Némésis : Réminiscences

Ma lecture de Némésis commence à remonter à quelques semaines déjà. J'ai préféré bien laisser mijoter le tout dans ma petite tête afin de pouvoir coucher par écrit, après mure réflexion mon admiration ainsi que mon respect pour ce roman.

Avec Nemesis, je suis un peu embêté. Embêté car, je vais être très sincère, même après plusieurs semaines et nuits de réflexion, je n'ai pas su trouver de points totalement négatifs, de choses m'ayant véritablement posé problème durant ma lecture… Ce que je veux dire, c'est que pour moi Némésis est un véritable coup de coeur, une oeuvre fourmillant de qualité, qui se laisse dévorer sans aucun déplaisir, qui parvient à proposer des scènes d'une puissance dramatique comme j'en ai rarement lu dans un roman de ce genre. Je vais être assez dithyrambique avec ce texte, mais je tiens vraiment à partager cette gifle que je me suis prise de plein fouet au cours de ma lecture. J'ajouterai aussi qu'il s'agit du premier roman que je lis de ma vie qui m'aura fait pleurer, et ce deux fois.

L'attachement avec les personnages est immédiatement effectué, car ils brillent par leurs naturels, leurs richesses et leurs complexités. L'autrice de ce livre a fait le choix d'un récit au déroulement globalement lent, mais qui sait prendre le temps de nous introduire ses personnages, sont univers, ses règles. Et par personnages, cela comprend à la fois les principaux mais aussi les secondaires, qui se retrouvent assez nombreux. Pourtant, la plupart sont suffisamment bien développé pour qu'au bout de quelques chapitres (qui sont d'ailleurs assez conséquents), nous retenons les noms des différents protagonistes, ainsi que leurs personnalités. Me concernant, le personnage de Silence m'a totalement conquis ne serait-ce que pour son évolution, à la fois subtile mais colossale vis-à-vis du personnage de Sandy.

Némésis c'est aussi une ambiance, une atmosphère, qui nous prends, nous colle à la peau et ne nous lâche pas. Il faut bien distinguer deux « parties » dans ce roman : les souvenirs de Sandy, ainsi que le « présent », se passant quasi intégralement dans un complexe des plus obscurs, étouffant et anxiogène. On pourrait presque qualifier cet ouvrage de huit-clos finalement, bien qu'au moins 50% du roman soit composé des fameux flashbacks. Et n'allez pas croire que ceux-ci permettent de respirer en dehors de ce complexe claustrophobique : la ville d'Avalon décrite dans ce livre n'encourage personne à s'y aventurer. Car oui, ce roman ne fait preuve d'aucun filtre, d'aucune censure de la part de sa créatrice, nous offrant des scènes de qualité, très violentes et visuelles. Il ne décrit pas simplement des flaques de sang, des têtes décapitées, des blessures etc… il nous imprègne aussi d'une tension, d'une lourdeur psychologique que l'autrice parvient à transmettre remarquablement bien. Certains chapitres sont composés de scènes de torture psychologique d'une intensité comme j'en ai rarement lu. Plusieurs fois je me suis retrouvé épuisé par la lecture, tant mon implication dans ce que je lisais était palpable. Il règne dans ce roman une tension omniprésente, ne laissant aucune fenêtre ouverte sur une échappatoire de liberté. Tout comme Sandy, nous sommes enfermés dans ce centre, prisonnier entres ces 4 murs, dans ces longs couloirs, et il ne nous est autorisé d'en sortir que lors des chapitres dédiés aux souvenirs. L'autrice parvient à nous transmettre très efficacement la peur, la claustrophobie, et le malaise du personnage.

