Beaucoup d'entre vous connaît sûrement la seconde hymne des États-Unis, la non officielle, probablement mieux que l'officielle de "la bannière étoilée" ("Star-Spangled Banner") et de la devise américaine "en Dieu est notre foi" ("In God is our trust") :
+++ " This Land is Your land. This Land is My Land
From California to the New York Island...." +++
(Ce pays est ton pays. Ce pays est mon pays - de la Californie à l'ïle de New York...) une chanson écrite et mise en musique par le compositeur, chanteur et guitariste plutôt à part :
Woody Guthrie, qui dans ses 55 ans d'existence, 1912-1967, a créé quelque 1.400 chansons.
Le Prix Nobel Littérature 2017 Robert Zimmerman, mieux connu sous son nom d'artiste
Bob Dylan, lui a d'ailleurs dédié son "Song to Woody". Une marque de respect de 1970 pour cette figure légendaire de la musique folk, ét par son oeuvre ét par sa vie.
Cette chanson engagée de 1944, symbole de la voix des déshérités, a été interprétée par une kyrielle d'artistes, parmi lesquels
Bruce Springsteen
La célèbre chanson "The House of the Rising Sun" sur un bordel à la Nouvelle-Orléans, n'est pas de lui, c'était une vieille rengaine que Guthrie a arrangée en succès cependant, tout au début de sa carrière.
Will Kaufman passe, à justé titre par ailleurs, comme la grande autorité de
Woody Guthrie, sur qui il a déjà écrit 3 biographies et assisté Douglas Brinkley et Johnny Depp dans l'édition d'un roman de Guthrie "La maison de la terre", paru en 2014 chez Flammarion et à propos duquel mon amie sur Babelio, KATE92/Véronique, a rédigé une excellente chronique. L'auteur est professeur de littérature et culture américaine à l'université de Lancashire, à 60 km au nord de Manchester, en Angleterre.
Tom Paxton, un autre compositeur et chanteur, a noté quelque part : "Personne ne peut comprendre le peuple américain sans écouter
Woody Guthrie" et il a évidemment 1000 fois raison. Il y a chez ce compositeur le reflet de l'Amérique du Krach de Wall Street, le "New Deal" (= nouvelle donne) de F.D.Roosevelt, l'attaque de Pearl Harbor et tout au long le triste sort des démunis et des gens de couleur...à l'instar de
John Steinbeck,
Prix Nobel 1962, qui a vécu à la même époque (1902-1968). Je signale que Paxton est l'auteur de la chanson de Claude François "Le jouet extraordinaire" et de "Qu'as-tu appris à l'école mon fils ?"
L'homme qui affichait sur ses guitares la mention "
Cette machine TUE les fascistes" - titre aussi d'un de ses ouvrages, publié par Albin Michel en 1978 - est issu comme 3ème môme dans une famille autant particulière : son père, Charley, avant de devenir vendeur de bouquins, avait été cowboy (littéralement) dans l'Oklahoma, où Woody est né, et sa mère, Nora Sherman, a été internée et est morte de la maladie de
Huntington, lorsqu'il avait 14 ans. Cette horrible maladie de dégénérescence neurologique avec d'importants troubles cognitifs et moteurs, a également causé sa mort relativement jeune, au bout de multiples souffrances physiques et mentales.
Il s'est marié 3 fois : avec Mary
Jennings (1933-1943) ; Marjorie Greenblatt Mazia (1945-1953), avec qui il a maintenu de bons rapports jusqu'à la fin, et Anneke van Kirk (1954-1958). Woody a eu 8 enfants et son fils, Arlo Davy né en 1947, a marché dans les traces de son père comme guitariste et compositeur. Et comme si les Guthrie l'avait dans le sang, sa petite-fille, Sarah Lee Guthrie, née en 1979, continue avec son mari, Johny Irion, dans la même voie.
Woody Guthrie a vadrouillé le territoire américain, surtout au cours des "dirty thirties" comme peu l'ont fait. Celles et ceux qui ont lu de
John Steinbeck "
Les raisins de la colère" et, à plus forte raison, vu le film éponyme de
John Ford de 1940 avec un émouvant Henry Fonda, n'auront aucun problème à s'imaginer les routes désertes et désolées qu'il a dû emprunter. Il a séjourné dans des hôtels sordides, des appartements hideux, même dans des campings misérables. C'est dans un camping miteux qu'il a été victime d'un grand incendie, en 1954, où son bras a tellement brûlé qu'il n'a plus été capable de jouer à la guitare comme avant.
Lors de ses pérégrinations, il a aussi résidé, au début des années 1950 un temps à New York, où il a eu de sérieux démêlés avec son propriétaire...Fred Trump. Eh oui , le père de
Donald Trump ! Profitant du New Deal, Fred s'était arrangé pour construire un complexe de 1860 appartements, "Beach Haven", à Brooklyn, où les gens de couleur étaient rigoureusement refusés. Pour Woody une excellente raison de composer une chanson : "Beach Haven looks like heaven, Where no black ones come to roam! No, no, no! Old Man Trump! Old Beach Haven ain't my home! "
(Beach Haven ressemble au paradis, où aucun noir vient louer. Non, mon vieux Trump, Beach Haven n'est pas mon chez moi !)
Il en existe une autre que
Will Kaufman a trouvé dans les archives chez Nora, la fille de
Woody Guthrie à Tulsa, Oklahoma :
"I suppose Old Man Trump knows just how much racial hate he stirred up In the bloodpot of human hearts when he drawed that color line here at his eighteen hundred family project". (Je suppose que le vieux Trump sait combien de haine raciale il a soulevée dans les coeurs humains, lorsqu'il a dessiné cette ligne de couleur, ici à ce projet de 1800 familles).
Bien sûr,
Woody Guthrie était un gauchiste et de mauvaises langues l'ont même accusé d'être communiste, quoiqu'il n'ait jamais eu de carte du parti, mais à l'époque du sénateur Joseph McCarthy et sa "Chasse aux Sorcières" des années '50, ce n'était guère une référence. Un autre sénateur Robert Kennedy, en revanche, a déclaré qu'il a été "un des artistes les plus fins et authentiques que notre Nation ait jamais produits". le "Radical" Guthrie a après tout eu droit, par une Amérique reconnaissante, à son timbre-poste de 32 cents en 1998.
Will Kaufman, qui pendant ses loisirs donne des cours d'histoire de son pays à des jeunes Anglais ... en chantant "du Guthrie", a, je crois, signé ici la biographie de référence d'un créateur et performateur absolument extraordinaire. J'ignore si ce livre verra le jour en version française, mais, à cause de l'argot employé par
Woody Guthrie, la lecture n'en est pas évidente. C'est la raison pour laquelle je recommanderais un de ses propres romans disponibles en Français : "
La maison de terre" déjà mentionné ou son autobiographie "
En route pour la gloire" édité par Albin Michel en 1990.