AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
EAN : 9782907374156
Fourbis Direct (01/12/1990)
5/5   1 notes
Résumé :
Après la mort de Paul Celan, la Frankfurter Allgemeine Zeitung charge Edmond Jabès d'écrire une œuvre mémorielle pour lui. Il en a résulté un bref essai intitulé « La mémoire des mots : comment j'ai lu Paul Celan ». Immédiatement, dès la première phrase, nous sommes confrontés à l'énigme de l'écrit passant comme une sorte de discours : « Je n'ai jamais parlé de Paul Celan. Or cette phrase imprimée sert d'avance, de pré-mot, au parler (et à l'écriture) qui va suivre... >Voir plus
Acheter ce livre sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten
Que lire après La mémoire des motsVoir plus
Citations et extraits (9) Voir plus Ajouter une citation
1 “ Je n'ai jamais parlé de Paul Celan .” Edmond Jabès, La mémoire des mots : Comment je lis Paul Celan (Paris : Fourbis, 1990), 9. Toutes les traductions du français sont les miennes, bien que je reste redevable aux traductions allemande et (antérieure) anglaise : Edmond Jabès, Worterinnerung : Wie ich Paul Celan lese , trad. Elias Torra, dans La mémoire des mots : Comment je lis Paul Celan (Paris : Fourbis, 1990), 23-39 ; et Edmond Jabès, « La mémoire des mots », trad. Pierre Joris, in Paul Celan : Sélections , éd. Pierre Joris (Berkeley : University of California Press, 2005), 217-223.
2 “ Je n'ai jamais rien écrit sur Paul Celan .” Ibid., 10.
3 "J'aime l'homme qui fut mon ami . Ibid., 9.
4 « Et, dans leurs différences, nos livres se rejoignent . Idem.
5 « Une même interrogation nous mensonge, une même parole blessée . Idem.
6 “ Ecrire, pour la première fois, sur Paul Celan et donner, pour lieu de destination, à mon texte, le lieu ouvert par sa langue, par sa propre parole, m'a poussé à dire « oui » — mais comme on dit «oui» à soi-même, dans le silence ou dans la solitude. En pensant, cependant, à l'ami disparu . Ibid., 10.
7 « La place est vide quand le vide occupe toute la place . Ibid., 11.
8 "Et comme si, pour la première fois, en toute sérénité, je l'accompagne là où nous n'avions jamais pénétré ensemble, au cœur même de la langue avec laquelle il s'est tant débattu et qui n'est pas celle avec laquelle nous nous parlements . Ibid., 10.
9 Edmond Jabès, « Souvenir de Paul Celan », in Le Livre des marges (Paris : Fata Morgana, 1984), 157.
10 « A qui parler quand l'autre n'est plus ? » Jabès, Mémoire , 11.
11 « Paul Celan était, lui-même, un admirable traducteur . Idem.
12 « [J]e ne peux lire Paul Celan qu'en traduction . . . . " Idem.
13 "«La traduction — comme l'écrit le poète Philippe Soupault, dans sa préface au Prince Igor — n'est une trahison que lorsqu'elle prétend, comme la photographie, reproduire la réalité .» » Ibid., 12.
14 Ibid., 13 .
15 « Ni l'un ni l'Autre mais - inexprimable douleur - le champ vaste désolé, eNVELOPPE de Brumes, de Ce Qui ne may seul se exprimer, hors et le temps Dans . » Idem.
16 « Et comme si cette parole ne pouvait s'ériger que sur les ruines de l'autre, avec et sans elle . Idem.
17 “ Le silence … permet l'écoute du mot .” Idem.
18 “ Passage ininterrompu du silence au silence et du mot au silence .” Idem, 14.
19 « [L]a langue du silence serait-elle celle du refus de la langue ou, au contraire, celle de la mémoire du premier mot ? Idem.
20 « Il n'y a pas, j'en suis maintenant persuadé, une histoire de la parole ; mais il y a une histoire du silence que chaque mot relate . Ibid., 15.
21 « Le mot qui est formé de lettres et de sons garde la mémoire … de toutes les voix qui l'ont, au cours des années et même des siècles – et prononcé . Ibid., 14.
22 Le meilleur espoir de traduction de Walter Benjamin est qu'elle n'essaie pas de communiquer la nature inessentielle du texte ; les mauvaises traductions ne communiquent que l'inessentiel (c'est-à-dire le communicable lui-même). Voir Walter Benjamin, « La tâche du traducteur », trad. Edmund Jephcott, dans Écrits choisis, Vol. 1, 1913-1926 , éd. Marcus Bullock et Michael W. Jennings (Cambridge : Belknap Press, 1996), 253-263.
