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sur 256 notes
«LA VEGETARIENNE» Han Kang (Le Serpent à Plumes)
NB : cette note un peu particulière et sans doute fort indigeste ( (:-) ) a été écrite en réponse au concours organisé par le Centre Culturel Coréen de Paris ; il fallait rédiger un texte personnel (maximum 10 pages) relatif à ce roman de Han Kang. Mes très sincères félicitations à la personne qui a gagné deux billets d'avion pour Séoul (et dont je serais ravi de lire ici la note couronnée).

N'avait-il pas raison, l'ami Montesquieu qui se demandait « Comment peut-on être Persan ? » Comment peut-on être Coréenne ? Et Coréenne du Sud, de surcroît ? L'Hexagone étant (évidemment) au centre de la surface du globe terrestre, on cherche à se rappeler où peut bien se nicher exactement ce demi-pays si lointain, royaume des téléphones portables, des voitures, d'une langue impossible à décrypter, et lieu de tous les fantasmes nucléaires de son demi-frère du Nord. Sans doute quelque part loin à droite, en bas ? Bref que connait-on de cette « petite » nation ? de sa population, de ses arts, de sa littérature ? Je l'avoue humblement, j'aurais bien eu du mal à citer un seul auteur coréen… jusqu'à cette rencontre avec « La Végétarienne », de Han Kang, roman inquiétant, envoûtant, étrange.

Voici donc, de nos jours en Corée du Sud, l'histoire bouleversante d'une jeune femme, Yŏnghye, éclairée en trois chapitres successifs par trois membres de sa famille.

C'est d'abord son mari qui nous la présente. L'employé modèle, le phallocrate banal s'épanouit médiocrement dans un univers rigide, dans un conformisme conventionnel et étouffant. Yŏnghye, modeste, réservée, discrète et simple, réunit toutes les qualités qui lui conviennent, et c'est justement pour cela qu'il l'a épousée. Cette union lisse et sans surprise bascule le jour où la jeune femme, suite à un rêve angoissant, décide de bannir du domicile toute viande ou poisson. Ce qui au départ n'aurait pu être qu'une excentricité intrigue le lecteur, et inquiète de plus en plus l'entourage de la jeune femme, d'autant qu'elle s'interdit tout produit d'origine animale, allant jusqu'à jeter ses propres chaussures en cuir. Plus que végétarienne, elle devient donc végétalienne rigoriste, ses cauchemars obsessionnels se font de plus en plus sanguinolents, elle s'alimente de moins en moins, son corps se décharne, elle ne fait plus l'amour (mais son mari la viole), elle ne dort plus, elle se dénude parfois, ses seins s'estompent, comme sa féminité. L'époux est dépassé, la famille de la jeune femme, en particulier son père, va la harceler pour la contraindre à ingurgiter de la viande… Cela conduira Yŏnghye, qui ne supporte plus de contact alimentaire qu'avec le végétal, au bord du suicide, au divorce exigé par le mari qui s'estime abusé, et dans un cheminement en spirale vers le déclassement social.

Deux ans plus tard, c'est Minho, le beau-frère de Yŏnghye, le mari de sa soeur, qui nous en fait découvrir une autre facette. Lui est un artiste vidéaste en panne d'inspiration, qui se cherche, peu reconnu, incompris de son épouse à qui il fait supporter toute la charge de l'éducation de leur fils et de la conduite du foyer. Depuis des années, son projet artistique inabouti vise à filmer des hommes et des femmes dont la nudité serait recouverte de fleurs peintes à même l'épiderme. Subjugué par l'idée de la tache mongolique que sa belle-soeur Yŏnghye a conservée depuis sa naissance au creux des reins, porté par un désir immaitrisable qui semble s'imposer à lui, bousculant toutes les conventions sociales et familiales, il propose à celle-ci, qui vit maintenant seule et assez marginalisée dans l'univers réduit de ses obsessions, le pari de la mise en scène érotisée de leurs corps nus, mais peints de représentations végétales, et en ébats captés par sa caméra vidéo. La fusion des peaux illustrées, les corps en transe dans une explosion exacerbée de sensualité semblent un bref instant entrouvrir une porte de la folle prison intérieure de Yŏnghye ; mais nul ne saura deviner ce qu'a pu représenter ce « mariage des fleurs » pour Yŏnghye, menant finalement l'héroïne vers l'internement en hôpital psychiatrique et une nouvelle étape de déshumanisation.