Les descriptions sont légion dans Nemesis. Elles font parties intégrantes du style de l'écriture de ce roman. Je tiens à préciser que je ne suis d'ordinaire pas le plus grand fan des descriptions. Lorsqu'elles sont trop longues ou trop présentes, je trouve que cela peut nuire à l'avancée du récit.
Mais dans Némésis, tout est écrit quasi exclusivement du point de vue dans Sandy, les descriptions nous permettent alors une immersion instantanée. Celles-ci sont très imagées, essentiellement basées sur les formes et les couleurs. Elles sont très plaisantes à lire, et bien que le monde soit totalement fictif, il n'y a pas de terme abracadabrantesque pour forcer le fantastique et l'imaginaire de l'oeuvre. Au contraire, nous pouvons aisément raccrocher des choses que nous connaissons dans des éléments de cet univers. le monde dépeins ici est bel et bien futuriste, mais de par sa proximité avec le nôtre, nous semble crédible, cohérent et vraisemblable. Il ne tombe pas dans l'écueil dans lequel pourraient se heurter de jeunes auteurs, d'inventer des noms pour la totalité des objets et choses du monde…

Comme dit plus haut, j'ai eu l'occasion de me retrouver en larmes à deux reprises au cours de mon aventure au sein de cet univers. J'aimerai d'ailleurs saluer la précision et la maîtrise des différents registres exploités par la diversité des scènes de cet ouvrage. Nous nous retrouvons avec des scènes de pure discussion entre deux personnages voire plus, des scènes d'observation d'un nouveau lieu par exemple, mais aussi des scènes d'action qui ne sont pas avares en intensité, ainsi que des moments de tristesse cristallines dont le ressenti est incomparables en matière d'émotion. J'irai même jusqu'à dire que Nemesis est un roman basé sur le ressenti tant il est viscéral lors de ces moments clés.

Dans ce livre, personne n'est intouchable. Aucun personnage ne semble être totalement immortel ou bien protégé de façon biblique par la simple volonté de l'auteur. On nous dépeint un univers impitoyable, et surtout ou nous le prouve en nous le faisant vivre. La crédibilité et la vraisemblance sont totalement inébranlable !

Pour ce qui est des personnages, je tiens encore une fois à saluer le travail accompli sur eux, car la plupart sont réellement intéressants, et surtout ne sont pas manichéens. Bien que Sandy soit l'héroïne de l'histoire, elle est très loin d'être un modèle à suivre. Elle n'est pas exclusivement gentille. Elle est vulgaire, violente, fait des choses qui pourraient nous faire remettre en question notre sympathie envers elle. Cependant toutes ses « exactions » ne nuisent aucunement à l'attachement qu'on lui porte. Nous sommes de son côté, et pas parce qu'elle est « la gentille contre les méchants », mais parce qu'elle est réellement attachante.
Celle-ci est très renfermé, a subi de nombreux traumatismes tout au long de sa vie, aussi bien psychologiques que physiques, son attitude se retrouve parfaitement logique et cohérente au sein de l'univers. Et surtout, le livre parvient à éviter un écueil que je ne supporte plus de voir dans les oeuvres de fiction : les personnages dit intouchables, invincibles et obligatoirement gagnants. Bien qu'elle possède un pouvoir extrêmement puissant, celui-ci n'est pas sans contrepartie : il représente un véritable effort, et s'il est utilisé avec trop d'intensité et d'insistance, les risques encourus par l'héroïne sont immenses. Ça vaut aussi pour l'entourage des personnages principaux, qui ne s'en sortent pas indemnes pour la plupart.
Oui, il y a des morts dans ce livre. Nemesis a l'intelligence de nous proposer des personnages totalement nuancés. le bon exemple de cette nuance est bien entendu mon petit favori de cette histoire : le Cyber, le « tortionnaire » pourrait-on dire de Sandy, Silence aka Erwan. Ce livre à la politesse de ne pas nous introduire un Syndrome de Stockholm qui serait des plus malvenu. Les dialogues sont savoureux : le répondant de Sandy face à la neutralité robotique de Silence est un régal à lire.