23 " Sa vie est écrite, dans la langue de son écriture, avec les mots de sa vie même et de la mort, qui est encore un mot ." Jabès, Mémoire , 17.
24 Ibid., 20.
Commenter  J’apprécie          00
La trahison de la traduction devient une modalité nécessaire de la vie de Celan. Nous ne le connaissons aujourd'hui qu'à travers ses mots écrits et à travers les mots écrits par d'autres, même obliquement. Cependant, ces marques sur des milliers de pages ne peuvent amener Celan lui-même vers nous ou même vers nous. Au contraire, les lecteurs ne peuvent aborder ces textes écrits que dans une passivité qui ne supporte pas continuellement la violence du langage, de l'interprétation, par une simple réinscription ou représentation de ce que le texte cherche à transmettre. Seul le silence, le « dialogue silencieux par les mots » [« dialogue silencieux à travers les mots »] 24— ce qui ne peut être transmis ou reporté — brise les langues infranchissables et les lacunes historiques pour nous offrir une chance, une opportunité, un risque d'ouverture vers Celan, vers sa poésie, ainsi que vers le silence essentiel au cœur du langage. Le rapport de Jabès à Celan bouleverse le projet poétologique du poète de langue française lorsqu'il se confronte au silence qui interrompt et disloque ce que le langage, par l'écriture, tenterait de dire. Avec l'œuvre mémorielle de Jabès, son œuvre de mémoire, nous semblons être entièrement passés du versant communicatif et informationnel du langage au versant littéraire. Il est difficile, voire impossible, de lire dans Jabès tout ce qui ressemble à des faits biographiques, des anecdotes ou des détails historiques particuliers – le contenu typique des pièces commémoratives. Au lieu.
Commenter  J’apprécie          10
Ce jour-là. Le dernier. Paul Celan chez moi. Assis à cette place que mes yeux, en cet instant, fixe longuement.
Paroles, dans la proximité, échangées. Sa voix ? Douce, la plupart du temps. Et, cependant, ce n'est pas elle, aujourd'hui, que j'entends mais le silence. Ce n'est pas lui que je vois mais le vide, peut-être parce que, ce jour-là, nous avions l'un et l'autre, sans le savoir, fait le tour cruel de nous-mêmes. 9
Ce jour-là. Le dernier. Paul Celan chez moi. Assis sur cette chaise que mes yeux, en ce moment, fixent.
Des mots, avec proximité, partagés. Sa voix? Doux, la plupart du temps. Et pourtant ce n'est pas lui que j'entends aujourd'hui mais le silence. Ce n'est pas lui que je vois mais le vide, peut-être parce que ce jour-là, nous nous étions tous les deux involontairement joué un tour cruel et égoïste.
Le vide, rendu encore plus concret, plus palpable, avec l'évocation de la chaise, de la place, de la place laissée vacante par l'absence de Celan, fonctionne comme ce qui reste — le souvenir, le souvenir même — de Paul Celan. Ce bref souvenir remplit sa propre fonction mémorielle puisqu'il prépare aussi l'espace du revenant, du retour, du à-venir (qua venir ) de Celan, comme celui qui (ou dont l'absence) hante le texte de Jabès.
L'abîme laissé là où Celan existait autrefois ne peut pas remplacer le poète ; Jabès ne peut pas simplement utiliser cette fissure dans l'espace et le temps comme une réalité présente qui prend la place de son ami absent. Jabès continue d'expliquer l'absence de Celan en demandant : « À qui parler quand l'autre n'est plus ? Comme en guise de réponse possible à cette question sans réponse, Jabès propose une méditation sur la traduction. Seules les quelques lignes qui suivent révèlent des informations biographiques « substantielles » sur Celan ou Jabès : Celan, témoigne Jabès, était « un traducteur admirable », 11 après que Jabès avoue qu'il ne peut lire Celan qu'en traduction. 12
Commenter  J’apprécie          00
0Ainsi, l'histoire se révèle comme l'absence d'histoire, de contenu narratif, de fonction représentative.