C'est enfin Inhye, la soeur aînée, la femme maintenant séparée du vidéaste, sans doute la plus « sensée » des personnages, qui nous fait parcourir la dernière étape. Elle ne comprend pas sa cadette, mais qui la comprend ? Elle lui reste pourtant fidèle, humainement très attachée, elle lui rend visite chaque semaine dans son établissement spécialisé. Yŏnghye est encore plus décharnée, elle est devenue quasi muette ; lors d'une fugue en forêt elle a imaginé se transformer en arbre, espérant « se dissoudre » dans l'ordre végétal. Et elle résiste de tout son être aux tentatives de gavage forcé de la part des médecins qui veulent la contraindre à vivre « normalement », malgré elle. Inhuy devra-t-elle accepter l'issue mortifère choisie par sa soeur ? Et d'ailleurs peut-on parler de choix ? le refus de viande et de tout produit d'origine animale s'impose avec une telle force irrésistible à la jeune femme ; pour elle, fuir, angoissée, la part d'animalité qui est en elle passe par sa végétalisation ultime. Elle a lentement glissé du végétalisme radical à l'anorexie grave et à la schizophrénie.

La question du regard est omniprésente dans ce roman. Dans sa construction-même, puisque ce sont trois points de vue qui nous donnent à voir, chaque fois sous un éclairage particulier et très subjectif, le calvaire de Yŏnghye. Il l'est aussi par la présence, à un moment particulièrement fort, de la caméra du vidéaste ; l'oeil de l'appareil, neutre et glacial, répond à l'étouffement obscène du regard social. Et c'est aussi le regard acide de Han Kang sur son monde, sur la rigidité des rapports familiaux et plus généralement humains, sur le poids des conventions qui asphyxient les plus fragiles.

L'une des surprises de lecture vient des tonalités très différentes de ces trois parties.
La banalité même de l'écriture du premier chapitre correspond bien au point de vue du mari, lui qui visiblement ne sait rien du verbe aimer et qui juge le contrat social de son mariage rompu par la dérive de sa femme.
La force intense, la visibilité des scènes du second chapitre, où le beau-frère vidéaste utilise au profit de son délire artistique et de son seul désir la folie de la jeune femme, rendent parfaitement l'ambiance charnelle, érotisée, d'une puissante sensualité, qui pourrait presque faire miracle. Mais ces deux inconsciences qui se rencontrent dans une étreinte brûlante sont trop étrangères l'une à l'autre, d'autant que le beau-frère est en fait tout centré sur son seul propre désir, lui qui n'est pas censé être fou.
Enfin c'est l'incompréhension de la soeur, mais surtout son inébranlable et solide fidélité jusqu'au bout qui s'expriment dans le troisième chapitre en contrepoint de la brutalité de certains passages.

Mais c'est surtout la violence qui sourd de plus en plus évidemment à chaque étape du livre qui marque. Elle est d'abord insidieuse, maligne comme une tumeur cachée chez le mari. Puis elle va crescendo dans le texte, elle explose avec rage dans le comportement terroriste du père qui veut contraindre par la force Yŏnghye à manger de la viande ; elle éclate dans les souvenirs des coups reçus par l'héroïne lorsqu'elle était enfant, ou dans la scène du chien qui la mord et qui, après torture, finit en ragoût dans le plat familial. Elle est insoutenable dans la tentative de gavage « médicalisé » des médecins en fin de roman.

C'est aussi un livre sur la solitude. Celle de Yŏnghye de plus en plus recluse dans sa folie, mais aussi celle de ses proches. Après le scandale et des ennuis judicaires conséquents (l'adultère est alors puni par la loi coréenne), Minho l'artiste n'a plus qu'à fuir ; pathétique est la scène du coup de téléphone qu'il passe à son ex-épouse en suppliant d'entendre la voix de son fils, et le seul bruit qui parvient aux oreilles du lecteur est celui des pièces qui tombent dans le réceptacle de la cabine publique lointaine. Toute aussi poignante est la prise de conscience de la soeur aînée non seulement de sa propre solitude, mais également du non-sens total de son existence, de ses choix de vie ; seule la présence de son jeune fils la retient de mourir. Au fond, le destin tragique de Yŏnghye devient le révélateur de la vacuité, de l'inanité du parcours de Minho et de Inhye. Alors sont-ils fondamentalement si différents, tous ces personnages ?

