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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
En 2003, Pierre Jourde publiait « Pays Perdu », un récit où il parlait d'un petit village du Cantal, dont sa famille est originaire. Jourde souhaitait faire l'éloge de son village et montrer son attachement, pourtant le livre a fortement déplu aux habitants de ce village, car certains s'étaient reconnus sous des termes qu'ils estimaient peu flatteurs, voire humiliants. Aussi, l'année suivante, alors qu'il y retournait, Pierre Jourde et sa famille sont victimes de menaces et d'une violente agression par des habitants qui veulent en découdre car ils s'estiment calomniés par le récit et victimes de trahisons gratuites, alors que certains n'ont même pas lu le livre. S'ensuit, en 2007, un procès retentissant, car très médiatisé, où les agresseurs sont condamnés, mais Pierre Jourde est mis au ban de son village.

La Première Pierre, écrit dix ans après la publication du texte qui sema la discorde, revient sur cet épisode de la vie de Pierre Jourde, revenant sur les faits à partir du moment de l'agression jusqu'au procès. L'auteur propose un récit minutieux de l'escalade de violence au village, ainsi qu'une réflexion sur les éléments qui l'ont poussé à écrire « Pays perdu », qui était à l'origine « globalement, un éloge du pays » mais qui a en fait eu le tort de « raviver les souffrances ».

Les années ont passé, mais au village, rien ne sera plus comme avant. Pierre Joudre analyse sans complaisance les causes de la violence ; il a été coupable de maladresses, qui ont transformé de vieux amis en adversaires résolus à le blesser lui et sa famille alors qu'il se réclamait des leurs. « Tu n'es même pas un inconnu, tu es un fantôme, une non-présence. »

S'en est suivi un débat sur la liberté de l'écrivain et le pouvoir de la littérature. Peut-on parler absolument de tout et se dégager des conséquences de ses écrits (ou de ses dessins, ou caricatures…) ?

