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Citations sur L'été meurtrier (58)

Quand je suis né, notre mère voulait m'appeler Baptistin. C'était le nom de son frère, Baptistin Desrameaux, qui s'est noyé dans un canal en portant secours à quelqu'un. Elle dit toujours que quand on voit quelqu'un qui se noie, il faut regarder ailleurs. Quand je suis devenu pompier-volontaire, elle était tellement furieuse qu'elle a donné des coups de pied à mon casque, elle s'est même fait mal. En tout cas, elle s'est laissé convaincre par notre père de m'appeler Fiorimondo. C'était le nom de son frère à lui et, au moins, il était mort dans son lit.
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Le jour où il est mort, notre mère nous a dit que plus tard, quand mon autre frère, Bou-Bou, serait grand, on leur montrerait. On irait, les trois garçons, se planter avec le piano sous les fenêtres du Crédit Municipal et on leur jouerait Roses de Picardie toute la journée. Ils seraient fous. Mais on ne l'a jamais fait. Il a dix-sept ans maintenant, Bou-Bou, et c'est lui, l'année dernière, qui m'a dit de rentrer le piano dans la grange. Moi, j'en aurai trente et un en novembre.
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Le piano mécanique, on l'a toujours, il est dans la grange. On l'a laissé des années dans la cour et la pluie l'a tout noirci et gondolé. Maintenant, c'est les loirs. Je l'ai frotté avec des granulés de mort-aux-rats mais ça n'a rien donné. Il est troué de partout. La nuit, quand un loir se prend dedans, c'est la sérénade. Parce qu'il marche encore. Malheureusement, on n'a plus qu'une seule bande, Roses de Picardie. Notre mère dit que, de toute manière, il ne pourrait pas en jouer une autre, il est trop habitué. Elle dit qu'une fois, notre père l'a traîné jusqu'en ville pour le mettre au clou. Ils n'en ont même pas voulu. En plus, pour aller en ville, ça descend tout le temps, mais pour revenir, notre père avait déjà le cœur usé, il n'en pouvait plus. Il a fallu payer un camionneur pour ramener le piano. Oui, c'était un homme d'affaires, notre père.
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Et puis, ils ont pris la sœur de ma mère avec eux. Elle est sourde à mort depuis le bombardement de Marseille, en mai 1944, et elle dort les yeux ouverts. Le soir, dans son fauteuil, on ne sait jamais si elle est endormie ou non. On l'appelle tous Cognata, qui veut dire belle-sœur, sauf notre mère qui l'appelle Nine. Elle a soixante-huit ans, douze de plus que notre mère, mais comme elle ne fait rien que sommeiller dans son fauteuil, c'est notre mère qui semble l'aînée. Elle ne se lève que pour les enterrements. Elle a enterré son mari, son frère, sa mère, son père et le nôtre, quand il est mort en 1964. Notre mère dit qu'elle nous enterrera tous.
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On dit qu'il est venu d'Italie du Sud à pied, en tirant son piano mécanique au bout d'une corde. Il s'arrêtait sur les places et il faisait danser les gens. Il voulait aller en Amérique. Ils veulent tous aller en Amérique, les Ritals. En fin de compte, il est resté ici parce qu'il n'avait pas l'argent pour le billet. Il a épousé notre mère, qui s'appelait Desrameaux et qui venait de Digne. Elle était repasseuse et lui, il bricolait dans les fermes, mais il gagnait quatre sous et l'Amérique, évidemment, il ne pouvait pas y aller à pied.
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C'était quelqu'un, notre père.
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Pour notre père, le plus grand c'était Fausto Coppi. Quand Coppi est mort, il s'est laissé pousser les moustaches en signe de deuil. Il est resté toute une journée sans parler, assis sur un vieux tronc d'acacia, dans la cour enneigée, à fumer son tabac made in U.S. roulé dans du papier Job. Il ramassait les mégots, rien que les américains, et il se faisait des cigarettes comme on n'en a jamais vu. C'était quelqu'un, notre père.
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Une fois, je l'ai regardé descendre dans la vallée, sur notre route le long de la rivière. C'est à pic comme l'enfer et plein de virages, et la route est à peine assez large pour une seule voiture. Je le regardais d'en haut, dans les sapins, d'où je pouvais le suivre pendant des kilomètres, tout petit, tout jaune, disparaissant et ressuscitant à chaque virage, et j'entendais même son moteur et le bruit de son chargement dans les cahots. Il m'a fait peindre son camion en jaune quand Eddy Merckx a gagné le Tour pour la quatrième fois. C'était un pari. Il ne peut pas dire bonjour, comment ça va, sans parler d'Eddy Merckx. Je ne sais pas de qui il tient sa connerie.
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Quand je suis né, notre mère voulait m’appeler Baptistin. C’était le nom de son frère, Baptistin Desrameaux, qui s’est noyé dans un canal en portant secours à quelqu’un. Elle dit toujours que quand on voit quelqu’un qui se noie, il faut regarder ailleurs. Quand je suis devenu pompier volontaire, elle était tellement furieuse qu’elle a donné des coups de pied à mon casque, elle s’est même fait mal. En tout cas, elle s’est laissé convaincre par notre père de m’appeler Fiorimondo. C’était le nom de son frère à lui et, au moins, il était mort dans son lit.
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Le piano mécanique, on l'a toujours, il est dans la grange. On l'a laissé des années dans la cour et la pluie l'a noirci et gondolé.
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