L'incommunicabilité radicale dans laquelle se retrouve enfermée Yŏnghye plonge le lecteur dans un univers angoissant, tant les émotions de la jeune femme, saisissantes, sont incompréhensibles, ce qui donne à ce roman une tournure si étrange, onirique. Elle s'imagine pleine de toutes les chairs qu'elle a ingurgitées. C'est rarement elle qui prend la parole directement, et quand elle le fait, c'est presque exclusivement pour raconter ses cauchemars qui la réveillent en permanence. Ses attitudes parlent pour elle : la jeune femme mange et dort de moins en moins, n'accorde plus la moindre attention à sa tenue vestimentaire ni à son apparence physique, et lorsqu'elle laisse voir ses seins nus, c'est sans la moindre notion d'exhibition, car elle ignore littéralement le regard des autres. A la fin du roman son corps est en déliquescence.

Le paradoxe fondamental et troublant de ce roman est que le seul personnage qui, apparemment du moins, réussit presque à sortir Yŏnghye de son gouffre mortifère, c'est le beau-frère égocentré, l'artiste qui n'a comme seules préoccupations que son « chef-d'oeuvre » et son désir, celui qui ne la juge pas car il n'en a pas réellement le souci. Car elle ne souffre plus, elle « revit » (c'est ce que signifie son orgasme) lorsque, fleur, elle se fond dans la peau végétalisée de son amant. Et sans le savoir, la soeur aînée, la soeur aimante n'a-t-elle pas, en sollicitant un hôpital psychiatrique, empêché une « rédemption », ou du moins un apaisement qui aurait pu jaillir de là où on l'attendait le moins ? En fait, c'est bien ce qui bouscule le lecteur : le seul qui, presque accidentellement, aurait pu être visiblement « réparateur », c'est celui qui ne vise que sa propre satisfaction, et c'est aussi celui par lequel l'orgasme advient. Pire, c'est la plus responsable, la plus attentionnée, celle dont notre « morale » nous rapproche sur le plan humain qui, sans le vouloir, brise l'effet curatif incident de la jouissance.

A moins que… A moins que cette histoire nous rappelle que l'emboitement absolument concordant de deux désirs dans un tout complet n'est qu'un leurre ? Que le nirvana achevé de l'imbrication parfaite de deux obsessions n'est qu'un fantasme, une illusion fugace, une impasse mortifère ?

La folle et douloureuse différence qui bouscule l'ordre établi, l'intolérance radicale comme unique réponse, la solitude absolue, la tromperie de la complétude, voilà ce que nous raconte ce livre, qui est loin de s'épuiser à la première lecture. Ce n'est pas un roman facile d'accès, c'est un roman noir et désespéré, dense, à tiroirs, ou plutôt à gouffres, qui s'adresse à une part non rationnelle de nous. En ce sens c'est vraiment un roman très contemporain, bien loin d'une écriture consensuelle ou politiquement correcte ; un livre très fort.

Merci à Han Kan de m'avoir ouvert les portes d'un nouvel et immense espace de lecture. Grâce à elle, je viens d'y rencontrer Gong Ji-young dans son bouleversant « Nos jours heureux », et déjà frappe à ma porte Gu Byeong-mo
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Une histoire particulièrement étrange qui m'a laissé sur ma faim (sans vilain jeu de mots). Une fable coréenne des plus étranges qui se lit en trois parties comme un triptyque. L'histoire nous conte l'histoire de Yonghye qui après un rêve prophétique décide de suivre un régime végétarien afin de devenir végétale.

Je suis assez mitigé après la lecture de livre. Tout d'abord la réaction de la famille vis-à-vis du régime alimentaire de leur fille, de la désapprobation allant parfois même jusqu'à la violence physique contre Yonghye qui petit à petit sombre dans la démence et l'anorexie. La description faite par l'auteur fait que nous nous retrouvons nez à nez avec Yonghye comme si nous assistions impuissants à cette longue descente dans la folie où elle s'enfonce petit à petit sans espoir de retour à une réalité. Une violence rentrée puis défoulée. Ces deux éléments m'ont donné une impression mitigée, surement ne sachant qui faire.