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Suite à la parution de "Pays perdu", où il se livre à un portrait du très reculé village auvergnat de son enfance, l'auteur s'est vu lynché par les familles du village, qui ont très mal reçu ce témoignage, qui se voulait pourtant lyrique et laudatif. La mise au jour de certains secrets de famille autant que la description de leur misère ont été très mal vécues par les habitants qui ont jeté l'opprobre sur Jourde et les siens. "La Première Pierre" raconte les suites de cette affaire, le procès, les conséquences plusieurs années après....L'auteur se livre à une poignante explication de texte, en mettant l'accent une nouvelle fois sur ce "pays perdu" qui malgré sa boue, son absence de modernité, ses vices et ses travers, demeure pour lui un éden pur et simple auquel il revient toujours et qu'il a voulu louer et sublimer par une oeuvre littéraire. Un très beau récit, porté par une plume somptueuse.
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N°708 - Décembre 2013.
LA PREMIERE PIERREPierre Jourde – Gallimard.[2013]
C'est bien la première fois que je lis un livre qui est le compte rendu et le commentaire d'un autre livre que je n'ai pas lu. de qui s'agit-il donc ?
L'auteur, Pierre Jourde, romancier, critique littéraire et universitaire est originaire de Lusseaud, un petit village d'Auvergne où il revient chaque année passer ses vacances dans la maison de famille. Il a, en 2003, publié un livre, « Pays perdu » qui, selon ses dires, se voulait être un hommage à ce terroir et à ses habitants, des individus ainsi devenus des personnages de roman dont les noms avait été, bien entendu, transformés. Dans ce premier livre il parlait de la rudesse de la vie montagnarde, de la solidarité qui cimente les gens, tout cela à l'occasion de la mort de la fille d'un voisin. Il se demande d'ailleurs comment « un livre publié chez un petit éditeur par un auteur peu connu »avait bien pu parvenir chez des gens qui pourtant lisent peu. le paradoxe fut sans doute que parmi ses nombreux détracteurs, peu avaient effectivement lu ce récit et que d'autres parmi eux l'avaient trouvé peut-être naïf mais pas méchant. L'ennui c'est qu'une partie de ces derniers qui y avaient pourtant vu au départ « un beau livre » y ont lu une attaque personnelle inacceptable, une incursion dans leurs vies et cette fiction les a « rendu fous de rage ». L'auteur fit donc l'objet de critiques qui nourrirent une polémique et son retour estival a rapidement dégénéré en une lapidation, un véritable lynchage, quelques allusions précises à un adultère ancien de sa grand-mère, la filiation douteuse de l'auteur et des remarques acerbes sur sa vie privée personnelle. Un peu comme si de longues années de jalousie et de haine éclataient enfin en cette journée estivale, sous les yeux de sa famille, un peu comme si Hugo était rossé par les les Thénardier, comme si Zola était bastonné par les Rougon-Macquart ! Tout cela se termine en bataille rangée, un contre tous, mais l'auteur qui pratique la boxe ose se défendre ce qui, dans l'esprit des autochtones aggrave son cas. Sa mère lui avait pourtant conseillé de ne pas répondre si on l'agressait.
Bien entendu, il y a dépôts de plainte de part et d'autre, procès-verbaux de police parfois laborieux, instructions contradictoires, mauvaise foi ordinaire, négations des faits pourtant patents et finalement audience devant le tribunal d'Aurillac avec constitution d'avocats, effets de manches et finalement verdict condamnant tout le monde à des amendes et à de la prison avec sursis. Mais puisque l'auteur est un écrivain, la presse locale et nationale s'en mêle, prend partie, tout comme les réseaux sociaux de sorte que ce qui aurait pu être un épiphénomène devient rapidement une affaire où s'opposent deux conceptions. D'une part un type de la ville, universitaire et écrivain qui, sous couvert de ragots dont il s'est fait l'écho, a violé une communauté paysanne à laquelle il ne comprend rien, montrant l'arrogance des citadins et surtout des intellectuels face aux vrais valeurs de la France rurale incarnées par des paysans désarmés, autant dire une notion pétainiste de la terre « qui ne peut mentir ». D'autre part ceux qui ont aimé ce livre et qui insistent sur l'illustration de la beauté des campagnes et de la vie paysanne, prônent la liberté d'écrire et la sacralisation de la littérature face à des analphabètes. La polémique était donc totale et chacun y allait de son commentaire.
Le problème se posait donc à l'auteur qui, dans la rédaction de « La première pierre » s'interpelle lui-même sous le vocable de « Petit bonhomme ». Il prend conscience, à la lumière de ces faits que la littérature a au moins une fonction, celle de « tenter d'opposer, à toutes les fictions rudimentaire, la complexité du réel » mais ce n'est pas suffisant, il sent qu'il doit s'expliquer plus avant, dégonfler cette baudruche qu'il a contribué naïvement peut-être à créer et que d'autres se sont chargés de gonfler. C'est qu'il a écrit ce livre avec son coeur, surpris par la polémique qui a suivi, nourrie par exploitation partisane de passages sortis volontairement de leur contexte ou mal interprétés dans le seul but de choquer, un peu comme si ce livre ressemblait malgré lui à un os offert à ronger, une sorte d'occasion donnée aux autres de se venger de celui qui certes était d'ici mais qui avait réussi, habitait la ville, écrivait des livres, ne grattait plus la terre et donc ne leur ressemblait plus ! On aurait sans doute voulu qu'il fût, s'autocensurant, moins lui-même, plus consensuel et coopératif avec ceux qui étaient ses personnages, qu'il restât dans les limites « correctes » de la littérature. de ce qui n'était à l'origine qu'une nouvelle relatant les obsèques d'une enfant il a voulu faire un livre où il parlait des gens, de leur histoire, de ce terroir qu'il n'avait pas assez idéalisé, donnant des détails qui ne tissaient pas forcement « une bonne image » de l'Auvergne. Ce faisant, il avait touché aux morts et cela devenait « dégoûtant ». Il fallait donc le lui faire payer. Alors on lui avait renvoyé au visage l'opprobre d'une bâtardise qu'il n'ignorait cependant pas. Et tout est ressorti à partir de là, la faiblesse de ce père tardivement reconnu par le mari de cette mère infidèle et bafoué par elle, l'héritage qui avait fait de lui un riche propriétaire dont des générations de pauvres fermiers trouvaient ainsi, par delà le temps, l'occasion de se venger. Pour eux, les riches dont Jourde fait partie ne pouvaient qu'être mauvais et ce livre était une occasion à ne pas manquer de le dire, malgré les verres entrechoqués, les fêtes données au village, les messes entendues et les coups de main donnés par l'auteur lui-même, pour les travaux des champs. Il était accepté bien qu'il soit définitivement « un étranger ». Ainsi Pierre Jourde se sentait investi d'une mission, celle de rendre à son père sa fierté et c'est avec ce livre qu'il entendait le faire de sorte que « la mort du père menait à l'écriture du livre, ce tombeau ».
Quant aux révélations qu'il fait sur les habitants, le « petit bonhomme » les assume puisque, même si elles sont tragiques, elles n'ont rien de mystérieux, sont connues de tous mais doivent rester secrètes. Pierre Jourde ne se destinait pas à écrire sur ce pays, seul les obsèques de cette jeune fille ont été le déclencheur et dans son livre il évoque le village, l'histoire clandestine de sa famille et « l'incapacité à dire » de l'auteur « avait produit le livre » parce que dans un village tout se sait, même si des choses restent secrètes au sein même d'une famille. Maintenant, après tout cela, quand il revient à Lussaud on l'ignore , il est une non-présence, sauf peut-être quelques-uns que cela ne concerne pas. Il éprouve pour lui ce qu'est le non-pardon mais qui s'étend aussi à tous ceux qui l'ont soutenu, même à ceux qui depuis ont acquis une maison au village et même à leurs enfants ! Pour faire bonne mesure il y a eu une pétition, des menaces, des intimidations, des petites bassesses qui signifiaient à l'auteur que même dix ans après il n'était plus chez lui.

