Joinville a 93 ans lorsque, quarante année après la mort de Saint-Louis, il achève de compiler ses récits sur leurs communes aventures. Parti vers Chypre, l'Égypte et Saint-Jean d'Acre à 25 ans, Joinville rentre en France avec le roi.
Le recueil, dit l'auteur, comporte une part de récits de faits vécus par lui et "d'une chronique en français" - "que j'ai fait transcrire". La présente édition date de 1928, en français contemporain, ce qui perd un peu sans doute.
Néanmoins, on voyage avec ces récits très sobrement rapportés, dans un mélange de pudeur et de solennité avec un langage simple et presque naïf, surtout dans sa bigotterie. On est tout de même surpris des aventures, nombreuses, avec le soudan, les Sarrasins et la Reine de Chypre. Un témoignage d'un autre temps.
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Alors il appela Monseigneur Philippe [futur PIII Le Hardi] son fils, et lui commanda de garder en testament les enseignemnts qu'il lui laissa, écrits de sa sainte main, dit-on, et qui sont ci-dessous rédigés en français :
1- Cher fils, la première chose que je t'enseigne est d'appliquer dans tout ton cœur à aimer Dieu ; car sans cela nul ne peut être sauvé ;
[...]
5- Confesse-toi souvent et choisi un confesseur prud'homme qui sache t'enseigner ce que tu dois faire et ce dont du dois te garder ; [...]
9- Aie soin d'avoir en ta compagnie des prud'hommes, soit religieux, soit séculiers et parle souvent avec eux ; et fuis la compagnie des méchants.
[...]
16- Si quelqu'un a une action contre toi, sois toujours pour lui contre toi jusqu'à ce que tu saches la vérité ; ainsi tes conceillers jugeront le cas plus hardiment selon le droit et la vérité
[...]
28- Prends garde que les dépenses de ton hôtel soient raisonnables et modérées.
29- Enfin, très doux, fais chanter des messes et dire des oraisons par tout le royaume our le repos de mon âme, et octroie-moi une part spéciale dans tout le bien que tu feras.
30- En dernier, mon cher fils, je te fonne toutes les bénédictions qu'un bn père peut donner à son gils Que la benoite Trinité et tous les saints te gardent et défendent de toujours sa volonté, de telle sorte qu'il soit honoré par toi, et que toi et moi, nous puissions, après cette vie mortelle, être ensemble avec lui et chanter sans fin ses louanges. Amen.
Du voyage que le roi fit à Tunis je ne veux parler parce que je n'y fus pas, Dieu merci, et que je ne veux rien dire ni mettre dans mon livre dont e ne sois certain. Nous dirons simplement qu'après son arrivée à Tunis, devant le château de Carthage, un accès de flux du ventre le prit, en même temps que Philippe, son fils aîné, était malade de fièvre quarte. Il fut obligé de se mettre au lit, sentant bien qu'il devait bientôt trépasser de ce monde dans l'autre.
L'aide que Dieu apporta au roi fut telle que le comte Thibault de Champagne qui fut depuis roi de Navarre, offrit ses services au roi avec trois cents chevaliers ; grâce à quoi, le comte de Bretagne dut se rendre à la merci du roi, lui abandonnant, en faisant la paix avec lui, les comtés d'Anjou et du Perche.
Il arriva que notre nef heurta le rivage devant l'île de Chypre, par un vent qui a un nom garbin et qui n'est pas des quatre maître vents. Et le choc qu'on en ressentit mit les nautonniers en tel désespoir qu'ils échiraient leurs vêtements et s'arrachaient la barbe.
Monseigneur Raoul de Vanault, qui était près de moi, avait eu les jarrets coupés à la grande bataille de Mardi-gras et il ne pouvait se tenir sur ses pieds ; et sachez qu'un vieux chevalier sarrasin le portait au privé, suspendu à son cou.