L'histoire se déroule en trois parties, avec trois visions différentes de trois personnes, le mari, le beau-frère, puis la soeur et à chaque partie nous voyons la maladie mentale sous un aspect différent. Un peu comme un spectateur devant une toile d'un triptyque très végétal.

La thématique de la maladie mentale est bien trouvée et on sent une recherche effectuée par l'auteur. Un quatrième chapitre où un épilogue aurait pu nous donner une finalité même si celle-ci est courue d'avance.

C'est le second livre de littérature coréenne que je lis et l'aspect à la relation avec le corps est tout aussi présente.
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Yonghye, épouse-modèle, silencieuse et obéissante a fait un rêve: la viande mènera son être à sa perte. Voyant dans se rêve une réelle vérité, la solution pour elle est de devenir végétarienne, envers et contre tout, mari et famille.

Mais si le végétarisme n'était que le début de sa solution ? si se dépouiller de tout ce qui est superficiel était la réponse ? Plus de vêtements, de maquillage laisser son corps se nourrir exclusivement d'eau et de soleil, atteindre l'état de grâce, l'état végétal.

Dans se livre, la parole sera donné à Yonghye par passage, des apparitions écrient en italique, des morceaux d'histoires, de rêves, pour nous aider à comprendre le pourquoi, mais le reste du temps, nous vivrons son choix et son histoire à travers 3 personnes: son mari, son beau-frère et sa soeur. Chacun d'eux aura une façon différente de vivre et d'accepter le changement de Yonghye.

Le mari, personnage froid, égoïste et attaché au paraître, vivra ce changement comme une trahison, comme la rupture d'un pacte silencieux qu'une femme fait à son époux lors du mariage.

Son beau-frère, l'artiste, vivra ce changement comme une sorte d'envoûtement, elle sera pour lui une muse et aura un pouvoir d'attraction totalement inconscient sur sa personne, mélange d'érotisme et de fascination pour cette femme qu'il essaiera de comprendre et de "mettre en oeuvre."

Sa soeur, Inhye, qui a toujours eu un certain rôle de mère pour Yonghye, acceptera difficilement ce changement, elle sera la victime involontaire des actes de sa cadette, pourtant ce sera peut-être la seule dans toute cette histoire à essayer réellement de comprendre, sans raison caché, le changement de sa soeur.

Au fil des pages, nous allons découvrir Yonghye à travers les yeux de ses 3 personnages, en tant que lecteur, nous allons essayer de comprendre, nous aussi, ce changement, de l'accepter, d'entendre ce qu'il y a à entendre, mais surtout de comprendre ce qu'il y a à comprendre.
Certains la traiterons de folle, d'autres, lui donnerons raison et tous aurons plus ou moins tords. Nous passons d'une réalité à un extrême, de la raison à la folie, mais toujours avec une vérité cachée.

Tandis que Yonghye décent peu à peu vers la conscience végétale, l'état végétatif, nous voyons en cette fable un écho, l'écho d'une société qui ne se suffit de rien, qui juge par plaisir de juger, et qui ne regarde plus avec les yeux d'un enfant, car c'est ce qui arrive à Yonghye, les personnages de son beau-frère et sa soeur font souvent référence à un retour à l'enfance, à un comportement de pure innocence de sa part, hors nous, nous avons beaucoup de mal à la retrouver notre âme innocente d'enfant..

C'est une sorte de fable, avec une morale cachée, c'est un livre qui se lit pour réfléchir et apprendre à respirer, si se livre réussi à vous parler, vous irez à votre tour, mais avec modération, vous nourrir d'eau et de soleil et jamais plus vous ne regarderez un arbre de la même manière.
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Charme et mystère qui s'insinuent dans le quotidien à travers ce portrait prenant, se développant comme si un fil invisible était tiré, qui viderait peu à peu le réel, l'entourage familial, de son énergie. C'est que cette femme non seulement devient végétarienne mais se rapproche le plus possible du végétal, avec une sensualité et une détermination irrévocables. C'est beau, peut-être sans convaincre tout le monde, mais c'est le propre de ce roman qui ne bascule peut-être que vers la folie individuelle ou vers autre chose...
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FABULEUX...