Personnage qui m'a également beaucoup plu, qui a un statut particulier par rapport aux deux précédents, puisqu'il n'est présent qu'exclusivement dans les flashbacks : Seth. C'est un véritable frère pour Sandy, son soutien numéro un, personnage extrêmement attachant. Une véritable relation fraternel unie ces deux Avalonniens. Une vraie authenticité, une humanité se dégage des dialogues entre les deux. Et bien qu'ils soient totalement soutiens l'un de l'autre, cette relation va connaître des haut et des bas. Et nous sommes loin des clichés que pourraient contenir des histoires du même genre à base de « je ne te parle plus mais tu ne peux pas comprendre ». Ici les choix de chacun, dans chaque moment de cette relation ne nous sortent pas du récit, et nous semblent même justifiés, à la fois du côté de Sandy comme de Seth.

Un autre personnage m'ayant quelque peu marqué, beaucoup plus secondaire cette fois-ci, mais qui en impose de par sa prestance et sa première apparition, il s'agit d'Owen. La première apparition de ce personnage est tout simplement glaçante. Il dégage quelque chose de terrifiant. Très peu présent, mais chaque scène concernant ce personnage transpire la tension et le malsain.

J'aimerai néanmoins émettre une certaine réserve concernant cette farandole de personnage. Ils sont un nombre assez conséquent, à la fois principaux, secondaires, tertiaires etc… Je dois admettre une chose : On retient aisément les noms, la plupart ayant un caractère défini au détour d'une phrase, d'une pensée de Sandy nous les décrivant au fur et à mesure de leurs rencontres, et sans que cela ne paraisse forcer pour donner une identité à chacun d'entre eux. Tout cela est parfaitement homogène. Cependant, j'avoue que certains personnages secondaires sont tombés dans un coin profond de ma mémoire sans que je puisse me les remémorer. Alors bien sûr, loin de moi l'idée d'exiger que chaque personnage ait tous une personnalité extrêmement marquée, un caractère fort et inoubliable. Je dis ça notamment pour les membres des Douze, le gang auquel appartient l'héroïne. Ceux-ci nous sont présentés à peu près au même moment, et je ne suis parvenu qu'à retenir quelques-uns d'entre eux.

En synthèse de cette critique, je ne sais plus savoir quoi ajouter. J'ai essayé de développer tout que j'ai trouvé de réussi, d'intéressant, de brillant et de captivant dans ce livre. Pour moi, Nemesis est un roman d'une très grande réussite. Passionnant de bout en bout, il m'a été impossible de décrocher mon nez du livre tant cette histoire est prenante et les personnages passionnant par leurs caractères, leurs personnalités et leurs aventures. L'ensemble baigne dans un univers qui nous est présenté comme sale, poisseux, impitoyable et sordide. L'amour que porte l'autrice à ses personnages et son univers est palpable jusqu'à la dernière page et nous invite à y plonger corps et âmes. La fin brutale, très osée est une vraie torture, nous sommes laissés en plein milieu de l'action et nous tournons désespérément la dernière page pour y découvrir une page blanche extrêmement frustrante.
Ce premier tome servait à poser les fondations et introduire son univers, et on sent que derrière tout ce qui nous as été raconté en premier plan, quelque chose de grand, de démesuré se prépare dans ce monde.
Je peux d'ores et déjà annoncer que, me concernant, le rendez-vous pour le deuxième tome est pris. Car je ne peux laisser ces personnages en l'état. Je veux découvrir à tout prix ce que la suite nous réserve, sortant de l'esprit brillant de sa jeune autrice. Un bel avenir en perspective pour cette future saga. Je ne peux que recommander les yeux fermer la lecture de Nemesis : Réminiscences. L'histoire nous plonge dans une immersion totale dans un futur des plus anxiogène, captivant, bouleversant dont on ressort des étoiles dans les yeux. Ce livre est une pépite comme j'en ai rarement lu, un véritable coup de coeur, et je remercie du fond du coeur Katia KARAVAC pour le travail accompli avec brio, passion et maîtrise. Vivement le tome 2 !