Fragments d'horreur

Ce recueil comporte sept récits de 2013-2014 et un dernier, antérieur, de 2009. Il est une des pièces de la magnifique série de volumes de récits plus ou moins longs que Mangetsu a consacré au génial Junji Ito.

Dans « le futon », très court récit, un homme ne veut plus, et ne peut plus, sortir de son futon, voyant des monstres partout…Sa femme s'inquiète…Il finit par lui avouer qu'il a fauté dans ce même futon avec une inconnue, qui serait responsable de cet emprisonnement infernal…

Après cet amuse-bouche que l'auteur lui-même ne trouve pas très réussi, « La charpente possédée » offre un récit plus…charpenté. Un père vit seul avec sa fille dans une grande maison de style japonais traditionnel, qui se voit classée au patrimoine national. Il s'apprête à ouvrir à la visite. Mais avant que l'ouverture ne soit effective, une grande et jolie femme se disant étudiante en architecture se présente et tient absolument à visiter…Malgré les réticences de sa fille, le père va la laisser entrer. Il est vite troublé par cette étrange femme qui a craqué pour la maison, trouvant chacun de ses éléments en bois, poutres, parquet, « très sexy »…L'étudiante est gentille et ne va pas tarder à s'installer durablement…

Tomio et le col sanglant est encore une histoire d'homme infidèle, et victime de la femme qui l'a séduit. Lui et sa compagne vont voir une voyante pour savoir ce qu'il adviendra de leur relation. La voyante leur dit que ça va casser, et en profite pour captiver Tomio en un instant. Ils deviennent amants. Mais elle s'intéresse étrangement à son cou…Le cauchemar va commencer pour Tomio. Cette nouvelle, pleine de tension insoutenable et de rebondissements est une des plus sensationnelles que j'ai pu lire de Junji Ito, qui pour le coup n'usurpe pas sa réputation de maître de l'horreur ! C'est le point d'orgue du recueil.

Doux adieux nous fait découvrir les rémanents…Riko dont la mère est morte, vit dans la crainte permanente de perdre son père. Lorsqu'elle se rend dans la famille de son fiancé Makoto, c'est la stupéfaction : les arrières grands-parents du jeune homme, déambulent, évanescents comme des fantômes dans les couloirs de la demeure…du haut de leur 125 ans au compteur ! A l'origine du miracle, le clan familial qui en priant fort parvient à convoquer le reflet du mort, qui va à nouveau être visible des vivants, dans une image fantômatique. Les rémanents peuvent ainsi avoir et donner l'illusion d'exister encore parmi les vivants durant des années. Riko aimerait bien que la famille de Makoto « traite » son père pour le garder auprès d'elle après sa mort, ce que la famille refuse. Riko va bientôt comprendre pourquoi, et subir toutes les conséquences de ce phénomène de rémanence qui va la toucher en plein coeur. C'est un beau récit narrant un tragique destin, plus émouvant qu'horrifique. L'atmosphère y est étrange, sectaire, explorant un état entre la vie et la mort, mais aussi l'essence de l'amour filial.

Dans Miss Scalpel, l'étudiant en médecine Tatsurô, dont le père est chirurgien, tombe sur une jeune femme à autopsier…qui se réveille ! Il reconnaît là Ruriko, une ancienne petite camarade d'école qui n'avait de cesse de vouloir procéder à des vivisections d'animaux, une obsédée du scalpel, que Tatsurô avait fini par lui procurer. Mais la désormais jeune femme veut elle-même se faire ouvrir le ventre. Des années plus tard, c'est encore son corps sans vie qui se retrouve à devoir être autopsié par l'équipe de Tatsurô…Et de nouvelles surprises l'attendent ! Un texte sur les obsessions, la mort et la résurrection.

L'oiseau noir est un récit assez écoeurant. Un randonneur survit à une chute, bien qu'isolé en forêt durant un mois, grâce à l'aide d'une étrange femme-oiseau qui vient lui donner chaque jour la becquée…Le narrateur de l'histoire, un homme resté au chevet du blessé une fois à l'hôpital, est témoin que les visites de cette femme se poursuivent, elle continue de vouloir lui régurgiter de la nourriture. Cela pourrait en soi être déjà écoeurant, mais la suite va l'être vraiment…Ici, c'est la figure inquiétante de la femme-animale, être hybride à la fois bienfaitrice et maléfique, qui aliène sa victime et paraît elle-même indestructible, hors du temps…

Magami Nanakuse est l'histoire la moins forte du recueil en apparence, et pourtant diablement bien ficelée. Cette femme est une romancière à part, culte chez des initiés, pour ses romans « Alcootic », « Masculinitic », « Kleptic », etc. La jeune narratrice Kaoru qui rêve de devenir romancière est invitée à la rencontrer chez elle, et tout excitée. Mais elle va vite déchanter, la femme est en fait un travesti maniaque, dont les paroles sont envahies par les sonorités en « tic, tique ». Kaoru va être enfermée dans une cellule en sous-sol de la demeure, parmi d'autres pauvres diables qui ont développé du fait de leur captivité des gestes compulsifs irrépressibles…Ce récit explore les arcanes de la création romanesque et parfois toute sa noirceur psychotique !

