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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
En 1938, Shusai, le ''Maître invincible'', met son titre en jeu pour la dernière fois. Il a 65 ans, son corps le lâche mais sa capacité à s'immerger totalement dans une partie de go reste intacte. En face de lui, Otaké, 30 ans, a durement combattu contre ses concurrents pour avoir l'honneur d'affronter le Maître. La partie durera 6 mois, interrompue par les ennuis de santé du Maître. Uragami, journaliste, est envoyé par sa rédaction pour suivre ce combat historique entre celui qui incarne la tradition ancestrale du go et le représentant de la jeune garde.


KAWABATA qui, pour les besoins du roman, devient Uragami, n'en demeure pas moins le témoin privilégié de ce mémorable tournoi de go. Et, comme il pratique le jeu sans être un expert, il s'est plutôt attaché à décrire la personnalité des protagonistes et les enjeux de cet affrontement.
La bataille du go est aussi une bataille d'ego. La Maître, sage et discret en apparence, entend tout de même faire savoir que son grand âge et son statut lui donnent des prérogatives et se laisse parfois aller à une forme d'autorité que le jeune Otaké a souvent du mal à tolérer. Il est certes respectueux mais veut aussi que l'on suive les règles et chaque entorse dictée par son adversaire donne lieu à de longues négociations. Otaké menace d'abandonner, on négocie, on le raisonne, il cède, conscient de sa position délicate. Peut-il être celui qui aura empêché le Maître d'aller jusqu'au bout de son tournoi d'adieu ? Soumis au jugement de ses pairs, il se doit de continuer même si affronter un homme vieillissant et diminué le met dans une situation ambiguë. Qu'il perde ou qu'il gagne, on discutera sans fin sur l'issue de la partie.
Rendant compte des tensions, des enjeux, le journaliste se veut impartial mais ne peut empêcher de laisser transparaître son respect et sa tendresse pour le Maître, l'homme du passé, le garant d'un go qui tient plus de l'art que du jeu, un combattant prêt à laisser ses dernières forces, sa vie même, dans cette ultime partie.
Derrière le silence de la concentration, derrière le calme apparent, derrière les visages impénétrables, c'est une guerre qui est déclarée et on en connaît l'issue. le Maître va s'éteindre et, avec lui, une page se tourne sur le Japon ancestral et traditionnel.
Entre lenteur poétique et tension palpable, ce petit roman va bien au-delà du jeu proprement dit, même si les parties sont très détaillées, pour cueillir aussi bien ceux qui sont au fait de la stratégie du go, que ceux qui n'y connaissent rien.
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Dès la première phrase, le lecteur apprend qu'au matin du 18 janvier 1940 mourait le Maître de Go Shusai, vingt et unième de la dynastie des Honimbo. Deux ans auparavant, un grand quotidien de Tokyo avait confié au narrateur le soin de suivre son dernier tournoi. La partie commença le 26 juin 1938 dans un restaurant de la capitale et se termina le 4 décembre de la même année dans une auberge d'Ito. Cette ultime partie dura donc six mois, interrompus pendant trois mois en raison de l'hospitalisation du Maître. Sa maladie rendit le tournoi pathétique et lui coûta la vie.
Kawabata a réellement tenu une chronique de cette partie pour un journal. Mais le livre va bien au-delà du reportage et ne sortit qu'en 1952. Il est d'une richesse extraordinaire.

Le Go est un jeu de plateau qui simule un affrontement militaire. le but du jeu est d'envahir le camp de son adversaire. le Maître a les pions blancs et son adversaire les noirs. Pour le Maître (dans les yeux du reporter M.Uragami) c'est une lutte à mort à l'intérieur de lui-même. Une lutte contre le Temps. le Maître est tellement concentré dans sa partie, qu'il est hors du monde dans ce vide qui rappelle celui du Nô. le jeu de Go comme le Nô est très codifié, très ritualisé, très dramatique en lui-même et tout est bien expliqué. On comprend aussi que la situation critique du Maître appelle de nouvelles règles, des changements de lieu,« des coups scellés » qui permettent d'interrompre la partie pendant des semaines. Pendant ces journées de congé, les joueurs, leurs disciples, les arbitres et les journalistes aiment jouer à d'autres jeux comme les Echecs orientaux, le billard ou le Mahjong. Il y a aussi une scène intéressante dans laquelle le narrateur fait une partie de Go avec un Américain plutôt très dilettante dans un train. Et il médite sur l'approche différente du jeu par l'étranger. On imagine que les joueurs refont inlassablement la partie, envisagent les nouveaux coups, révisent leur stratégie.
Et puis soudain les coups s'accélèrent.