C'est ici, dans l'affirmation de Jabès, qu'une telle histoire du silence se chiffre dans la matérialité du mot — « formé de lettres et de sons » 21 — où l'on peut commencer à entrevoir le propre projet poétologique de Jabès. Pour le poète, le mot compte. Le mot encode la mémoire et l'histoire dans sa matérialité même, dans son incapacité à parler dans son silence qui est, après tout, ce qui pousse, provoque, tente et oblige Jabès à écrire et à parler sur Celan. Tout comme l'emploi par Celan du vocatif « Mesdames et Messieurs » tout au long de son discours du méridien, Jabès, dans son bref ouvrage mémoriel, opère sa propre distanciation par la répétition et l'évocation de « Paul Celan » dix-sept fois, entouré partout de jeux de mots et d'autres jeux de mots, notamment silence et sa langue. « La mémoire des mots : comment j'ai lu Paul Celan » de Jabès est donc plus qu'une simple mémorisation de Celan l'homme ; il devient aussi une lecture du mot/nom « Paul Celan », ainsi qu'une expression de la mémoire encodée dans ce mot/nom. Et pourtant les mots tirés du poème de Celan qui clôt l'œuvre de Jabès traduisent davantage - encore une fois, pas ce qui est communicable 22 - ce qui est impossible à transmettre : Celan l'homme, son absence, et les souvenirs personnels de Jabès de son ami, de sa lecture des poèmes de Celan. On ne peut approcher la vie de Celan, l'être de l'homme qui portait ce nom. Pourtant la vie de Celan, à travers l'écriture, nous permet d'accéder au poète allemand lui-même à travers ses propres mots qui portent la blessure et la cicatrice de son absence, de sa double absence : sans doute, la vie de Celan « s'écrit dans la langue de son écriture ». 23
Commenter  J’apprécie          00
Avant même de tenter de nous en proposer une explication, Jabès poursuit cette affirmation en posant sa propre question : « le langage du silence est-il celui du refus transcendant du langage ou, au contraire, celui de la mémoire du premier mot ? 19Au risque de trop s'appuyer sur un échafaudage métaphysique du langage, on a néanmoins envie de se demander : « Quel est le premier mot ? Suivant d'autres indications remontant vers le mythe hébreu de la création, est-ce le premier mot de la Torah ou le premier mot prononcé par D.ieu ? Est-ce le premier mot de l'être humain ou le nom nécessaire prononcé en complément de la création ? Peut-être ce premier mot renvoie-t-il indirectement au premier mot de l'éthique : la sainteté du salut — c'est-à - dire la reconnaissance de la hauteur et de la distance divines de l'autre infini, aporétique lorsque nous le rencontrons face à face. A l'inverse, peut-être que le premier mot implique, en réalité, le dernier : le Dieu soit avec vous de l' au revoir , le a-Dieu de l' adieu . Est-ce le premier mot de Paul Celan, la petite fleur , qui s'épanouit sur ses lèvres malgré sa langue maternelle germanique ? Et pourquoi le souvenir ; pourquoi pas le mot lui-même ? Ou est-ce un mot — comme shibboleth — qui reste à jamais sur le limen , à la frontière de l'entre-deux, espace-temps médian du milieu de l'être ? Malgré le flot de questions qui découlent d'une telle affirmation, Jabès soutient et avoue que même s'il reste un souvenir du premier mot, il n'y a pas d' histoire du mot. Il y a cependant une histoire du silence de chaque mot. 20
Commenter  J’apprécie          00

Videos de Edmond Jabès (10) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Edmond Jabès
Lecture de Jean Lancri : une création originale inspirée par Edmond Jabès.
Ce cycle est proposé par la Maison des écrivains et de la littérature (Mel) en partenariat avec la BIS. Un mois avant la restitution, l'écrivain est invité à choisir un élément dans les fonds de la BIS. Lors de la rencontre publique, « le livre en question » est dévoilé. Chaque saison donne lieu à la publication d'un livre aux éditions de la Sorbonne "Des écrivains à la bibliothèque de la Sorbonne" Saison 5 : Jean Lancri, Gaëlle Obiégly, Sylvie Germain et Michel Simonot
autres livres classés : médiumVoir plus
Acheter ce livre sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten


Lecteurs (1) Voir plus



Quiz Voir plus

Testez vos connaissances en poésie ! (niveau difficile)

Dans quelle ville Verlaine tira-t-il sur Rimbaud, le blessant légèrement au poignet ?

Paris
Marseille
Bruxelles
Londres

10 questions
1228 lecteurs ont répondu
Thèmes : poésie , poèmes , poètesCréer un quiz sur ce livre

{* *}