Enfin, La chuchoteuse met en scène Mayumi, la fille d'un homme riche, qui a perdu très tôt sa mère et a la particularité de ne pas savoir du tout comment se comporter dans la vie quotidienne : elle pose des questions sans arrêt, mais vraiment sans arrêt, ne serait-ce que pour savoir si elle doit s'asseoir, se mettre debout, et comment, etc. Une véritable dinguerie, elle est complètement folle à lier, bonne pour l'asile. Mais le père préfère manifestement la garder chez lui, quitte à épuiser les unes derrière les autres les dames de compagnie. Un jour se présente pour le poste Mitsu. Contre toute attente, elle va remarquablement tenir le coup, ce qui pour le père, qui voit Mayumi aller un peu mieux, est inespéré mais aussi inquiétant, d'autant qu'il remarque que Mitsu a des hématomes au visage. Et quel zèle dans sa mission ! Cela cache quelque chose…Le père découvre bientôt que Mitsu est sous l'emprise de son conjoint qui bouffe tout l'argent du couple au jeu et lui enjoint de bosser comme une folle. Mitsu est épuisée…et Mayumi incapable de se passer de sa compagnie…Tout cela va finir mal…C'est encore une histoire où l'emprise est partout, la possession des esprits, les relations troubles et malsaines sont mises en exergue.

En résumé, alors que je me demande toujours comment Junji Ito va réussir à se renouveler d'un recueil à l'autre, il parvient encore à nous surprendre, allant chercher des situations hallucinantes, avec des personnages inquiétants, dont certains sont complètement timbrés. Encore une magistrale proposition de la maison Mangetsu, qui en plus nous gratifie d'une couverture magnifique, en revisitant le cri de Munch. A lire sans modération !

Rien qu'à la couverture de ce recueil, nous voyons déjà dans quel univers nous plonge junji Ito. Il y a différentes histoires, avec la première qui est relativement courte et simple. Nous avons affaire à un incroyable chef-d'oeuvre de notre maître de l'horreur. Je recommande aux amateurs de ce genre

Je pense vraiment qu'il s'agit de mon préféré de Junji Ito. Cet ouvrage m'a fait beaucoup d'effets et je me suis régalé à chaque pages que je pouvais tourner !
J'aime de plus en plus son style et son imaginaire tellement varié malgré les années qui passent.
Un vrai régal !

FRAGMENTS D'HORREUR, Junji Ito
@mangetsufr
Déjà j'adore la couverture (tout ses yeux et bien sur la référence à Munch) et le fait qu'elle reprend plusieurs éléments des histoires qu'on trouve dans le recueil)

On est clairement sur de vrais morceaux d'horreur au travers de ces histoires je compare cela avec ma dernière lecture, L'amour et la Mort, qui était beaucoup plus onirique et « poétique »
Les nouvelles sont clairement écoeurantes pour certaines !

✨Le futon (mai 2013) & La charpente possédée ( juillet 2015) : curieux mais sans plus, les dessins sont plus intéressants que l'histoire

✨Tomio et le col sanglant ( septembre 2013) : une histoire qui ressemble et fait référence à une légende urbaine)

✨Doux adieux (novembre 2013) (doublon)

✨Miss Scalpel ( janvier 2014) : très perturbant pour mon cas !

✨L'oiseau noir (mars 2014) : j'ai beaucoup aimé cette nouvelle, ma préférée, une fin excellente !

✨Magami Nakakuse ( mai 2014) franchement j'ai pas trop aimé l'histoire …mais ça partait bien

✨La chuchoteuse (novembre 2009) doublon, histoire que j'aime beaucoup malgré tout !

Ce qui est fort dommage (et qui me saoul un peu) c'est que deux nouvelles font doublons avec les Chefs d'oeuvres….Doux Adieux, et La chuchoteuse…
Comme c'est la même maison d'édition je trouve ça assez étonnant qu'elle n'évite pas ce fait qui semble se répéter.
Merci à @maelost pour le présent 💛
Lien : https://www.instagram.com/kh..

Ce recueil de 8 histoires horrifiques est une belle expérience pour débuter les oeuvres du maître mangaka japonais !
Influencé par @h_p_lovecraft et @stephenkingfr cet artiste connu mondialement pour ses histoires d'horreurs mêle psychoses et peurs humaines pour une parfaite ballade dans les tréfonds cauchemardesques de ses personnages.

Cet opus est particulièrement beau, un relié à collectionner qui nous rappelle « le cri » de @edvard_munch_art sera parfait pour orner les plus belles bibliothèques dédiées à l'art du manga.
Une belle découverte à offrir ou s'offrir