J'ai lu ce livre passionné et passionnant par le problème qu'il soulève mais aussi par la manière lumineuse dont il est écrit. Je l'ai lu comme une autre manière de se libérer, d'exorciser cette haine, malgré le risque de rallumer les querelles à cause des noms cités [« En même temps il faut bien que les choses soient dites »]. Je l'ai lu comme un plaidoyer en faveur de l'écriture qui est une catharsis. Elle est un droit et même un devoir pour l'écrivain parce que qu'il porte en lui doit être exprimer, la sanie qui coule de sa blessure doit être épongée même s'il doit pour cela convoquer des fantômes. L'écrivain n'a pas forcément quelque chose à vendre, il porte en lui un message qu'il doit exprimer avec des mots, quoiqu'il lui en coûte, même s'il bouscule un peu sa famille. Et le « petit bonhomme » doute «  Mais qu'est ce que tu dis là, tu dis ce qu'on ne dit jamais... tu sais que le silence est plus digne...tu installes la honte dans ta maison. La littérature est une honte » mais il s'exprime en voulant surtout ne faire de mal à personne. Il règle des comptes, il aggrave son cas en quelque sorte avec ce deuxième livre, mais il a gardé cette maison au village et je trouve cela plutôt bien, une manière de dire à tous qu'il a fait ce qu'il avait à faire !
©Hervé GAUTIER – Décembre 2013 - http://hervegautier.e-monsite.com
Lien : http://hervegautier.e-monsit..
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Je n'ai malheureusement pas commencé par 'Pays perdu', le livre auquel il se réfère, mais cela ne m'a pas gênée.

En tout cas on n'est pas surpris de lire le caractère de ces hommes/femmes du fin fond de nulle part. C'est sans doute vrai pour tous ces genres de lieux, mais particulièrement en Auvergne. Lire Vialatte sur le sujet dont voici une citation qui se rapproche de l'état d'âme de Pierre Jourde :

Ce vieux pays m'assiège et me tourmente. Je n'en finirai jamais de m'expliquer avec lui. Il bourdonne autour de ma tête comme une mouche qu'on ne peut pas chasser. Sa neige n'est pas la même qu'ailleurs, ses ombres ne sont pas les mêmes. J'en ai fait le tour bien des fois, comme un chien qui gratte à la porte et rôde autour de la maison, flaire des traces et réfléchit, s'égare et hurle un peu en regardant la lune, (...).
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Tragique et révélateur de la violence dont sont capables hommes et femmes envers un de ceux qu'ils considéraient avant comme un fils, un frère ou un ami. Pierre Jourde règle ses comptes avec son village natal où chaque été il revenait. Ses habitants lui vouent aujourd'hui une rancoeur éternelle suite à un roman précédent "Pays perdu" paru en 2005 qui réveilla des colères, révéla des tabous que lui-même ignorait, dans une incompréhension mutuelle, une totale méprise car, en voulant rendre une peinture tendre et affectueuse de ces terres rudes et isolées, les relations amicales se sont transformées en haine et violence. Avec le recul, après les mois d'instruction, il revient sur ce conflit qui a bouleversé sa vie, sa famille et qui aurait pu leur être fatal et qui l'oblige aujourd'hui à tirer un trait sur le village qui lui tourne le dos.
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