Dans une auberge de la campagne japonaise, un terrible duel est sur le point de commencer. D'un côté, maitre Shusai, 65 ans, vieux et à la santé fragile, mais possédant encore pleinement ses capacités intellectuelles, au sommet de son art. de l'autre côté, Otaké, 30 ans, jeune et impétueux mais une des rares personnes qu'on croit capable d'opposer une véritable résistance au maitre. À travers eux se joue également le choc des générations. La vieillesse, attachée aux traditions, et la jeunesse, ambitieuse, qui croit que son temps est venu… Et, entre les deux, ce jeu de go. Je connais à peine ce jeu et je le regrette. Ça ne m'a pas empêché de comprendre l'histoire mais assuréement des enjeux liés à la partie m'ont échappé.
L'auteur
Yasunari Kawabata a choisi de raconter ce duel à travers les yeux d'Uragami. C'est un journaliste. S'il se débrouille correctement au jeu de go, il n'est pas un joueur professionnel. Donc, s'il est capable d'analyser quelques coups et d'en comprendre la portée, son attention est ailleurs. Chez les joueur, surtout. Il étudie avec attention les réactions de chacun, les signes de faiblesse chez l'un, les mouvements passés presque inaperçus chez l'autre. Il s'entretien même avec eux pendant les pauses, se risquant à une partie d'échec ou de mahjong. Ce point de vue extérieur au jeu, un peu détaché, nous fait réellement comprendre que le jeu de go n'est que le prétexte. L'important, ce sont les joueurs.
Pour le Maître, le jeu de go est art, presque un rituel. Il joue avec méticulosité et patience, médite son coup. Pendant cette méditation, il est absorbé, songeur, à un point tel qu'il accable d'ennui son opposant. Otaké, le représentant de la jeunesse, joue pour gagner. Il joue avec rapiditié et nerf. Deux conceptions complètement différentes du jeu. Et sans doute de la vie, également, et de la direction que devrait prendre le Japon en 1941. Laissons tomber les traditions et fonçons tête première dans la modernité !
Mais le Maître se sent mal, plusieurs suggèrent qu'on annule le tournoi. Shusai refuse, il souhaite continuer jusqu'au bout, même s'il faut espacer les rencontres au point de les étaler (et de l'épuiser) sur plusieurs mois. Peut-être sent-il la fin approcher et désire-t-il terminer en grand ? C'est un peu triste. Uragami est témoin de cette tragédie dont beaucoup se souviendront par la suite.
Pour résumer,
le maitre ou le tournoi de go, c'est à la fois un affrontement, une analyse psychologique et le portrait d'une nation à un moment charnière. le tout dans un décor poétique, écrit par un prix Nobel à la plume sensible, lente et délicate mais également ferme. Je ne me lasse pas du style de Kawabata. Si vous ne le connaissez pas, vous devez absolument le découvrir.