Le Maître représente bien sûr la tradition aristocratique et son adversaire Otaké, la jeune garde moderniste. le Maître trouve normal d'avoir des prérogatives et en profite largement en demandant des modifications des règles ou des ajournements. le jeune et impétueux Otaké voudrait être traité à égalité mais il est également très soucieux de son image. Il se trouve face à un dilemme en jouant contre le Maître plus âgé dont la santé est défaillante. D'un côté, il doit être respectueux et compréhensif, mais d'un autre côté, il a également des droits garantis par les conditions du tournoi, et il trouve injuste que le Maître continue d'attendre que les conditions du tournoi soient modifiées pour sa convenance personnelle. Et cela ressemble à une situation sans issue : s'il gagne la partie, on dira qu'il a cruellement battu un vieil homme malade et s'il perd, on dira qu'il a pathétiquement sombré face à un vieil homme malade. le narrateur s'attarde davantage sur le Maître. Il observe l'avancée inexorable de la vieillesse et de la maladie sur son visage, au sourcil près et puis son difficile combat pour n'en rien laisser paraître. Sa concentration est impressionnante. Son immobilité, son élégance.
Avec beaucoup de subtilité et par petites touches blanches, Kawabata rend hommage à sa dignité et à son art.
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Ce petit ouvrage est une perle, une pierre nacrée polie par les siècles, posée sur le grand Goban de la Vie.
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J'ai la vieille édition, dans laquelle les Kawabata ont été édité. Je crois que c'est Albin Michel. Le livre sur le jeu de go comme la défense Loujine l'est pour les échecs. C'est le vieux contre le jeune, la tradition contre la nouveauté. Je suivais la partie sur mon plateau. Un coup vulgaire? J'essayai de voir en quoi il l'était. Quand l'ordinateur a vaincu le champion de Go je me suis demandé si la machine avait joué vulgairement. le jeu c'est la vie et elle fuit le Maitre. Crépusculaire.
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le Maître ou le Tournoi de Go
Yasunari Kawabata (1899-1972)
Prix Nobel 1968
Né à Osaka en 1899 Yasunari Kawabata est mort en 1972 après avoir obtenu le prix Nobel de littérature en 1968.
Dans ce récit il relate la dernière partie de go disputée en 1938 au restaurant Koyokan du parc de Shiba à Tokyo par le vieux Maître Shusaï, joueur professionnel, déjà malade, jusque-là invincible, contre le champion Otaké septième dan. Une partie d'adieux en quelque sorte au cours de laquelle le Maître, sa femme à ses côtés, met son titre en jeu.
On peut dire que cette histoire commence par la fin puisque tout le début concerne la veillée mortuaire de Shusaï , mort quelques mois après avoir perdu la partie, ce qui brisa sa vie :
« La vie de Shusaï, Maître de Go, semblait s'être achevée quand son art s'était éteint, lors de ce dernier tournoi. »
Lui qui disait toujours :
« Je m'absorbe dans le jeu ; mon adversaire ne compte plus. »
La partie qui dura six mois fut interrompue durant un mois en raison de la santé chancelante du Maître et reprit à l'auberge Danko à Ito, mais faillit être annulée à plusieurs reprises pour diverses raisons liées à la tension extrême régnant entre les deux adversaires.
C'est une histoire vraie que nous conte ici avec minutie Kawabata, en place de journaliste narrateur sous le nom d'Uragami. Seuls les noms des protagonistes ont été changés dans ce récit sous forme de reportage. Avec force détails nous sont décrits l'aspect, les gestes, et le comportement général des joueurs. En somme comme le dit le narrateur, « j'observais moins le jeu que les joueurs », ce qui fait tout l'intérêt de ce récit même si l'on ne pratique pas le jeu de go.
le jeu de go est un jeu stratégique, complexe et subtil, reposant sur la notion d'encerclement. D'origine chinoise, il fait partie des cérémoniaux japonais où il a pris sa forme définitive.
Deux générations dans cette partie s'affrontent, celle du vénéré Maître Shusaï né au début de l'ère Meiji pour qui le jeu de go est plus un art de vivre qu'un jeu, et celle du jeune Otaké pour qui le jeu de go est plus un combat qu'un art :
« le Maître n'avait pas l'habitude de l'égalité moderne, mais celle des prérogatives d'antan. »
D'où les conflits qui surviendront au cours des mois que va durer la partie.
Un face à face dantesque parfaitement décrit par l'auteur, chaque joueur tour à tour usant de ses armes pour déstabiliser avec respect l'autre. le comédien et raisonneur Otaké contre le rusé et capricieux Shusaï. Un fabuleux combat psychologique.
Et l'état de santé du Maître tout au long de la partie déstabilisa Otaké en ce sens que si Otaké gagnait on pourrait dire qu'il avait vaincu le Maître affaibli ; et s'il perdait, ce serait pire encore, plus humiliant, car il serait vaincu par un Maître affaibli.
Quand Otaké sentit qu'il allait gagner, « il nous donna l'impression de se trouver en état d'extase, entrainé par des pensées trop fortes pour être contenues. Son visage plein, rond, harmonieux, évoquait, par sa perfection, quelque bouddha ; ce visage d'une beauté qui défiait l'analyse, devait être celui d'un homme devant lequel s'ouvrait le domaine de l'exaltation artistique. »
Magnifique !

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