Maria Alberta est une vieille dame formidable que j'aurais aimée rencontrer. Ne pouvant plus marcher et ayant d'autres soucis physiques elle réside désormais à l'Hôtel Paradis.
Elle est magnifique Maria Alberta, digne, cultivée, curieuse, très tenace et attentive aux autres. Si son corps la lâche son esprit reste vivace et son univers intérieur est riche et poétique.
"Galets de la mer sur ma commode.
Je les caresse --- Dans ma main un
océan et ses poissons."
Les relations avec sa fille sont complexes. La vieille dame n'est pas toujours facile entre conseils et reproches fréquents. Un jour elle lui confie un enregistrement de quarante heures, celui de son journal de bord d'une année dans cette résidence pour personne agées. A sa fille de transcrire ce testament. C'est ce texte très littéraire que nous offre
Lidia Jorge.
Certains moments sont très durs, témoignage accablant du manque d'humanité qu'impose les contraintes et le manque de personnel dans ces établissements. Comme dans ce passage où deux aides soignantes entrent dans la chambre parlant entre elles, riant , ne répondant pas à Maria Alberta qui attend que l'on s'adresse à elle.
"J'ai encore répété plusieurs fois, bonjour, aujourd'hui c'est le dimanche de Pâques.Mais elles me mettaient mon maillot de corps et mon chemisier, m'enfilaient mes bas et mon pantalon, sans me voir, leurs rires passaient à côté de mon corps et par-dessus ma tête, elles levaient mes bras comme si elles manaient des pièces métalliques au milieu d'une usine"
D'autres moments sont magnifiques car Maria Alberta aime les autres et sait accueillir les belles rencontres. Des moments sincères et affectueux avec un jeune bénévole venant lui faire la lecture, avec Lilimunde très jeune aide soignante qui a besoin de se confier, avec Ali jeune homosexuel parlant très peu le portugais. de beaux moments car Maria Alberta s'interesse profondément à ceux qui l'entoure, les accompagne, les écoute, les défend.
Mes moments préférés sont toutefois ceux où son esprit s'évade, sort de l'enceinte close de l'Hôtel Paradis
"... je recours à la mémoire pour sortir de ces murs et triompher de mon état de recluse"
Elle retrouve alors souvenirs d'enfance, l'alternance des saisons sur le jardin.
" Si je décris ce qui est lointain, c'est uniquement parce que je possédais ces trésors qui me manquent maintenant. Mieux vaut les avoir perdus que ne les avoir jamais eus. Je remplis mon âme des visites sans fin que je fais au monde dont je me souviens comme si je possedais à nouveau la Nature qui est loin"
La langue est superbe, les émotions nous chavirent, du sourire au chagrin, du fantastique à la poésie.
Maria Alberta fut une belle rencontre. Pleine d'humanité elle illumine ce récit traitant d'un sujet assez peu traité.