Un garçon comme vous et moiIvan Jablonka
La librairie du XXI°. Seuil
2021, 282p
Je ne suis pas sûre que le livre soit réussi. Son thème est une interrogation sur la masculinité. L'auteur remarque que se poser la question est déjà un signe de masculinité faible. Comme
Montaigne, il se prend comme objet de sa réflexion parce c'est quand même lui qu'il connaît le mieux.
Physiquement, il est plutôt de constitution fragile. de caractère, il est sensible et anxieux. La violence lui a toujours répugné. Il a du mal à draguer les filles. Il a un frère de trois ans son cadet. Il a joué au football, était endurant à la course. Les jeux vidéo lui plaisaient beaucoup. Il a eu comme camarades des garçons et des filles. Il a eu un grand et pur
amour d'enfant qu'il n'a pas oublié et qui sans doute a orienté sa vie.
Ses parents étaient l'un ingénieur, l'autre professeure agrégée de lettres, tous deux libéraux, naturistes et un tantinet rebelles. Les mots d'ordre étaient travail et réussite scolaire. Après le bac, il a suivi des études qualifiées de plutôt littéraires par
amour des mots et par curiosité. Ses sujets de prédilection tournent autour de personnes qui sont des victimes.
Il est né en 73. L'auteur pense qu'on est aussi genré par génération. Il a connu #Me too, qui lui a fait prendre conscience des violences masculines faites aux filles. Il a participé à des beuveries sans boire, à des causeries sans se droguer. Il ne prend pas de risques. Il écoute Renaud et Gainsbourg et Brassens. Il voit quelques films porno, le genre s'est démarginalisé, et en conclut que certains pratiquent l'
amour sans connaître la chair ni le corps ; il est aussi de la génération sida.
Et surtout, son père, dont il a toujours eu en tête la souffrance d'orphelin, n'a pas connu ses parents. Juifs, ils ont été exterminés. L'enfant ressent fortement l'absence de ses grands-parents, et se place d'emblée du côté des victimes.
Même si blanc de peau et de sexe masculin, il a tout de suite eu des avantages, voire des privilèges. du reste, il jouit d'un très bon niveau social, exerce une profession qu'il aime, est le père de deux filles. Ses livres se vendent bien, lui qui écrit pour rendre manifeste la présence des absents, pour ne pas être seul, pour être aimé. A la suite de
Verlaine, il s'éprouve comme le pauvre Lélian, le mal-aimé. Et j'ajouterais pour vaincre la mort. Parmi ses camarades, deux, dont l'un pourtant plus masculin que lui, se sont suicidés, l'un est mort d'un accident en montagne. Un autre a fui au Mexique pour échapper à ses démons.
Ce livre, pas littéraire du tout, même si l'auteur cite quelques écrivains qu'il aime bien quand il parle des sacrifiés du sida, est en fait une autobiographie assez complaisante, qui répond à sa conception de la vie comme succession de traces qu'on laisse, comme le sont les photos qui illustrent l'ouvrage, et qui a pour prétexte le questionnement sur la masculinité.