Yonghye, femme banale sans saveur aux yeux de son mari se reveille une nuit et jette toute la viande qui se trouve dans leur réfrigérateur... elle a fait un rêve et ne voudra plus absorber de matière animale.

Son époux effrayé tente de faire entendre raison à sa femme en faisant intervenir les proches de la jeunes femme au cours d'un repas. La réaction de Yonghye provoquera la colère de son père, le désarroi de sa soeur et l'admiration de son beau-frère.

La végétarienne est un texte fort...cru d'une belle sensualité. fable onirique ce texte est envoutant et il m'a été impossible de reposer le livre avant la dernière page.
Lien : http://edea75.canalblog.com/..
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Par où commencer.. Il faut dire que ce livre m'a complètement perdue. Je suis passé de la curiosité à l'incompréhension, le dégoût, l'hebetement...
Présentons d'abord l'histoire, nous faisons la connaissance de Yonghye, une femme asiatique des plus banale, ni belle ni laide, ni grande ni petite, ni mince ni grosse. Un soir, son mari la découvre hébétée, muette devant le frigo. " J'ai fais un rêve.." lui dit elle pour expliquer cette situation. À cause de ces rêves qui la hantent, elle décide de se débarrasser de tout produit d'origine animal, que ce soit dans ses placards ou dans son frigo. C'est l'incompréhension et l'effondrement pour ses proches qui ne comprennent pas son choix ni son entêtement. Tout va basculer après un repas de famille plutôt mouvementé..

Le résumé que je viens de vous proposer englobe bien la première partie des trois qui constituent le livre. C'est après celle qui que l'auteur me perd et part dans des délires...
La seconde partie est construite d'après le point de vue du beau frère de Yonghye, qui s'avère être un peu.. Singulier dans ses pulsions exotique puisqu'il s'amourache de sa belle soeur et fantasme sur elle et sur sa "tâche mongolique ".
Sans spolier plus le bouquin, tout part dans un tourbillon de sexe, de fantasmes crus, de décadence, de déficience et de folie. J'ai été happé dans un tourbillon où la folie et les pulsions sexuelles ne font plus qu'un.
La troisième et dernière partie est comme le calme après la tempête, cette folie est encore plus présente mais elle est accompagnée d'un état de léthargie et de béatitude inquiétant.
Sans vous en dire plus, je vous laisse libre choix de lire ou non ce livre que je déconseille aux cartésiens aha ! Personnellement j'en ressors comme d'un lendemain de fête, vidée, fatiguée par ce dangereux tourbillon qu'est la folie destructrice .
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Yonghye est une jeune femme sud-coréenne décrite comme banale. Elle mène une vie de couple sans passion. Un jour, elle fait un rêve et décide d'arrêter de manger de la viande. Comme ça, de manière soudaine et radicale. Et cela va même beaucoup plus loin. Elle cesse bientôt de s'alimenter complètement, de dormir, de s'habiller, de parler et souhaite devenir un arbre.

Le roman en trois parties rapporte les points de vue de son mari, de son beau-frère et de sa grande soeur face à cette situation. Je ne peux pas dire que j'ai aimé ou que je n'ai pas aimé ce roman. Il intrigue, pose beaucoup de questions et apporte peu de réponses, laissant de la place à l'imagination du lecteur. On peut le prendre de manière très poétique ou de manière plus intellectuelle, avec une réflexion sur la maladie mentale. Ça a été mon cas puisque j'ai eu l'impression de rester au bord du récit dans une position d'observation plus que d'implication émotionnelle avec les personnages. En tout cas, je n'ai pas du tout trouvé ce récit érotique comme j'ai pu le lire parfois. Je l'ai trouvé au contraire imprégné d'une grande violence, en particulier de la part des hommes.

Pour moi, ce livre interroge donc sur la maladie mentale, sur son impact sur les proches et leurs différentes réactions. le mari de Yonghye est principalement gêné par ses comportements détonants dans une société très formelle et des conséquences que cela pourrait avoir pour lui. Sa mère est à la fois en colère et inquiète pour elle. Son père ne comprend pas et ne peut réagir que par la violence. Son beau-frère a une fascination morbide et égoïste pour Yonghye. Il est obsédé par son fantasme d'artiste et ne pense qu'à l'utiliser dans ses projets. Enfin, sa soeur est dévorée par la culpabilité. Elle s'occupe de Yonghye et la déteste en même temps. Toujours, elle cherche le moment où tout a basculé.

