Elie Mestenapeo, un jeune Innu de la Côte-Nord, au Québec, a tué son père alcoolique et violent dans une crise de rage. Pour ce meurtre il a fait 10 ans de prison. À sa sortie, il est rejeté par les siens, exclu de sa communauté. Un bannissement à vie, même s'il a payé sa dette envers la société selon le droit des blancs. Il prend la direction de Montréal, Tiojtia :ke dans sa langue. À peine arrivé il se fait voler son sac et toutes ses affaires. Il rejoint alors une nouvelle communauté : celle des Autochtones SDF, invisibles parmi les invisibles
Michel Jean nous plonge au coeur du quotidien de ces laissés-pour-compte. Un quotidien dominé par la solitude et la solidarité, la peur, la précarité, la violence. Une société en marge de la société, avec ses propres règles, ses codes, où la mort rode, omniprésente. Une communauté à la fois soudée et autonome, où les femmes disparaissent, sont assassinées, des hommes meurent de froid dans l'indifférence générale. Ont-ils - ont-elles une chance de s'en sortir ?
Comme d'autres avant lui, Elie va apprendre la survie, faire des rencontres. Il y a Jimmy et sa soupe populaire, les jumelles Nappatuk qui vivent dans la rue depuis 30 ans, Geronimo, le premier à lui tendre la main, Caya le rockeur, Mafia Doc un vieil itinérant plus ou moins médecin qui refuse de quitter sa tente alors que Montréal plonge dans le froid polaire, et tous ceux et celles arrivés à Montréal par les méandres tumultueux de la vie. Et puis il y a Lisbeth, la fille d'une des jumelles, qui fait des études de médecine. Enfin il y a ce monstre qui se terre au creux du ventre d'Elie, toujours prêt à bondir. Avec l'aide de Lisbeth, de Jimmy et des autres, Elie parviendra-t-il à dompter ce monstre, à faire la paix avec son passé ?
Dans ce roman plein d'humanité,
Michel Jean nous raconte le quotidien de ces êtres fracassés, fait d'alcool et de rixes, mais aussi de solidarité, de poésie et d'espoir. Un monde d'humanité au coeur d'une ville qui en manque parfois (souvent).
Les chapitres sont courts. le style est vif, rapide, simple, brut comme la vie de ces hommes et ces femmes. L'auteur va droit au but, sans s'embarrasser de fioritures inutiles. On est rapidement en empathie avec Elie. On s'attache à ses compagnons d'infortune.
Le récit ethno social se double d'une dose de polar, rendant le roman plaisant.
Première incursion dans l'oeuvre de
Michel Jean, journaliste et auteur innu, appartenant à la communauté de Mashteuiats.Une belle découverte qui me donne envie de lire les autres oeuvres de cet auteur, dont
Kukum, son précédent roman qui a reçu de nombreux prix et connait un succès international. Un grand merci à Netgalley et aux Editions du Seuil et sa collection « Voix autochtones ».