le monde "extérieur" que nous lecteurs sommes supposés représenter.

De nous et de notre - nos - réaction dépend donc la "morale" et la vision de ce monde qu'on a fait leur...et nous seuls saurons dire si leur monde est matière à pathos, à amertume, tristesse et rébellion...et in fine si nous serions prêts à accueillir et à cautionner un tel monde...

Kath, Ruth et Tommy sont certes des clones évoluant dans une société "eugénisante", mais ils sont aussi une préfiguration questionnante sur un possible, sur une dérive systémique d'un monde à venir ou en devenir...

Les suivre, les écouter, les entendre et qui sait les comprendre et les aimer... c'est déjà se positionner par rapport à ce qu'ils préfigurent, à ce qu'ils annoncent, à ce qu'ils véhiculent en tant que "greffons" d'un corps social qui aurait fait le choix d'évoluer vers tel ou tel modèle systémique...

Kazuo Ishiguro a l'écriture simple et patiente de qui sait qu'il faut prendre son temps et revêtir sa plume de la tunique de l'humble pour que les mots puissent faire sens, toucher, impliquer, mobiliser...

"L'eugénisme, le clonage, le "don" ou le trafic d'organes...", ai-je dit en introduction, sont des pratiques ayant déjà cours dans notre monde.
Jusqu'à très peu, on pouvait se réfugier et se rassurer derrière un certain ordre mondial régi par des règles internationales, des lois et des "gardiens" de l'ordre en question, pour se persuader que ces pratiques étaient circonscrites au périmètre civilisationnel où elles avaient vocation à demeurer...

Dans un monde qui s'est officiellement et historiquement dérégulé le 24 février 2024, où chacun a décidé de ne plus faire que ce qu'il a envie de faire, quitte à sauter par-dessus les traités, la parole donnée, les tabous... on peut sérieusement s'interroger sur le devenir de tous ces verrous éthiques et humanistes qui sautent les uns après les autres... et qui, bon an, mal an, ont été jusqu'à un passé récent les piliers séculiers de l'édifice branlant que forme le couple imparfait humanité-civilisation..

En ce sens, - Auprès de moi toujours - peut être perçu comme une de ces voix venue rejoindre le choeur de celles qui nous alertent sur les risques du grand chambardement en cours...

En conclusion, je recommande ce roman pour ses qualités d'écriture, pour sa structure narrative "oscillante", pour son trio attachant, pour les thèmes qu'il aborde et ceux qu'il génère, pour sa mise en garde "implicite"...
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