Et puis, à certains moments, on pénètre le cerveau de Yonghye et sa logique interne. Sa peur profonde de devenir animale. Son désir implacable d'être un arbre, de vivre d'eau et de soleil. Sa présence particulière qui est une absence au monde. Sa folie déterminée qui la comble mais la mène progressivement vers la mort. Ce qui dérange, c'est qu'elle semble pourtant y trouver une liberté et une joie qui échappent aux autres personnages. C'est là, précisément, le point central du roman qui interroge.

Ce livre, pas très optimiste, comprend ainsi de belles pages sur la rencontre de trois mondes : celui des médecins et des diagnostics ; celui intérieur, profond et caché des malades psychiatriques ; celui de la famille tourmentée, perdue, disloquée dans le monde nouveau et inconnu de la maladie mentale qui remet tout en question.
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Après mon coup de coeur pour Leçons de grec, je me suis précipitée sur La Végétarienne. le style y est moins vaporeux et poétique, mais Han Kang parvient encore une fois à marier la violence du propos à la délicatesse de la forme.

De trois points de vue successifs, ceux du mari, du beau-frère et de la soeur, est racontée la transformation d'une femme devenue végétarienne à la suite d'un cauchemar sanglant. Son dégoût de la viande manifeste un rejet encore plus grand, celui du carcan familial qui l'étouffe. Hélas, une femme ne peut se soustraire sans heurts aux codes d'une société et sa volonté sera cruellement réprimée. Une très bonne lecture, déconcertante comme je les aime, à la fois très réaliste et allégorique.
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Cet étrange roman de l'auteure sud-coréenne Han Kang prend le biais du végératisme pour aborder le thème de la folie.

Il est découpé en trois chapitres : l'ordinaire devient peu à peu extraordinaire, l'obsession du beau-frère de l'héroïne quant à la tache mongolique qu'elle possède encore à l'âge adulte, enfin l'apothéose de la folie végétale du personnage principal.



Yonghye est, selon son mari, une femme des plus ordinaire : ni belle ni laide, d'intelligence moyenne, passe-partout. Une femme quelconque pouvant passer inaperçue. le couple, ordinaire, a une vie ordinaire jusqu'au jour où il la trouve, immobile et perdue dans ses pensées, devant le réfrigérateur ouvert. Une seule réponse à son questionnement : « J'ai fait un rêve ».

Dès lors, Yonghye se débarrasse des aliments d'origine animale pour ne conserver que ceux d'origine végétale. Elle ne mange plus de viande ni d'oeufs ni de lait au grand dam de son mari qui ne comprend pas ce qui lui arrive. Il se retrouve dans une situation gênante lors d'un dîner organisé chez le PDG de son entreprise car les préférences alimentaires de Yonghye provoque de nombreuses remarques sur le végétarisme.

Elle perd du poids et refuse de s'abandonner dans les bras de son époux au prétexte qu'il sent la viande. Désemparé, il s'ouvre à sa belle famille des difficultés qu'il rencontre avec Yonghye. Au cours d'un repas d'anniversaire, le père de Yonghye, aidé par ses fils, tente de lui faire avaler de force de la viande. Elle se rebiffe en saisissant un couteau et s'ouvre les veines.

Un soir, à l'issue de son hospitalisation, il la veille et à son réveil constate qu'elle a disparu. Il la récupère à l'extérieur, seins nus car, explique-t-elle, elle a trop chaud.



La convalescence de Yonghye se déroule vaille que vaille, elle ne renonce pas au végétarisme, bien au contraire, elle vit cloîtrée dans son appartement, le plus souvent nue. Ses rêves expliquent au lecteur ce qui a pu l'amener à changer radicalement ses habitudes alimentaires.

Son beau-frère, artiste photographe, vient la voir de plus en plus souvent, l'observant, lui trouvant du charme insolite puis lui propose de participer à une création dans laquelle elle devra se mettre nue. Ce qui ne la gêne pas.

Cette partie du roman est d'un grand érotisme, auquel on adhère ou pas, un érotisme extrême parfois dérangeant. Jae organise une séance avec sa belle-soeur Yonghye et un ami artiste Chunsun, il peint leurs corps de motifs floraux et leur demande de prendre des poses suggestives. Chunsun refusera d'aller jusqu'au pornographique.

