Chanson d'herbivores
Apprivoisé jusqu'à l'invraisemblable
je vis dans mon troupeau de la Bulgarie à
la Normandie,
broute de la liberté sèche
dans une savane illuminée,
et trouve normal d'être chassé.
Je comprends le lion, le léopard,
tolère le crocodile, la hyène.
Lorsque l'on m'ouvre le gosier,
je regarde patiemment, un peu angoissé,
mon sang indigné s'éloigner.
Je ne me plains pas, c'est moi qui l'ai voulu,
c'est plus stable à quatre pattes, l'Europe était une fiction,
et puis la culpabilité et l'attente des barbares,
puis l'autre côté des choses tout le temps,
et les prédateurs ne sont pas heureux eux non plus.
la commission arrive en hélicoptère
la commission s'en va en hélicoptère
plusieurs enquêtes sont en cours dans mon affaire
le soleil se lève seul
le soleil se couche seul.
// traduit du hongrois par Guillaume Métayer
Gergelyiugornya, carte postale
Nous vivons en zone inondable, en une étrange grâce.
(László Kürti.)
Tout est zone inondable.
Soudain un fleuve
réfléchit, et.
Une date arrive, et.
Un souvenir jaillit, et.
Une sécheresse se termine,
une paire d'yeux s'ouvre,
une réalité se fatigue,
un nonsense
se réveille, reposé, et.
Ça s'obscurcit,
ça s'éclaire.
Au miroir du vin la lune,
au miroir du café le soleil.
// traduit du hongrois par Guillaume Métayer