Yonghye se refuse à Jae parce qu'il n'a pas le corps peint. Une fois le détail réglé, il revient chez sa belle-soeur et lui fait l'amour. Entre-temps, il parvient à filmer leurs ébats, film qui sera visionné par sa femme, Inhye qui les fera internés tous les deux.



Yonghye s'enfonce dans sa folie au point de vouloir devenir un arbre et de rester immobile, comme un arbre, sous la pluie. Elle devient anorexique et oppose une forte résistance quand l'équipe soignante s'en trouve réduite à la gaver par sonde.

Et si tout cela n'était qu'un rêve...



« La végétarienne » est un roman étrange et dérangeant par le sujet traité : la folie, l'anormalité qu'elle soit alimentaire ou érotique. La sensualité de l'interdit est l'arrière-plan du deuxième chapitre, celui du second pas de côté opéré par Yonghye : le végétarisme qui heurte le mode de vie coréen, comme il peut heurter le mode de vie traditionnel occidental. On constate que l'héroïne se dépouille de toutes les habitudes ordinaires jusqu'à mettre réellement en pratique le dépouillement : elle ôte ses vêtements, elle vit dans un environnement minimaliste, elle se nourrit de peu.

Yonghye est une jeune femme qui crie son mal-être avec les armes à sa disposition, la nourriture, son corps qu'elle refuse à son époux.

« La végétarienne » est un roman sur la solitude, le silence de la douleur dans une société, rigide et intolérante, où l'empathie et la communication réelle avec autrui sont loin d'être mis en avant.

La littérature coréenne peut être encore plus dérangeante que la littérature japonaise, « La végétarienne » en est un exemple... entre roman et fable contemplative.

Je n'ai pas détesté le roman, il a réussi à m'intriguer et à bousculer ma zone de confort. Néanmoins, j'ai apprécié les pas de côté de Yonghye ainsi que la résilience de sa soeur Inhye, lumière fragile dans la nuit de l'héroïne.

Bouger les lignes, même légèrement, permettra toujours de porter un regard nouveau sur soi et autour de soi.


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Je lis très peu de littérature asiatique, car les rares fois où je m'y suis essayé, j'ai été déçue. Mais j'ai eu un réel coup de coeur pour ce roman atypique, poétique, le genre de livre qui vous reste longtemps en tête après l'avoir lu… Han Kang est une écrivaine née en Corée du Sud en 1970, dont les trois romans ont déjà conquis de nombreux pays (USA, Angleterre, Japon, Espagne…), et dont deux ont été adaptés au cinéma dont « La végétarienne ». Il serait temps que son talent soit reconnu en France !

Yonghye mène une existence banale et paisible auprès de son mari Chong. Cette femme, d'ordinaire effacée et paisible, se réveille un matin, après avoir fait d'étranges rêves, très déterminée à ne plus manger de viande, et tout produit venant d'animaux. Si son mari et sa famille commencent à s'inquiéter, persuadés que ce régime végétalien est néfaste pour la jeune femme, cette dernière va non seulement continuer à le suivre, mais va également se déliter, aussi bien physiquement que psychiquement…

Trois personnes vont relater ce qui arrive à Yonghye : tout d'abord son mari, puis son beau-frère, Minho, et enfin sa soeur, Inhye, sans jamais comprendre ce qu'il se passe dans l'esprit ce celle-ci. Elle semble puiser ses buts, sa nouvelle façon de vivre, dans d'étranges rêves. Impuissants, ils vont tour à tour tenter de la changer, d'en profiter et de l'aider. Mais Yonghye, toute frêle et chétive qu'elle soit, leur tient tête à tous et continue ce qui est pour elle sa destinée, guidée par ses rêves.

Le style simple, épurée, convient parfaitement au sujet, et à Yonghye, qui veut se fondre dans la nature, et devient de plus en plus éthérée, déconnectée de la réalité au fil du roman. Il est beaucoup question de corps, la façon de l'habiter, de s'en servir, de le percevoir ; ceci dit, l'on perçoit dans ce livre des questions politiques cruciales, et une réflexion sur le libéralisme exacerbé actuel.

Un roman étrange et envoûtant, qui se lit d'une traite, et qui trotte ensuite dans la tête…

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